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«J’ai peur que ça entraîne des morts»: une communauté ébranlée par la montée des groupes criminalisés

«Je ne dors pas la nuit. J’ai peur que des gangs de rue viennent chez moi et y mettent le feu...»

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«J’ai peur que ça entraîne des morts»: une communauté ébranlée par la montée des groupes criminalisés MTLNI-DOSSIER GANGS COTE NORD 01122025

La communauté innue de Uashat mak Mani-Utenam est ébranlée par la présence de gangs criminalisés sur son territoire depuis plusieurs mois. La Ville de Sept-Îles, qui partage son territoire, est une plaque tournante pour le trafic de stupéfiants. Et le crime organisé l’a bien compris.

Carl Jourdain, directeur de la Sécurité publique de Uashat mak Mani-Utenam, explique que les groupes criminalisés partent de Sept-Îles afin de se diriger vers les communautés plus au nord. «Ça crée de l’insécurité dans la population», a-t-il déploré.

La tension est montée d’un cran depuis la nuit du 14 au 15 novembre après une série d’incendies criminels: une résidence, deux garages et un quadruplex ont été la proie des flammes. Un suspect a été arrêté et l’enquête se poursuit. La communauté de 3700 âmes est sous le choc.

«Je ne dors pas la nuit. J’ai peur que des gangs de rue viennent chez moi et y mettent le feu, qu’ils se trompent de maison», a confié une résidente, qui a décidé de préserver son anonymat sous peur de représailles.

Un autre membre de la communauté innue craint d’ailleurs que la situation s’aggrave en raison de ce phénomène.

«J’ai peur que ça amène des morts.»

Une patrouille avec la Sécurité publique de Uashat mak Mani-Utenam (SPUM)

Policier depuis 22 ans à Uashat mak Mani-Utenam, le lieutenant Pascal Bérubé constate une recrudescence de la situation.

«Les 15 premières années, on n’avait pas cette criminalité-là», a-t-il martelé. «Depuis l’arrivée du crime organisé, on sent que la bagarre est montée à un autre niveau.»

Noovo Info (Noovo Info)

«On voit des gens qu’on ne connaît pas qui arrivent des grands centres, ils viennent faire des jobs. Ils se trompent d’adresse et vont à des mauvaises places», a-t-il affirmé.

La SPUM est préoccupée par le recrutement qu’opèrent des criminels venus de l’extérieur sur son territoire.

Noovo Info est également allé à la rencontre d’une travailleuse sociale innue qui accompagne les policiers.

Noovo Info (Noovo Info)

Marie McKenzie admet qu’il y a un sentiment de peur et d’inquiétude au sein de la population. Les résidents craignent pour la sécurité de leur famille, selon elle.

«Moi, je rentre avec les policiers dans les interventions lorsqu’il y a des crimes contre la personne.  (…) Je m’occupe aussi côté volet santé mentale. C’est très apprécié de la population», témoigne celle qui s’exprime aussi en innu.

Des ressources plus que doublées

Le nombre de patrouilleurs est d’ailleurs passé de 8 à 19 au cours des six derniers mois afin de faire face à la situation. Tant les leaders autochtones que les autorités policières incitent les résidents à dénoncer, ce qui n’est pas toujours évident dans une communauté où tout le monde se connaît.

«Les gens ont peur. On les aide à déplacer s’il faut.(…) On ne faisait pas ça avant à ma connaissance.»

Des enquêteurs de la SPUM, la SQ et la GRC font équipe

Des enquêteurs du corps policier autochtone de la Sûreté du Québec et de la GRC font aussi équipe contre le crime organisé.

Depuis février 2024, l’équipe mixte de Sept-Îles a réalisé 73 enquêtes, ce qui a permis et 94 arrestations depuis février 2024. 75 armes ont été saisies.

L’escouade a été créée presqu’au même moment où la guerre de territoire entre les Hells Angels et la Blood Family Mafia a éclaté. Le chef du BFM, Dave «Pic» Turmel, est présentement incarcéré en Italie, en attente de son extradition vers le Canada. Son ancien acolyte, All Boivin, tente d’implanter le North Savage Gang. Il est sur la liste des fugitifs les plus recherchés au Québec.

Le clan d’All Boivin tente d’aller chercher des joueurs du BFM et de les ramener dans son giron, explique Capitaine Ghislain Cossette, responsable du service des enquêtes sur le crime organisé pour l’est de la province de la Sûreté du Québec.

Une opération a permis d’ailleurs permis le démantèlement d’une cellule du North Savage Gang au début du mois de novembre.

Au total, 63 000 comprimés de méthamphétamine, de la cocaïne, du cannabis, des champignons magiques et deux armes de poing ont été saisis. Neuf arrestations ont été effectuées.

«On est proactif. On cible les têtes dirigeantes», ajoute le capitaine Cossette, qui soutient avoir noté une accalmie en 2025.

Après la Côte-Nord, l’Abitibi?

La communauté anicinabe de Pikogan, près d’Amos, a récemment été ébranlée par une tentative d’enlèvement. Les cinq suspects, qui proviennent de l’extérieur, se seraient introduit dans une résidence et auraient tenté d’enlever un résident.

La Sûreté du Québec a confirmé à Noovo Info que ce dossier était en lien avec le contrôle de territoire pour le trafic de stupéfiant en Abitibi-Témiscamingue et dans le Nord du Québec.

À voir dans la vidéo.