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La publicité en question, apparue sur les réseaux sociaux et sur le site web de l’entreprise à la fin du mois d’août, montrait une jeune femme vêtue d’une chemise blanche, d’une minijupe plissée et d’une cravate lignée.
La pose suggestive de la jeune femme et le fait que la publicité ait été diffusée en pleine rentrée scolaire a fait sourciller certains internautes: au moins une femme de Montréal a contacté Simons pour faire part de son malaise.
Contactée par Noovo Info, Simons a affirmé avoir retiré la publicité le 1er septembre, «pour ne pas laisser place à l’interprétation».
La publicité de Simons n’a rien d’unique: les reprises, parfois problématiques, de l’image de l’écolière sexy abondent dans la culture populaire.
«Je pense que l’industrie de la mode va beaucoup trop loin en sexualisant les uniformes scolaires», déplore Mélanie Lemay, cofondatrice du collectif Québec contre les violences sexuelles et étudiante au doctorat en sociologie.
Selon elle, la tendance est particulièrement «troublante» quand on sait à quel point il est fréquent pour les jeunes filles de vivre de la violence et du harcèlement sexuel dans un contexte scolaire.
Dans le cadre d’une étude réalisée par l’organisme montréalais Prévention CDN-NDG en 2019, 83% des filles de 12 à 17 ans ont dit considérer que le harcèlement sexuel était un problème dans leur école. Près de trois filles sur cinq ont aussi rapporté avoir été touchées de manière sexuelle sans leur consentement à l’école.
«Je pense qu’on devrait faire mieux, en tant que société, pour cibler les industries qui participent à créer des codes culturels dans lesquels on tolère ou on banalise le harcèlement dont elles font l’objet», affirme Mme Lemay.
Des étudiantes britanniques ont lancé une pétition pour interdire la vente d’uniformes scolaires et de costumes inspirés par ces uniformes dans les boutiques érotiques. Elles souhaitent également que les vidéos pornographiques où des actrices portent ce genre de costumes soient interdites par la loi, estimant que ces produits «glorifient et normalisent les actes sexuels impliquant des enfants».
Pour les auteurs de la pétition, il y a un lien direct à faire entre ces pratiques et le harcèlement sexuel fréquemment vécu par les adolescentes d’âge scolaire au Royaume-Uni.
Selon des données de 2018, plus du tiers des adolescentes rapportaient avoir vécu du harcèlement sexuel alors qu’elles portaient leur uniforme scolaire en public. Les jeunes filles rapportaient notamment des attouchements, des regards insistants, des remarques sexuelles et des sifflets.
«En acceptant que cela demeure légal, on perpétue une société dans laquelle les gens estiment qu’il est acceptable de sexualiser les enfants», écrivent les auteurs de la pétition, en rappelant que la plupart des élèves du pays portent des uniformes scolaires jusqu’à l’âge de 16 ans.
La chroniqueuse mode Lolitta Dandoy estime que l'uniforme scolaire peut être une source d'inspiration pour les designers de mode. | Crédit Photo: Noovo Info
Lolitta Dandoy, chroniqueuse mode et chargée de cours en histoire de la mode au Collège LaSalle, salue l’initiative des auteurs de la pétition. Mais, selon elle, il convient de distinguer la façon dont le look de l’écolière est repris par la pornographie, de la façon dont la mode s’inspire des uniformes scolaires.
«La manière dont ça a été repris par l’industrie pornographique ou le fait qu’on vende des costumes d’écolières dans les sex shops, pour moi c’est une chose et c’est là qu’est le problème: qu’on ait pris une image directement associée à une adolescente, pour la rendre sexuelle», explique-t-elle.
Du point de vue de la mode, elle estime qu’il est naturel que les designers aient envie de s’inspirer de l’uniforme d’écolière, qui comporte «des éléments très intéressants».
«Il y a le blazer, qui est une pièce structurée. Il y a la jupe en tartan, qui est vraiment une pièce très belle avec laquelle travailler, énumère-t-elle. Donc, moi de ce côté-là, je vois moins un problème.»
Mais Mélanie Lemay estime que l’industrie de la mode porte bel et bien sa part du blâme.
«La mode a toujours capitalisé sur l’apparence des jeunes filles, entre autres. Donc, je pense que ce serait un peu fallacieux de faire comme si c’était innocent et qu’il n’y avait pas de conséquences dans la vie réelle ou dans la pornographie», juge-t-elle.