La candidate de Leadership Québec dans Cap-aux-Diamants, Vicky Lépine, fait-elle partie du problème plutôt que de la solution à la crise du logement? Un avocat spécialisé met les électeurs en garde: Mme Lépine a déjà retiré du logement abordable dans le quartier Saint-Jean-Baptiste plutôt que d’en ajouter.
Tout remonte à 2009. Ça ne va pas bien à la coopérative d’habitation La Galéjade sur la rue Richelieu, dans le quartier Saint-Jean-Baptiste. Le toit coule, un mur de briques est endommagé, et il n’y a pas d’argent en réserve pour effectuer les réparations.
Les institutions financières ne veulent pas non plus prêter les sommes nécessaires, alors la trésorière de l’époque, Vicky Lépine, propose à son conseil d’administration de racheter l’immeuble et de payer pour les travaux. Elle s’engage entre autres à geler – mais pour cinq ans seulement - le prix très abordable des loyers des locataires.
Elle achète finalement l’immeuble pour 200 000 $, la moitié de sa valeur marchande, sous prétexte que les loyers très bas font chuter la valeur réelle de la bâtisse. Le conseil d’administration et un notaire entérinent la transaction.
Cette transaction à prix avantageux pour l’acheteuse suscite toutefois l’indignation dans les milieux coopératifs et donne lieu à une longue saga judiciaire, qui va de la Cour du Québec à la Cour d’appel pour se terminer à la Cour supérieure en 2016.
En exonérant finalement Mme Lépine de tout blâme, la Cour ne se prononce cependant pas sur le fond: elle stipule seulement que le comportement de Mme Lépine n’est pas spécifiquement interdit et, donc, n’est pas illégal.
En parallèle de cette affaire, mentionnons que le gouvernement du Québec a senti le besoin de modifier la Loi pour se donner un droit de regard et le droit d’annuler des transactions à prix discutable dans le parc immobilier coopératif.
2025. Vicky Lépine est maintenant candidate aux élections municipales dans le district de Cap-aux-Diamants, où se trouve l’immeuble de l’ex-coop La Galéjade.
Mme Lépine avait également été sous les projecteurs après avoir été accusée par Bruno Marchand d'avoir fait un «salut nazi» en plein conseil municipal. Elle avait alors menacée de poursuivre le maire sortant.

Le spécialiste Raphaël Déry trouve que Mme Lépine a eu un comportement répréhensible à l’époque.
«Le bâtiment était parti pour beaucoup moins cher que ce qu’il aurait pu, en tenant compte de l’investissement public qu’il y avait eu, a soutenu l’avocat et conseiller juridique de coopératives. On a été vivement préoccupés, c’était inacceptable. Ce qu’on peut comprendre, c’est qu’il y a une disposition de la Loi sur les coopératives qui a été modifié précisément à la suite de la conduite de Mme Lépine.»
Vicky Lépine n’a pas voulu accorder d’entrevue à Noovo Info, mais une personne bien au fait de la situation nous dit que c’était parce qu’aucune banque ne voulait prêter à la coop que Mme Lépine avait acheté le bâtiment.
Raphaël Déry rejette ce prétexte.
«Quand Mme Lépine affirme que, dans le fond, elle a fait ça pratiquement comme œuvre charitable, je suis très, très sceptique... très sceptique. Je vois quotidiennement comment évolue le marché, je sais que ce n’est pas de la philanthropie qui anime le privé.»
De fait, l’immeuble de la rue Richelieu, payé 200 000 $ en 2009, est aujourd’hui évalué à 750 000 $ au rôle municipal. Mme Lépine a refusé de nous parler, alors on ne sait pas si elle accepterait à son tour de le vendre à un prix inférieur si elle décidait de s’en départir.
Bref, Me Déry conseille la prudence aux électeurs de Cap-aux-Diamants.
«De nos leaders politiques, on s’attend qu’ils posent des gestes concrets pour ajouter au parc immobilier en logement social, conclut-il. Mme Lépine a fait précisément le contraire. Je serais très réfractaire à l’idée d’appuyer ce type de candidature-là... ce qu’on cherche, c’est des candidatures qui vont rajouter au parc immobilier hors-marché et non pas qui vont en soustraire.»
Encore une fois, pas moyen de savoir comment Vicky Lépine réconcilie la disparition d’une coop d’habitation et de ses loyers à faible coût avec les engagements de son parti politique, Leadership Québec, dont le programme prévoit en toutes lettres la promotion du logement abordable.
Voyez le reportage dans la vidéo.
