Début du contenu principal.
Moisissure, punaises de lit, rongeurs, structures dangereuses... Les arrondissements montréalais sont les principaux responsables de la gestion des dossiers d’insalubrité. Mais si un cas est jugé trop lourd, ou trop complexe, il est transmis à la ville-centre.
L'an dernier, 3187 logements ont ainsi été inspectés par le Service de l'habitation, soit deux fois plus qu'en 2021 et 2020; période où la pandémie a fortement restreint l'accès aux logements.
Source : Ville de Montréal
«C'est tout de même encourageant qu'on ait repris un rythme qui ressemble à celui de la prépandémie, mais ça demeure cohérent avec nos intuitions que la situation se dégrade sur le terrain. […] On estime qu’il y a environ 40 000 logements qui ont de graves problèmes de salubrité à Montréal», avance le porte-parole du Regroupement des comités logements et associations de locataires du Québec (RCLALQ), Martin Blanchard.
À lire | Se loger en échange de services sexuels, «comment est-ce possible en 2023?»
«Je n'ai pas de lunettes roses, assure le responsable de l'habitation au comité exécutif de Montréal, Benoit Dorais. Je ne dis pas que tout va bien, ce que je dis, c'est que la Ville est de plus en plus efficiente. On avait promis de faire plus d'inspections, c'est ce qu'on a fait en 2022.»
Malgré la hausse marquée des inspections, le nombre de constats d'infractions a dégringolé. L'an dernier, 35 contraventions ont été remises à des propriétaires fautifs, pour un total de 31 275 $ comparativement à 67 950 $ en 2021.
Source : Ville de Montréal
Entre 2018 et 2022, la somme totale des contraventions transmises par les inspecteurs de la ville-centre n'a jamais dépassé la barre des 100 000 $. Ce bilan exclut les pénalités financières émises par les arrondissements.
Les propriétaires fautifs contesteraient régulièrement ces constats devant la cour municipale, ce qui requiert «énormément d'énergie», selon Benoit Dorais.
«Quand un propriétaire conteste, ça ralentit le processus [d’aide au locataire], car il est judiciarisé, explique-t-il. Avec le système actuel, ça devient difficile de faire condamner quelqu’un.»
Pour les associations de locataires, le faible bilan de contraventions s'explique par une attitude jugée trop «conciliante» de la Ville envers les propriétaires.
«On a un climat d'impunité et ça génère plus de problèmes, et ça encourage les propriétaires à continuer de faire la loi, sans avoir aucune conséquence», croit Martin Blanchard.
Le porte-parole de l’opposition en matière de développement économique, Julien Hénault-Ratelle, estime que le système judiciaire ne peut pas être l’unique responsable de ce bilan. «Le cheminement juridique n’a pas changé depuis cinq ans, pourtant le nombre de constats d’infraction a quand même diminué, souligne l’élu d’Ensemble Montréal. Il y a de bons propriétaires, mais il y en a aussi des moins bons et – pour eux – il nous faut des leviers.»
Et puis, il y a les avis de détérioration. Ce document transmis à des propriétaires les force à effectuer des réparations jugées essentielles pour la sécurité ou la santé des occupants de leur immeuble.
Quatorze avis ont été envoyés par le Service de l'habitation pour l’ensemble du territoire montréalais, un bilan moins élevé que l’an dernier.
«C’est complètement irréaliste, s’insurge Martin Blanchard. On a des taudis sur plusieurs coins de rue à Montréal. Il devrait y en avoir des dizaines d’avis de détérioration.»
Source : Archives, Noovo Info
Qualifiés de «bazooka» par Benoit Dorais, les avis de détérioration doivent, selon lui, être utilisés de manière parcimonieuse. «Il ne faut pas le sortir trop souvent, et il faut déterminer si c’est vraiment le meilleur outil pour arriver à nos fins», dit-il, assurant que tous les locataires réclamant de l’aide d’urgence sont pris en charge rapidement.
Julien Hénault-Ratelle s'entend aussi pour dire qu'il s'agit d'un moyen «drastique», mais nécessaire pour «améliorer le parc immobilier montréalais.»
Depuis 2018, le nombre d'inspecteurs actifs au Service de l'habitation de la Ville de Montréal n'a pas augmenté. En tout, 16 inspecteurs et deux agents d'intervention sociale y travaillent. Dans l'ensemble des arrondissements montréalais, 125 inspecteurs sont aussi à l'emploi, mais ils sont loin de s'occuper uniquement des dossiers liés à l'insalubrité.
C'est en 2023 que sera déployée la «certification de propriétaires responsables», un programme visant les gestionnaires d'immeubles de huit logements et plus qui devront - entre autres - prouver le bon état d'entretien de leur logement.
«Ça, ça va changer la logique où nos équipes devaient seulement agir sur plainte, explique M. Dorais. On va être en mode plus prospectif.»
Des ajustements pourraient toutefois être faits pour améliorer l’efficacité de cette certification, selon l’opposition.
Ensemble Montréal souhaiterait — entre autres — que les immeubles de six logements et plus soient inclus dans le projet, tout en excluant les constructions datant de moins de 10 ans.