Société

Un enfant de 11 ans privé d’école depuis près d’un an

«Je fais tout... J’arrive au bout du rouleau, je ne trouve plus de solution», a lancé sa mère.

Mis à jour

Publié

Un enfant de 11 ans privé d’école depuis près d’un an MTLNI-V2 DESCOLARISATION 2 18112025

Au Québec, l’éducation n’est pas seulement un droit, c’est aussi une obligation pour les enfants âgés de 6 à 16 ans. Or, chaque année, des centaines, voire des milliers d’élèves vivent des «bris de services en éducation». 

C’est le cas du jeune Noam, 11 ans, qui n’a pas mis les pieds à son école depuis janvier dernier. L’enfant a un trouble du spectre de l’autisme non verbal et fréquentait pourtant une école spécialisée pour les élèves de 4 à 21 ans qui, comme lui, ont des besoins particuliers.

«On avait reçu un appel de la direction me disant que je dois aller chercher mon enfant parce qu’il était violent et agressif», raconte Emélie Dubé, la mère du jeune garçon.

Une situation que déplore le Dr Égide Royer, psychologue et spécialiste de la réussite scolaire.

«C’est totalement inacceptable. Les jeunes ont un droit inaliénable à la fréquentation scolaire.» 
- Dr Égide Royer, psychologue et spécialiste de la réussite scolaire

Depuis plusieurs mois, Mme Dubé fait l’école à la maison à son fils. Une enseignante se joint à eux via visioconférence pendant une heure chaque jour de la semaine.

«Ces jeunes-là impliquent nécessairement qu’on doit offrir des services très spécialisés et ça implique des professionnels spécialisés là-dedans. Que le jeune m’envoie promener, me crie dans la figure ou crache sur moi… Ce n’est pas un comportement violent au sens de la CNESST. J’ai un jeune qui est lourdement handicapé par son comportement et j’ai été spécialisé et formé pour travailler avec ces jeunes-là», explique le Dr Royer.

De plus en plus d’élèves en bris de service scolaires

Le cas de Noam est loin d’être un cas unique. Le nombre d’élèves en bris de service éducatif a presque triplé au Québec au cours des quatre dernières années, passant de 1379 en 2022 à 3417 en 2025.

Ces chiffres concernent uniquement les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage.

«Ça signifie que j’ai de 5 à 6 % de jeunes handicapés en bris de service scolaire. Ça en soi, c’est totalement inacceptable. Et le chiffre indique clairement qu’on a un énorme problème au niveau des types de services qu’on offre à ces jeunes-là qui sont plus lourdement handicapés que les autres», souligne le Dr Royer.

Selon les données du ministère de l’Éducation, sept élèves en situation de handicap sur dix ont un trouble du spectre de l’autisme ou une déficience du langage.

La directrice de la Fédération québécoise de l’autisme, Lili Plourde, est sans équivoque; le système abandonne trop souvent les enfants comme Noam.

«Derrière ces chiffres-là, il y a des enfants qui ne vont plus à l’école pour qui on ne respecte pas le droit à l’éducation tel que prévu dans la loi sur l’instruction publique.»

La mère de Noam a d’ailleurs remarqué que son fils souffre d’une régression au niveau de son autonomie depuis qu’il ne va plus à l’école.

«Je trouve que c’est criminel de retirer un enfant de sa classe pendant huit mois. Cet enfant-là n’a rien fait de mal. Il a le droit d’aller à l’école. Rendu là, c’est de la discrimination basée sur un handicap.»
- Lili Plourde, directrice générale de la Fédération québécoise de l’autisme

Dans son plus récent rapport, le Protecteur national de l’élève note que «des situations de bris de services ou de scolarisation touchent fréquemment des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage». Il ajoute que ces situations sont préoccupantes, car «leurs impacts sont souvent majeurs pour les élèves et leurs parents».

«Tous les moyens nécessaires doivent être entrepris pour assurer la scolarisation des élèves», note-t-il.

Noovo Info a tenté de questionner l’école Marie-Leneuf de Trois-Rivières que fréquentait Noam, mais sans succès.

Par courriel, le Centre de service scolaire Chemin-du-Roy répond qu’«aucun cas de déscolarisation n’a été recensé à l’école Marie-Leneuf». On souligne toutefois que «certains élèves bénéficient effectivement de mesures spéciales ou des mesures de soutien temporaires, mais tous reçoivent des services» et que dans ce contexte aucune entrevue ne sera accordée.

La mère de Noam a demandé à plusieurs reprises à la direction de l’école de reprendre son garçon.

«C’était toujours la même réponse: "Non, votre enfant est violent et agressif"», dit-elle; comportement agressif que la direction de l’école attribuerait à des douleurs causées par des ongles incarnés pour lesquels l’enfant consulte divers spécialistes depuis 2022.

«Je fais tout… je fais tout, j’arrive au bout du rouleau, je ne trouve même plus de solution!», a lancé Emélie Dubé au bord des larmes.

Entre le moment de la rencontre avec Noam et la diffusion du reportage, le jeune garçon a enfin obtenu une place en chirurgie pour ses problèmes d’ongles incarnés. Mais la famille n’a toujours pas de nouvelles quant à son retour sur les bancs d’école.

Voyez le reportage de Marie-Claude Paradis-Desfossés.

Laurie Gervais

Laurie Gervais

Journaliste