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Le CISSS des Laurentides y annonçait le retrait complet de son financement. Une dizaine de femmes se sont alors posé la même question: seront-elles forcées de retourner à la rue?
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Dans la petite chambre de Nathalie, une télé est posée sur sa commode. Sur son lit, une couverture aux motifs floraux: un cadeau de sa mère. Le confort est parfois approximatif, mais contraste avec la froideur de la rue où elle a vécu pendant huit mois avant d’obtenir une place à la Maison de Sophia en janvier dernier.
Comme d’autres femmes hébergées sous le même toit, Nathalie a perdu son logement après avoir été victime de violences sexuelles.
Crédit photo: Louis-Philippe Bourdeau | Noovo Info
«Je me suis fait agresser sexuellement en avril dernier. À partir de là, j’ai vécu dans la rue. Je suis tombée dans la drogue, raconte-t-elle. Quand je suis arrivée [à la Maison de Sophia], j’ai été en mesure de me ressaisir. J’ai payé mes tickets, j’ai fait mes suivis à l’hôpital. J’ai changé.»
Voyez le reportage de Louis-Philippe Bourdeau dans la vidéo qui accompagne ce texte.
La fin de l’entente de services qui unissait l’organisme au réseau de la santé a été accueillie comme une véritable douche froide dans la maisonnée. C’était aussi le début d’une lutte pour assurer la survie de l’organisme. Sans financement urgent, soit plus de 200 000$, la fermeture sera inévitable d’ici quelques semaines.
«Quand j’ai entendu la nouvelle, je me suis mise à pleurer. Où est-ce qu’on va aller nous autres? On sort de la rue et vous voulez nous remettre dans la rue? Je refuse de vivre dans une ressource mixte», lance Nathalie avec une colère à peine voilée.
Crédit photo: Louis-Philippe Bourdeau | Noovo Info
La Maison de Sophia est la seule ressource non mixte destinée aux femmes vivant en situation d’itinérance dans les Laurentides. Près d’une trentaine de noms se trouvent sur sa liste d’attente.
Aujourd’hui, Alexandra Soumain s’accroche aux histoires de succès comme celle de Nathalie. En poste depuis moins d’un an, la présidente du conseil d’administration de l’organisme a rebâti l’équipe de la Maison de Sophia. Sa mission, elle y croit dur comme fer.
«On aide des femmes qui ont vécu de la violence familiale dans leur jeunesse, de la violence sexuelle ou conjugale et qui, en conséquence, se sont retrouvées à la rue.»
Crédit photo: Louis-Philippe Bourdeau | Noovo Info
«Cette subvention était nécessaire à la survie de la Maison de Sophia. C’était un pilier, explique-t-elle. On regrette que le CISSS ne se soit pas mis à nos côtés pour forcer le gouvernement à descendre de l’argent.»
Malgré la possibilité de plus en plus réelle d’une fermeture, l’intervenante psychosociale Aude Matthyssen refuse de baisser les bras. Pas question pour elle d’envoyer son CV dans un autre organisme. La bataille sera menée jusqu’à la dernière minute.
«Quand j’entends que la Maison de Sophia va fermer, je veux rappeler que ce n’est pas juste neuf lits, ce sont neuf femmes! Ce n’est pas vrai que je vais les abandonner. Je vais rester jusqu’au bout», martèle l'intervenante, sans hésitation.
Crédit photo: Louis-Philippe Bourdeau | Noovo Info
Elle se pose tous les jours la même question: où iront ces femmes une fois la clé sous la porte ? Les employés de l'organisme s’expliquent mal comment le réseau de la santé sera enn mesure de garantir un nouveau toit à chacune des résidentes dans un environnement qui répond à leurs besoins.
«Les organismes spécialisés en violence conjugale sont tout le temps à pleine capacité. On a du mal à imaginer qu’ils vont pouvoir héberger nos femmes», rappelle Alexandra Soumain.
L’idée d’une grève de la faim devant les bureaux du CISSS des Laurentides germe lentement dans son esprit.
«Certaines femmes sont prêtes à retourner dans la rue cet été pour ne pas retourner dans le système ou dans un refuge mixte, déplore-t-elle. C’est épouvantable d’en être rendu là.»
Par courriel, le CISSS des Laurentides justifie le retrait du soutien financier par l'importante inéquation entre les besoins du milieu communautaire et l’argent disponible.
«Au cours des dernières semaines, un comité d’attribution a effectivement dû faire des choix déchirants quant à l’utilisation du budget disponible pour les projets liés à la clientèle itinérante » explique une porte-parole de l’établissement.
«Les demandes étaient près de quatre fois plus grandes que les montants disponibles, il n’a malheureusement pas été possible d’accorder le financement demandé par l’ensemble des organismes demandeurs», peut-on lire dans le courriel.
À ce jour, aucun représentant du CISSS des Laurentides ne s’est déplacé en personne pour aller à la rencontre des intervenantes et des résidentes.
Noovo Info n’a pas été en mesure d’obtenir une réaction du gouvernement provincial.