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Avance rapide en 2022 : ce chiffre a bondi à 191, plus du double. Un signe que le mouvement Me Too a sensibilisé les victimes, selon plusieurs intervenants, mais les délais du système judiciaire continuent de leur rendre la vie difficile.
«À toutes les fois qu’il y en a une (agression sexuelle), c’est une trop, lance d’emblée Simon Lacombe, inspecteur aux enquêtes criminelles et à la sécurité des milieux au SPS. On n’est pas surpris. On sait que depuis 2017, avec le phénomène MeToo, ça a eu de grosses incidences sur les services de police et sur le nombre de plaintes qui sont rentrées», poursuit-il.
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Le Centre d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel en Estrie (CALACS) a dû embaucher trois nouvelles ressources, depuis 2021 seulement, pour faire face aux demandes d’aide qui s’accumulent. Les statistiques des années 2021 et 2022 ont été faussées par des fermetures du service en raison de la pandémie. Toutefois, le nombre de demandes d’aide en 2015-2016 a été de 1 223. En 2019-2020? 2 893.
Ces chiffres concernent l’ensemble du territoire couvert par l’organisme en Estrie, et non uniquement Sherbrooke. «Nous, ce qu’on voit, c’est que les personnes viennent chercher de l’aide de plus en plus rapidement, donc on a des victimes qui ont des agressions de plus en plus récentes dans nos services, des victimes qui sont de plus en plus jeunes. Ça, c’est relativement une bonne nouvelle, en ce sens que les victimes ne restent pas prises avec ça pendant 20 ans», remarque Kelly Laramée, intervenante au CALACS.
Procureur en chef adjoint à Sherbrooke pour le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), Me Claude Robitaille observe aussi une augmentation de la charge de travail. «Ce que je peux vous dire, c’est que je vois que les procureurs ont beaucoup plus de temps à mettre sur ces dossiers-là», lance-t-il. Signe d’une hausse du nombre d’accusations déposées? Pas nécessairement.
Ces hausses marquées de la demande viennent aussi alourdir la tâche des intervenantes du CALACS.
Depuis 2021 seulement, trois nouveaux postes ont été créés pour assurer un service adéquat. Au SPS, une escouade dédiée aux agressions sexuelles a aussi été mise en place.« C’est près d’une dizaine d’enquêteurs qui sont formés en agression sexuelle et qui sont supervisés par un lieutenant-détective […] On comprend que ce n’est pas facile pour une victime de venir nous rencontrer et de dénoncer son agresseur, donc nous notre rôle c’est vraiment de bien l’accompagner et de lui donner un service impeccable lorsqu’elle va venir nous voir », explique Simon Lacombe.
Au CALACS, on estime que 95% des victimes d’agression sexuelle sont des femmes. Au SPS, M. Lacombe confirme que son équipe formée pour les agressions sexuelles est constituée à plus de 50% par des femmes.
Au CALACS, Kelly Laramée estime qu’entre 5 et 10% des personnes qui vont faire une demande pour des services de soutien vont décider de déposer une plainte à la police.
Le processus de guérison choisi, d’une part, peut différer d’une personne à l’autre, mais les délais dans le système de justice peuvent aussi en freiner plus d’une. «On leur dit : ‘’si tu t’impliques dans ce processus-là, sache que ça peut prendre un an avant que tu aies une réponse, ça peut prendre plus que ça’’. J’ai vu des victimes que ça a pris jusqu’à trois ans avant qu’on ait terminé ce chapitre-là, explique-t-elle. Donc oui, on les encourage et on les accompagne, si c’est ce qu’elles souhaitent, mais on leur dit honnêtement ce qu’il en est pour le moment», avoue-t-elle.
Les intervenantes vont-elles jusqu’à suggérer d’éviter le processus judiciaire? «Nous, ce qu’on voit, c’est que les victimes, c’est ce qu’elles choisissent», poursuit l’intervenante. Séances avec un psychologue, cheminement personnel, s’impliquer dans la cause, les options diffèrent d’une victime à l’autre.
Mis au fait de ces propos, au palais de justice de Sherbrooke, Claude Robitaille ne peut qu’être déçu. « Ça choque mes oreilles quand vous me dites ça, parce que ce n’est vraiment pas ce qu’on veut […] Cela dit, il y a des victimes d’agression sexuelle qui ont différents besoins et qui vont faire le deuil de ce qu’elles ont vécu de différentes façons. Il y en a que ça passe par le système de justice, il y en a que non. Pour ceux qui veulent passer par le système de justice, moi le message que je lance c’est qu’on va toujours être là et on va s’assurer que ça puisse procéder le plus rapidement possible », lance-t-il.
Me Robitaille avance qu’en date d’aujourd’hui, il faut prévoir de 12 à 14 mois pour le début d’un procès, à la suite du dépôt d’accusation et même que «souvent, c’est beaucoup plus que ça». Il note toutefois que de nombreux efforts sont déployés pour tenter d’améliorer la situation, notamment la création des tribunaux spécialisés en la matière.