Le gouvernement Carney a annoncé la fin des contre-tarifs sur tout ce qui n’est pas couvert par l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). Le ton des libéraux a drôlement changé depuis la campagne électorale. L’expression elbows up ne voulait pas dire grand-chose en français, mais désormais, on sait très bien ce que signifie avoir «les coudes bas».
À écouter Dominic LeBlanc, qui était sur les ondes du 98.5 hier matin, les derniers reculs vont de soi. À coup d’analogies sportives, le ministre du Commerce Canada–États-Unis nous a expliqué que c’est bien beau de vouloir se battre, mais qu’il fallait être responsable.
«Il y a des moments dans un match de hockey où les coudes sont élevés, on va même laisser tomber les gants. Si on arrive à la dernière période et que le score n’est pas clair, ce n’est pas le temps de prendre des pénalités.»
En gros, on nous explique qu’à la suite des premières annonces de tarifs de la part du président Trump, le Canada a rapidement annoncé des contre-tarifs, mais aucun des autres pays du monde n’a mis en vigueur des contre-tarifs. Seul au monde, le Canada aurait été, aux dires de M. LeBlanc, complètement isolé. Ce n’est pas tout à fait vrai, puisque la Chine, puissance économique s’il en est une, a imposé des contre-tarifs aux États-Unis.
On n’a peu de mal à comprendre qu’il est difficile de négocier avec quelqu’un comme Donald Trump. On s’imagine aussi que si le président américain décide de mettre fin aux négociations ou encore qu’il décide de soumettre les tarifs aux produits couverts par l’ACEUM.
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Cela dit, au-delà de ces calculs défensifs, on doit admettre que les libéraux ont bien su exploiter vos émotions en début d’année et cela leur a permis d’aller chercher un quatrième mandat alors que tout le monde croyait quelques mois à peine auparavant qu’on s’en allait vers un gouvernement conservateur majoritaire.
Surfer sur la colère
En février et mars dernier, les Canadiens étaient fâchés et/ou anxieux. Ils avaient envie d’entendre que le gouvernement allait se battre pour eux. Vous vous en souvenez ? Certains allaient jusqu’à huer l’hymne national américain.
Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, s’est d’ailleurs rapidement positionné comme le capitaine Canada en adoptant un ton dur, et en menaçant les Américains de leur couper le courant et l’approvisionnement en potasse.
En campagne électorale, on utilisait un champ lexical plus agressif, qui misait sur la montée de patriotisme qui enflammait le pays.
Concessions
Le problème, c’est qu’on est en droit de se demander ce qu’on aura dans notre besace pour marchander à la table de négociation, puisqu’on concède des choses avant même de s’asseoir à la table, juste pour être en mesure de poursuivre les discussions.
Le Canada, en plus d’avoir fait tomber les contre-tarifs, a aussi annulé sa Loi sur les services numériques un peu plus tôt cet été.
Une négociation implique de faire certaines concessions sur des éléments qu’on est prêts à marchander, à échanger avec son adversaire. L’objectif est d’en arriver à un accord gagnant-gagnant, dans lequel les deux parties ont réussi à obtenir les choses respectivement les plus importantes pour elles.
Or, Donald Trump ne pense pas gagnant-gagnant, mais bien gagnant-perdant. Il doit être le gagnant, et l’autre doit être le perdant.
Les objectifs ont changé
Et on sent bien que l’objectif du Canada dans cette négociation a évolué. On ne cherche plus à faire tomber les tarifs, on cherche plutôt à sauver les meubles du libre-échange. On a commencé à expliquer aux gens que nous étions fort chanceux d’avoir l’ACEUM toujours en place, et que le Canada était mieux positionné que bien d’autres pays. On met de l’avant que l’on doit préserver ça à tout prix.
Les coudes en l’air ayant disparu, on mise également beaucoup sur la diversification des marchés. Ça ne se fait pas en criant ciseaux. Il serait étonnant que des retombées structurantes des démarches de diversification se fassent sentir avant la fin du mandat de Donald Trump.
Pour l’instant, Mark Carney demeure populaire, sondages à l’appui. Sans doute que les électeurs n’ont pas l’impression qu’un autre premier ministre ferait beaucoup mieux?
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