Chroniques

Victor Henriquez | Baissons nos masques, mais pas la garde

Le port du masque a également représenté une assurance. Une protection individuelle afin de diminuer son propre risque d’être affecté par une maladie qui, rappelons-le, tue encore des gens au Québec et ailleurs.

Mis à jour

Publié

Retrait du masque et 4e dose: est-ce que la santé publique communique mal? En point de presse aujourd’hui, le directeur national de santé publique par intérim, le Dr Luc Boileau, a confirmé la fin du port du masque obligatoire. Plus tard dans la journée, le gouvernement officialise la prise de rendez-vous pour la quatrième dose de vaccin pour les 18 ans et plus. Est-ce que la santé publique et le gouvernement communiquent adéquatement avec la population sur l’évolution des mesures sanitaires? Selon le spécialiste en relations publiques et en gestion de crise Victor Henriquez, quelques points pourraient être à améliorer. «C’est maladroit de faire une annonce huit heures après un point de presse où justement on aurait pu répondre à toutes les questions», a soutenu M. Henriquez en entrevue avec Noémi Mercier au bulletin Noovo Le Fil 17. L’expert fait notamment mention de l’absence d’un avis de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) sur l’inoculation d’une quatrième dose. Certains journalistes avaient d’ailleurs soulevé le sujet durant le point de presse, mais le Dr Boileau a simplement mentionné la possibilité d’un effort de vaccination à l’automne prochain. Du côté du masque, le directeur national de santé publique par intérim devait annoncer son retrait tout en prévenant la population que la pandémie n’était pas encore terminée. «C’est le grand défi de la santé publique à ce moment-ci. Je dis la santé publique parce qu’on voit que le gouvernement s’est un peu éloigné de ces annonces-là dans le moment», a ajouté M. Henriquez. N’étant plus dans une gestion de crise immédiate, le Dr Boileau devrait être plus proactif avec ce que la population a besoin de savoir, toujours selon M. Henriquez. Une 7e vague? Durant le point de presse, le Dr Boileau a mentionné la possibilité d’une 7e vague de cas de COVID-19 à l’automne prochain. Cette vague aurait lieu au même moment que la campagne électorale provinciale, ce qui n’est pas souhaitable pour les candidats qui souhaitent se faire connaître des électeurs. «Des campagnes électorales c’est moment où l’on aime faire de grands rassemblements, on aime parler aux gens, on aime serrer des mains, on aime faire du porte-à-porte. C’est ça une campagne», a expliqué l’expert en relations publiques. Dans certains pays, notamment aux États-Unis, le port du masque est un symbole de division. Afin d’éviter la politisation d’une telle mesure au Québec, l’expert répète que la santé publique devra accompagner la population. «On doit avoir un discours d’accompagnement et d’empathie. C’est peut-être ce qui nous a manqué avec les non-vaccinés à une certaine époque où on commençait beaucoup à les accuser», a conclu M. Henriquez.

C’est maintenant confirmé! Le Dr Boileau, directeur par intérim de la santé publique du Québec, a annoncé ce matin que le port du masque ne sera plus obligatoire dans les endroits publics à compter du 14 mai prochain. 

Cette décision met fin à une des principales restrictions sanitaires et à la dernière qu’il reste de cette pandémie de COVID-19.

À lire également:

Le respect de ceux qui continueront à le porter

Plusieurs célébreront la fin de cette obligation et je peux les comprendre. Nous avons tous été, à un moment ou un autre durant la pandémie, fatigués, écœurés ou incommodés par le port du masque. Cependant, pour d’autres, le port du masque a également représenté une assurance. Une protection individuelle afin de diminuer son propre risque d’être affecté par une maladie qui, rappelons-le, tue encore des gens au Québec et ailleurs.

D’ailleurs, Dr Boileau a insisté sur l’importance de respecter ceux qui continueront à le porter et sur le fait que ce n’est pas «une interdiction de l’utiliser».

Crédit photo: Paul Chiasson | La Presse canadienne

C’est essentiel d’établir cette notion de respect pour le choix de certains et de s’assurer que le port du masque ne vienne pas diviser. Le masque est certainement appelé à faire partie de notre arsenal de protection à long terme. Si dans certains pays asiatiques, on porte le masque depuis longtemps, il n’y a pas de raisons pour que ça ne devienne pas le cas pour nous. 

Éviter les contradictions

Cette annonce sur le masque est un couteau à double tranchant. Comment faire cette annonce sans donner l’impression que la pandémie est finie? Comment s’assurer du respect de la norme dans les endroits où le masque demeurera obligatoire comme les hôpitaux, les CHSLD et les transports en commun ? Et aussi comment rappeler que le masque pourrait revenir nous hanter à tout moment si la situation sanitaire l’exige dans une 7e, 8e ou 9e vague ? Comment garder une certaine pression sur la question de la vaccination ?

Dr Boileau a donc fait un exercice d’équilibriste ce matin, et je dois le dire, avec un succès certain. D’ailleurs, l’absence du politique lors de ces rencontres de presse aide à garder son équilibre. Le Dr Boileau peut ainsi se concentrer sur les faits scientifiques et les messages plus « techniques » alors que le politique a l’obligation d’avoir des messages qui appellent à l’émotion. Il a donc répété ad nauseam que la pandémie n’est pas finie, que les mesures sanitaires peuvent être ramenées et que nous devons tous protéger les personnes les plus à risque.

La surmortalité au bon moment

La surprise du point de presse à mes yeux a été l’étude de l’institut de la statistique du Québec sur la surmortalité au Québec durant la pandémie. Selon les analyses effectuées par l’organisme, le Québec a eu un taux de surmortalité de 4,5 % en en 2021, ce qui se compare très avantageusement aux États-Unis qui sont à 18 % ou même l’Ontario qui est à 6 %. Ces données permettent de relativiser la situation de la mortalité au Québec qui fait débat actuellement notamment par rapport à la situation dans les CHSLD lors de la première vague.

D’ailleurs, le premier ministre a pris cette balle au bond lors de son intervention sur le sujet du masque ce matin. C’est une belle bouée de sauvetage à l’aube de l’élection pour un gouvernement qui, malgré l’appui populaire élevé, sait que le bilan de la pandémie peut devenir un enjeu lors du prochain scrutin.

Même s’il faut rester prudents, il est quand même clair que l’annonce d’aujourd’hui marque une étape importante dans le fait de « vivre avec le virus » et nous permettra certainement de retrouver une certaine normalité.

Profitons-en, mais restons juste « attentifs », car ce virus nous a surpris à plus d’une reprise. Je suis sûr que nous sommes tous très heureux de retrouver le visage des gens et de voir leurs sourires.

 

Crédit photo: La Presse canadienne