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Faire pipi à Montréal: mission impossible

Sommes-nous capables de gérer des toilettes dans la métropole?

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(Montage Noovo Info | Envato)

En plein festival, dans le métro ou dans un parc, faire pipi, à Montréal, c’est compliqué. Les toilettes publiques sont inexistantes et quand on a la chance d’en trouver une… elle est dégueulasse. Sommes-nous capables de gérer des toilettes dans la métropole?

Se croiser les jambes. Marcher plus vite. Encore plus vite. Chercher du regard. Demander aux gens qu’on croise.

Je quitte un concert extérieur sur la Place des festivals et je cherche une toilette publique. J’aboutis à l’intérieur de la Place des arts. Les toilettes sont fermées.

Je tombe sur un chantier de construction, boulevard Maisonneuve, j’aperçois la cabine chimique bleue, mise à la disposition des travailleurs… J’hésite. J’y vais ou pas? Je laisse tomber: ça m’apparaît un geste désespéré.

Je me résigne à entrer dans un restaurant de la rue Sainte-Catherine. Malgré l’affiche collée à la porte d’entrée «toilettes réservées à nos clients», j’entre et je demande, exaspérée, gênée, mal prise.

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Je promets d’acheter une bouteille d’eau. On me dit oui sans grand enthousiasme.

Je comprends les commerçants de refuser l’accès aux passants: leurs toilettes s’usent et se salissent, sans même qu’on paie un repas à leur établissement. C’est insultant!

Mais n’est-ce pas encore plus insultant pour nous, Montréalais, citoyens, incapables d’aller faire pipi en paix, dans notre ville?

Où sont les toilettes?

J’ai finalement fait la file (interminable) pour pouvoir enfin me soulager dans une toilette, une toilette crasseuse, puante, mal éclairée, au plancher collant et au savon à mains inexistant. Encore chanceuse qu’il y avait du papier!

J’ai eu une pensée pour les petites familles, les enfants, les personnes âgées, les touristes en visite et tous ces gens vulnérables, à la vessie fragile, sensible, petite ou incontinents, malades, pris avec une condition qui les oblige à aller aux toilettes souvent ou de façon urgente. Comment font-ils, à Montréal? Se privent-ils de sortie?

Pour tous ceux qui voyagent, c’est une évidence: Montréal est mal équipée. Si on compare la situation des «pipis publics» ici par rapport à Toronto, Paris, Londres, Chicago, Boston, New York et j’en passe, on se rend bien compte que c’est dérisoire, ridicule, outrageux.

À Paris, on retrouve environ 800 toilettes publiques soit en moyenne quarantaine par arrondissement. Certaines sont autonettoyantes: elles se désinfectent et se lavent après chaque passage, elles consomment moins d’eau, elles sont alimentées électriquement. Et elles sont accessibles en tout temps.

Ça semble extraordinaire… mais en fait c’est la base, non?

Deux projets dérapent

Toujours dans la Ville lumière, il y a des toilettes dans les stations de métro. Même chose à New York et à Londres.

À Montréal? Depuis 2022, il y avait un projet pilote prometteur à la station Snowdon. On testait l’idée de mettre à la disposition de tous des toilettes publiques dans les stations de correspondance. Eh bien, il a été abandonné.

La STM parle de «toilettes souillées trop rapidement» et «non sécuritaires pour les clients et les employés». Au fond, ce qu’on devine, c’est que l’entretien n’est pas assez fréquent et que le nombre de toilettes, trop peu élevé, provoque une surutilisation.

Bref, on a botché le projet pilote et on obtient, sans grande surprise, des résultats médiocres.

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Ce n’est pas le seul projet de toilettes publiques qui cloche à Montréal. Le fameux projet des toilettes autonettoyantes, qui ont coûté chacune 300 000 $, dérape. Entamé en 2018 sous l’administration Coderre, le projet comprenait l’installation de douze toilettes publiques autonettoyantes.

Seulement sept ont été livrées et mises à la disposition des citoyens — et quatre sont présentement fermées. Comme c’est pratique!

Et dans la ville de Québec, ça ne va guère mieux.

Dans les buissons

En pleine saison touristique, avec l’effervescence des festivals, c’est pitoyable. J’ai vu des gens vider leurs vessies dans des buissons, dans un parc du quartier Rosemont, et je ne peux pas les blâmer. Il n’y a nulle part où aller!

À quand une prise en charge digne de ce nom d’une situation liée à un besoin essentiel? Est-ce trop demandé?

Est-on capable, à Montréal, au Québec, d’avoir des toilettes publiques en nombre suffisant et qu’elles soient propres? Est-on capable de gérer ça, chez nous?

En attendant d’avoir des réponses et des solutions, je vous invite à télécharger une application pour répertorier les toilettes publiques, comme Ici toilettes et… à croiser les jambes!!

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