Si la grève des agents de bord d'Air Canada donne du fil à retordre à plusieurs voyageurs, elle provoque aussi son lot de stress chez les syndiqués alors qu'ils sont nombreux à être coincés à destination. C'est le cas d'une agente de bord québécoise qui est coincée loin de chez elle depuis maintenant plusieurs jours et qui a témoigné auprès de Noovo Info sous le couvert de l'anonymat, par crainte de perdre son emploi.
Bianca (nom fictif) est agente de bord «sur appel» - réserve call in dans le jargon aérien - ce qui veut dire qu'elle doit être prête à se rendre au travail en tout temps si un vol devient disponible ou si un agent de bord régulier ne peut pas voler.
L'agente de bord reçoit ainsi un appel pour opérer un vol en sol canadien pour la journée du 15 août. En cours de route, ses supérieurs l'avisent que son vol initial a été changé.
«Ça arrive, c'est malheureux, mais en aviation tu sais quand tu pars, mais tu ne sais pas quand tu reviens», a-t-elle confié à Noovo Info.
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Après avoir posé plusieurs questions, elle constate que plusieurs de ses collègues ont choisi de prendre congé par peur des impacts du déclenchement de la grève prévue le lendemain. Au total, ce sont environ 600 agents de bord qui ont pris congé le 15 août - vieille de l'arrêt de travail complet -, selon les informations obtenues par Bianca.
«Ils savaient ce qui s’en venait et ils ne voulaient pas être pris. Personne ne veut être pris à l’autre bout du monde. Imagine, tu es mère de famille, tu as trois enfants, ton mari est pilote aussi, tu fais quoi?», a-t-elle expliqué.
L'agente de bord affirme avoir tenté de revenir à sa base lorsqu'on lui a appris le changement de vol, ce qui lui aurait été refusé, augmentant grandement son stress.
«Je n'ai pas encore quitté l'aéroport - et je ne suis pas encore payé puisque je suis dans l'aéroport et non dans l'avion - et le stress est haut. J'ai appelé l’affectation des équipages, je pleurais, je me disais je fais quoi, est-ce que j’ai une garantit d’hôtel, est-ce que j’ai une garantit de revenir, est-ce que je vais être pris, je vais être où?», raconte l'agente de bord.
Bianca explique que ce sont finalement les managers (cadres) de l'équipe d'agents de bord qui ont escorté les syndiqués jusqu'à l'avion.
«Si ce n’est pas une prise d’otages, je ne sais pas c’est quoi. Ils ont été gentils, ils ne m’ont pas touché le bras, où quoi que ce soit, mais ils nous ont escorté. […] On n’avait pas envie d’être là, on savait ce qu’il se passait», explique-t-elle.
Bianca affirme avoir accepté d'opérer le vol en ayant obtenu une garantie de retour chez elle de la part de l'affectation des équipages et de la part de son manager. Elle a aussi accepté de voler par crainte de perdre son emploi.
«Ils peuvent très bien mettre dans la cessation d’emploi "refus d’opérer", "refus de travailler". Je n’ai rien à faire et je n’ai rien à dire.»
L'avion s'envole finalement à destination avec un retard de plusieurs heures.
Bianca et ses collègues ont dû travailler avec des voyageurs en colère. «Je vous comprends, je suis dans la même situation que vous et par respect pour vous, je vous ramène, mais je me mets dans la merde», leur a-t-elle expliqué.
À l'atterrissage, on lui assigne un hôtel en lui mentionnant qu'elle ne peut plus voler.
«Les seules informations que nous avons, c'est de notre syndicat, pas de notre entreprise. C'est un minimum de prendre soin de tes employés», soutient l'agente de bord qui souligne que plusieurs de ses collègues sont également coincés à destination depuis le 16 août, et ce, un peu partout dans le monde.
«J’ai travaillé pour une autre compagnie, je n’ai jamais été traitée comme ça.»
«On n'a rien»
Bianca est formelle, si la vie d'agente de bord semble merveilleuse à première vue, ce n'est pas le cas au quotidien chez Air Canada.
«On n’a rien. On n’a pas de conditions, on n’est pas respecté […]. Il y a tellement de choses à dealer. Ils réduisent les agents de bord. On est au strict minimum», déplore l’agente de bord.
Bianca rappelle d'ailleurs aux gens que les employés d'Air Canada paient leurs vols.
«Quand les gens disent "tout est gratuit", c’est non. Les agents de bord qui travaillent pour les compagnies américaines, c’est gratuit. Moi je paie mes vols même pour aller travailler», raconte-t-elle.
Bianca souligne qu’elle a même déjà dû se payer un pied à terre dans trois villes différentes.
«Ils ont besoin de monde à Montréal, particulièrement dans la forte saison l’été, alors ils donnent des transferts temporaires pendant l’été et après ils renvoient les gens à leur base. Alors les agents de bord ont non seulement un salaire de merde, mais ils doivent payer deux logements, c’est hallucinant», déplore-t-elle.
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