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La duplication provincial-fédéral ralentit la construction d'une nouvelle maison d'hébergement en Estrie

«Nous, on n'a pas de réponse comme quoi on peut commencer à construire.»

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La duplication provincial-fédéral ralentit la construction d'une nouvelle maison d'hébergement en Estrie ESTNI-SCHL 10072025

Tandis que l’Estrie a connu deux féminicides depuis le début de l'année, chez SOS Violence conjugale, on a dû refuser 10 000 demandes d'aide, faute de place dans les maisons d'hébergement du Québec.

Pendant ce temps, la Maison de la Méridienne est prête à construire une deuxième maison d'hébergement, mais attend toujours le feu vert du gouvernement fédéral.

Qu’est-ce qu’on attend?

«On a comme projet de construire une maison d'hébergement deuxième étape, ce qu'on appelle une MH2; on est prêt à construire les plans, tout est prêt», assure Carolyne Boutin en entrevue avec Noovo Info. La directrice de la Maison d’hébergement la Méridienne dit qu’il y a toutefois «un frein» auprès de la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). «Il y a des maisons dont le financement a été coupé. Nous, on n'a pas de réponse comme quoi on peut commencer à construire.»

Les intervenantes déplorent notamment la duplication des formulaires à remplir aux paliers fédéral et provincial, ce qui entraîne des délais.

Il faut savoir que le financement provincial ne couvre pas l’ensemble des budgets de projets de construction de maisons d’hébergement promis par le gouvernement Legault, souligne Mélanie Miranda, de l’Alliance des maisons d’hébergement de deuxième étape. «Donc, le fédéral doit être de la partie.»

Mais voilà, l’arrimage n’est pas parfait, note Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes. «Ce sont toujours des grands défis au niveau administratif», commente-t-elle.

Carolyne Boutin dit qu’elle se fait redemander «tous les formulaires […] déjà complétés, […], déjà fournis». «On nous demande aussi de faire affaire avec un consultant pour détailler le budget», affirme-t-elle. «C'est des frais supplémentaires de plusieurs, plusieurs, plusieurs milliers de dollars.»

L’Alliance des maisons d’hébergement de deuxième étape est en discussion avec la SCHL «pour tenter de trouver des voies de passage, pour être capable de répondre à leur demande», déclare Mélanie Miranda. «Les programmes sont faits pour répondre au Canada complet, alors que le Québec a des moyens différents pour valider des coûts de projet, pour valider des conformités, de l'efficacité énergétique.»

Pour la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes, ça urge.

«Quand on regarde le contexte actuel où il y a beaucoup de féminicides et où nos maisons sur le terrain ont des taux d'occupation très élevés, que nos services externes débordent, on parle d'une urgence.»
- Manon Monastesse, directrice générale de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes

À la Méridienne, en 2024-2025, il y a eu 1050 appels, explique Carolyne Boutin. Le taux d’hébergement était de 112% sur cette période et 147 femmes et enfants ont été refusés.

«On n'a pas de place», résume-t-elle simplement. «Ça arrive souvent qu’on en accueille quand même. On appelle ça des débordements. Mais tsé, on les fait coucher sur des matelas dans une salle d'intervention pour une nuit ou deux. C'est pas une vie, c'est pas normal.»

L'Alliance des maisons d'hébergement a multiplié ces démarches auprès des élus provinciaux et fédéraux pour accélérer et faciliter la construction des nouvelles maisons d'hébergement.

Elle est toujours en attente de réponse dans la majorité des cas.

Dans un courriel envoyé à Noovo Info, la SCHL assure qu’elle «travaille avec les proposants tout au long du processus pour faire avancer les demandes» et dit reconnaître «l'urgence d'accroître le nombre de refuges et de logements de transition au Québec et partout au pays». «Ces refuges et logements de transition offrent aux femmes et aux enfants qui fuient la violence un endroit sûr où se réfugier et leur fournissent les bases nécessaires pour reconstruire leur vie, guérir et acquérir leur autonomie», écrit l’agente principale aux relations médias.