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Vous vous demandez ce que «6-7» veut dire? Je ne vous laisse pas languir: rien.
Dans les corridors d’école, à la maison, dans la rue, au parc ou en transports en commun, l’avez-vous entendu? «6-7»… Deux chiffres échangés en anglais (six, seven), entre jeunes, accompagnés d’un geste de la main. Vous n’y comprenez rien? Ne vous en faites pas. C’est voulu.
«J’ai dû faire une intervention dans ma classe. C’était devenu insupportable !»
Nadine, professeure au secondaire dans une polyvalente de la Rive-Nord de Montréal, raconte l’anecdote, exaspérée. Celle qui enseigne depuis vingt ans est pourtant habituée aux tendances virales, issues de TikTok.
Mais la tendance «6-7» a atteint des sommets, dit-elle. Plusieurs professeurs interrogés sur la question ces derniers jours ont confirmé la même chose : la folie a atteint leurs salles de cours, de même que les cafétérias, agoras, salles de casiers, bibliothèques et gymnases de leurs écoles.
«Quelle plaie! Je donnais des instructions et un groupe d’élèves a commencé à se lancer six seven d’un bout à l’autre de la classe», dit Éric, professeur en secondaire 3 dans une école privée de Montréal. Ça prend juste un élève qui commence et voilà, c’est parti. »
Il a dû faire une intervention officielle le lendemain, en début de journée, après avoir parlé avec ses collègues et la direction d’école. «Ça devait arrêter, car tout le déroulement de la classe était perturbé. On a dû mettre des limites aux élèves : en classe, ce ne sera pas toléré.»
Vous vous demandez ce que « 6-7 » veut dire? Je ne vous laisse pas languir: rien. Ou du moins, c’est (très) flou.
Cela peut vouloir dire «c’est moyen», «c’est correct», c’est «pas top», mais acceptable. Par exemple, à la question d’un parent à son ado sur comment a été sa journée à l’école, le jeune répond « 6-7 » avec l’accent sur le « seveeeeen ».
Jess, 16 ans, en secondaire 4, m’explique au téléphone en riant : «Il ne faut pas chercher un sens. L’expression est un fourre-tout. C’est un mot viral, c’est tout. C’est pour ça que c’est drôle : ça nous appartient. C’est une inside joke. Nos parents et nos profs, bref les adultes, ne comprennent pas…»
Intéressante perspective. La viralité vient à la fois du côté sélect et de celui de l’absurdité. Comme plusieurs tendances qui tombent dans la catégorie #brainrot1 d’ailleurs.
Mais d’où vient l’expression? Elle est tirée de la chanson Doot Doot du rappeur Skrilla, sortie à la fin de 2024. Les mots «6-7» se retrouvent dans une des lignes. Elle ferait référence à la 67e avenue de Philadelphie, où a habité le chanteur.
Reprise abondamment dans des publications sur TikTok, à partir du début de 2025, elle a vraiment pris son envol lorsqu’elle a été utilisée par un joueur de basketball de la NBA, LaMelo Ball, qui mesure… 6′ 7″.
L’expression a enflammé les réseaux sociaux à travers des mèmes. Et cela est devenu extrêmement populaire parce que la tendance s’inscrit directement dans la lignée du contenu de #brainrot : usage rapide, peu de réflexion, court, rapide, réservé aux initiés, bref, à ceux qui comprennent la référence (mes ados aiment d’ailleurs me dire que je n’ai pas la «ref»).
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Une directrice d’école secondaire m’explique qu’à chaque début d’année, depuis les années covid, elle «casse les expressions liées au #brainrot» en début d’année.
«Tout le monde est averti que ces expressions virales, vides et superficielles, ne sont pas tolérées. Elles causent du trouble, de l’agitation et en fin de compte, des pertes de temps.»
Si vous faites partie des parents à bout d’entendre «6-7» à la maison, tenez bon. L’expression est en déclin — et elle sera bientôt remplacée par une autre…
Courage.
1. Le brain rot (ou «cerveau pourri») désigne un état d’épuisement mental et de déclin cognitif causé par la consommation excessive de contenus en ligne de faible qualité, insignifiants et peu stimulants. Il entraîne une diminution de la capacité d’attention, des difficultés de concentration et une sensation de brouillard mental. Il n’existe pas de diagnostic officiel pour le brain rot, mais la communauté médicale s’y intéresse de plus en plus.
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