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Le navire lui, prend l’eau sans que ce soit la faute de personne d’autre.
À la différence du Titanic, ce n’est pas un iceberg heurté dans la nuit glaciale qui est à l’origine de la tragédie, mais bien un candidat à la présidence qui a offert la pire performance de l’histoire moderne lors d’un débat présidentiel. Le navire lui, prend l’eau sans que ce soit la faute de personne d’autre. Et ce n’est pas la conférence de presse de jeudi soir, lors de laquelle il a commis plusieurs lapsus, qui contribuera à rassurer son parti et les citoyens américains.
Autant pour le contenant que pour le contenu, le débat du 27 juin a été une véritable catastrophe qui hante encore à ce jour l’actuel président des États-Unis et son entourage. Depuis ce jour fatidique, chaque geste, chaque parole et même chaque regard de Joe Biden est scruté à la loupe. Toutes les visites de médecins à la Maison-Blanche sont analysées et les fuites d’information dans l’entourage du président se comptent par dizaines.
Dans la grande famille démocrate, les rumeurs au sujet de l’état de santé du président octogénaire se font entendre, certaines plus fortes que d’autres. Une poignée d’élus ont osé dire haut et fort que Biden devait céder sa place et partir la tête haute avec un excellent bilan législatif comme héritage politique. Le message passe aussi par des déclarations beaucoup plus directes de donateurs influents du parti comme l’héritière de l’empire Disney ou encore des personnalités publiques bien connues telles l’acteur George Clooney qui a demandé à Biden de céder sa place pour le bien du pays.
Cette panique dans le camp démocrate ne se ressent pas dans tous les sondages. En général, Trump est certes en avance, mais on ne parle pas de marges aussi astronomiques qu’on aurait pu imaginer. Une autre preuve de la faiblesse des deux candidats.
La personne à qui on pense naturellement pour remplacer Joe Biden, si ce dernier décide finalement d’accrocher ses patins, est Kamala Harris, l’actuelle vice-présidente. Dans un récent sondage de ABC News/Washington Post, c’est elle qui arrive bien loin en tête dans les sauveuses potentielles du parti. Dans ce même sondage, les prédictions la placent devant Trump dans les intentions de vote des électeurs, ce qui est une excellente nouvelle pour l’ex-sénatrice californienne. Le bémol est que justement, ce sont des prédictions d’un cas fictif et Harris n’a pas eu la meilleure cote de popularité durant son mandat comme numéro deux du gouvernement.
Le gouverneur de la Californie Gavin Newsom arrive en deuxième position comme candidat, mais l’idée que l’on puisse tasser la femme qui a brisé le plafond de verre en devenant vice-présidente des États-Unis pour mettre un autre candidat masculin et blanc me paraît peu plausible. La base démocrate n’accepterait pas qu’on tasse Harris sans qu’elle décide par elle-même de se retirer de la course au remplaçant.
Tant que Biden tergiversera sur son avenir comme candidat, c’est son opposant politique qui en profite. Trump a eu l’air présidentiel au débat du 27 juin, une phrase que j’ai rarement écrite ou même pensée. Soit, il a débité un tissu de mensonges, mais sa retenue, son ton de voix et son énergie ont fait très mal paraître Biden.
À l’aube d’une convention républicaine où il sera couronné le tout puissant leader du parti et de facto, candidat à la présidence, il a avantage à modérer ses propos afin d’espérer attirer des conservateurs ayant déserté son parti et des indépendants qui doutent de sa candidature. On parle tellement de la candidature de Biden et de son potentiel abandon que tous les démêlés de Trump avec la justice sont éclipsés.
Si Joe Biden choisit de tirer sa révérence, il devra le faire d’ici la convention démocrate d’août prochain. Et plus tôt que tard. La dernière chose que le parti souhaite, c’est de donner de nouvelles munitions aux républicains avec une chicane de famille en direct pour forcer Joe Biden vers la retraite. Et même s’il se retire dans les prochains jours, la suite des choses ne sera pas un fleuve tranquille.
Les délégués qui sont associés à Biden devront voter pour quelqu’un d’autre sans être liés à un nouveau candidat. La candidate (ou candidate) remplaçant devra aussi se trouver très rapidement un colistier qui pourra aller rejoindre la base de leur électorat. La personne devra par la suite mener une campagne agressive sans avoir des millions en banque et des publicités produites et prêtes à être diffusées.
C’est pourquoi un abandon de Biden ne veut pas automatiquement dire une bonne nouvelle pour le parti démocrate et les «ambitieux politiques». Le risque de cafouillage est extrêmement élevé et les attentes envers un éventuel remplaçant seront élevées. Stratosphériques, pourrions-nous même dire.
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