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Ses pieds, ses talons, ses hanches et ses fesses étaient couverts de plaies de lit.
«L’infirmière m’a dit que c’était la personne la plus maganée qu’elle n’avait jamais vue arriver au centre», a confié Audrey-Claude Tardif, fille du défunt Michel Tardif.
Michel Tardif venait de passer sept mois au CHSLD Sainte-Dorothée à Laval, le même centre d’hébergement qui a défrayé les manchettes lors de la pandémie en raison des patients qui sont morts privés de soins, d’eau et de nourriture.
Il y a été transféré après avoir été admis à la Cité de la santé de Laval en raison d’une chute. Avant cette chute, M. Tardif était autonome et vivait seul dans son appartement.
La fille de M. Tardif a expliqué en entrevue avec Noovo Info que son père était en jaquette d’hôpital, constamment alité lorsqu’elle lui rendait visite au CHSLD de Laval.
«Je ne le voyais jamais assis», explique-t-elle
Lorsqu’elle posait des questions sur la position dans laquelle se trouvait son père, le personnel du CHSLD répondait que Michel ne «voulait pas s’asseoir», mais à aucun moment elle n’a été informée des multiples plaies de lit sur le corps de son père.
«Jamais on ne m’a parlé de plaies de lit, jamais on ne m’a dit que mon père était souffrant», a-t-elle raconté.
La gestionnaire du CHSLD Notre-Dame-du-Bon-Conseil, qui a accompagné M. Tardif dans ses derniers moments, a déposé une plainte au Commissaire aux plaintes en raison de l’état déplorable du patient.
La docteure au dossier avait noté que la santé de M. Tardif était déplorable et avait averti Audrey-Claude Tardif qu'il ne lui restait que quelques jours à vivre. Le personnel a d’ailleurs demandé à Mme Tardif l’autorisation pour contacter le coroner lors du décès, car selon eux, ce sont les plaies de lit sur le corps de M. Tardif qui seront à l’origine de sa mort.
Le 25 octobre 2024, Michel Tardif décède et le coroner est avisé.
Dans son rapport, le coroner fait état de graves lacunes pendant le séjour du patient au CHSLD Sainte-Dorothée. Il note que M. Tardif est cirrhotique et diabétique, des conditions qui favorisent les plaies de lit. Il mentionne également que le dossier du patient était incomplet à son arrivée au CHSLD Notre-Dame-du-Bon-Conseil.
Le coroner fait aussi état d’un manque de personnel formé en soins de plaies et d’un manque de stabilité du personnel. Il note d’ailleurs que la médecin responsable n’a pas partagé sa version du suivi des plaies au coroner.
Paul Brunet, directeur général du Conseil pour la protection des malades, a indiqué que le rapport du coroner concerne des faits «assez troublants, pour ne pas dire horrible».
«C’est une histoire d’incompétence et de négligence grossière», a-t-il lancé en entrevue avec Noovo Info.
«Voir des plaies aussi gravement infectées et ne pas les signaler ce n’est pas à cause de la pénurie de main d’œuvre, c’est soit quelqu’un d’ignorant ou d’incompétent ou les deux», a-t-il ajouté.
«Ce cas mériterait une enquête criminelle, c’est de la négligence criminelle surtout que les plaies ont conduit à la mort.»
M. Tardif n’était pas au bout de ses peines, le rapport du coroner fait également état de lacunes «pour laquelle M. Tardif a souffert inutilement» pendant son transport de Laval à Notre-Dame-du-Bon-Conseil, un trajet qui a duré 2h30.
Malgré une requête pour fauteuil adapté, M tardif a été transporté assis dans un fauteuil régulier.
Le chauffeur a d’ailleurs mentionné au coroner qu’il a dû s’arrêter au moins trois fois pour replacer M. Tardif qui glissait constamment de son fauteuil, n’étant pas attaché.
La direction du CISSS de Laval a décliné notre demande d’entrevue, mais a répondu par courriel qu’à ce jour, il n’y a encore qu’une seule infirmière spécialisée en soins de plaies complexes de disponible.
On assure que deux autres seront formées ce mois-ci et que «le plan d’action d’amélioration complet a été remis au coroner».