Une flotte d’autobus entièrement électriques permettrait à la Société de transport de Montréal (STM) d’économiser 3500 $ par jour, selon une étude réalisée par des chercheurs de l’Université Concordia.
L’équipe de chercheurs, dirigée par Xuelin Tian, qui a complété son doctorat à Concordia cette année et qui est actuellement boursière postdoctorale à l’Université Laval de Québec, est la première à réaliser ce genre d’étude dans un environnement hivernal.
«La motivation pour cette étude est venue du besoin urgent de décarboner le transport public tout en assurant un service fiable dans des régions aux conditions climatiques exigeantes comme Montréal, contrairement à d’autres études menées dans des climats tempérés» a-t-elle expliqué en entrevue avec La Presse Canadienne.
«Le froid ajoute des défis en augmentant la demande pour chauffer le véhicule et en réduisant la performance de la batterie. Les rues glissantes réduisent également la performance du freinage régénératif qui contribue à la recharge de la batterie.»
Grâce aux liens établis avec la STM lors de recherches antérieures, son équipe a pu récolter des données fines dans 66 000 points répartis dans 56 trajets confiés à 40 autobus entièrement électriques, des véhicules de type Flyer XE40.
La masse de données recueillies est impressionnante. «Nous avons analysé les dossiers d’environ 50 000 trajets en tout, ce qui est unique, grâce à la collaboration de la STM. Nous n’avons jamais eu accès à une telle base de données opérationnelles auparavant.»
Plus d’énergie l’hiver
Personne ne s’étonnera du fait que les autobus électriques utilisent davantage d’énergie en hiver, que la consommation est optimale en été et que les résultats au printemps et en automne se situent entre les deux. Ainsi, l’hiver, un autobus électrique à batterie (AEB) consomme 1,7 kilowattheure par kilomètre, comparativement à 1,4 kilowattheure par kilomètre en été, soit 26 % de plus au froid.
Le freinage régénératif souffre aussi du froid. L’énergie de freinage récupérée se situe en moyenne à 45,8 %, avec une pointe de 50 % en été et un creux de 32 % au mois de février, le plus froid habituellement. «L’efficacité du freinage régénératif est plus grande en été, mais elle est aussi liée à la vitesse. La meilleure performance de freinage régénératif est obtenue avec des véhicules qui roulent de 30 à 50 kilomètres à l’heure. À cette vitesse, qui est optimale, on récupère de 50 % à 60 % de l’énergie de freinage», explique l’auteure principale.
Elle ajoute avoir été surprise par le fait que l’inclinaison des trajets – Montréal ne manque pas de côtes – n’a que peu d’influence sur la consommation d’énergie. À bien y penser, toutefois, c’est là une loi immuable de la physique: ce qui monte doit redescendre. Donc, si la consommation d’énergie augmente en montant, elle tombe sous la moyenne en redescendant et, mieux encore, la descente a une influence positive sur le freinage régénératif.
Beaucoup moins chers que le diesel
Là où les résultats de l’étude deviennent plus intéressants, toutefois, c’est lorsqu’on les compare aux autobus au diesel. Les coûts d’exploitation des AEB sont en moyenne de 40 % à 60 % inférieurs à ceux des véhicules au diesel, été et hiver confondus.
Et qu’en est-il des autobus hybrides? Leur performance énergétique se situe entre les AEB et les véhicules diesel. «Typiquement, peut-on lire dans l’étude, les autobus électriques maintiennent les coûts d’opération les plus faibles, entre 20 $ et 150 $ par jour. À l’opposé, les autobus diesel présentent les coûts d’opération quotidiens les plus élevés, dépassant souvent les 300 $, particulièrement l’hiver en raison d’une plus forte consommation de carburant pour le chauffage. Les autobus hybrides tombent dans un champ intermédiaire, avec des coûts quotidiens de 100 $ à 250 $, offrant des économies par rapport aux autobus diesel, mais très loin de l’efficience des coûts des autobus électriques.»
«Les fluctuations saisonnières sont plus prononcées pour les autobus diesel et hybrides, alors que les autobus électriques démontrent une performance stable à l’année, démontrant ainsi leur avantage économique.»
Xuelin Tian reconnaît cependant qu’il y a un frein important à la conversion. «Évidemment, ces autobus sont très coûteux. Le financement du gouvernement est très important, tant pour la STM que pour les usagers.» En effet, le Flyer XE40 coûte autour de 1 million $ l’unité, alors qu’un autobus diesel se vend autour de 750 00 $, un écart significatif.
La STM vient à peine de commencer à acheter des autobus 100 % électriques et son objectif est d’avoir une flotte entièrement électrique d’ici 2040 avec l’achat de 140 véhicules par année. Ce renouvellement devrait permettre de réduire de 80 % les émissions de gaz à effet de serre de la STM à terme.

