Les chefs des Premières Nations, inuits et métis ont accueilli samedi à l’aéroport de Montréal le retour de dizaines d’artefacts autochtones provenant de la collection du Vatican.
Ces 62 objets seront finalement restitués à leurs communautés d’origine, un geste qui contribue à la réconciliation.
La chef nationale de l’Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse Nepinak, a déclaré qu’il s’agissait d’un moment important et émouvant pour toutes les Premières Nations, et elle espérait qu’il en serait de même pour tous les Canadiens.
«Nous avons parcouru un long chemin, et il nous en reste encore beaucoup à parcourir», a-t-elle affirmé à l’aéroport.
Les chefs étaient présents sur le tarmac tandis que la neige tombait et que les artefacts, encore dans de grandes caisses, étaient déchargés de la soute d’un avion d’Air Canada. La tête baissée, Mme Woodhouse Nepinak a posé la main sur certains objets emballés.
Katisha Paul, représentante jeunesse de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, a souligné que ces objets représentaient bien plus que de simples artefacts.
«Ce sont nos biens, nos ancêtres, des témoins essentiels de l’histoire de notre nation», a-t-elle déclaré.
Depuis des années, les chefs des Premières Nations, inuits et métis demandent au Vatican de restituer les objets autochtones de sa collection. Ils ont évoqué ces artefacts lors de leur rencontre avec le pape François à Rome en 2022, au sujet de l’héritage des pensionnats gérés par l’Église.
La délégation, dont faisait partie Mme Woodhouse Nepinak, a pu admirer en privé certains objets conservés par l’Église lors de cette visite du Vatican. Parmi les artefacts, il y avait notamment des gants brodés, un kayak et une écharpe de portage. Certains de ces objets n’avaient pas été exposés au public depuis des décennies.
Les chefs ont quitté le Vatican les mains vides, mais avec une détermination renouvelée à ramener ces objets à leurs propriétaires légitimes.
Le pape François s’est rendu au Canada en juillet 2022. À sa mort, Mme Woodhouse Nepinak a renouvelé sa demande pour que les artefacts soient restitués à son successeur, le pape Léon XIII.
Le ministre canadien de l’Identité et de la Culture, Marc Miller, également présent à l’aéroport de Montréal samedi pour accueillir les artefacts, a auparavant occupé le poste de ministre des Relations Couronne-Autochtones et a contribué aux efforts de rapatriement.
M. Miller a indiqué que d’autres pays abritent des objets similaires et que le Canada «doit faire davantage».
Tout a commencé en 2006
Mme Woodhouse Nepinak est revenue sur le parcours qui, selon elle, a débuté vers 2006, lorsque l’ancien premier ministre Stephen Harper a présenté des excuses pour le rôle du gouvernement fédéral dans les pensionnats autochtones.
De ces excuses est née la Commission de vérité et réconciliation, qui a enquêté sur l’histoire et l’héritage de ces institutions, et a formulé 94 «appels à l’action» à l’intention des gouvernements, des entreprises, des églises et des Canadiens.
Ces appels à l’action comprennent une section visant les musées et les archives, adressée principalement au gouvernement fédéral et aux musées canadiens. L’Assemblée des Premières Nations a adopté une résolution distincte visant à rapatrier les artefacts.
Lors de la réunion de l’Assemblée des Premières Nations à Ottawa cette semaine, Mme Woodhouse Nepinak a participé à une cérémonie avec des jeunes qui sont rentrés au Canada avec les objets.
«Je suis si fière d’eux, a-t-elle déclaré. J’ai tellement d’espoir en eux, qu’ils écrivent des livres à ce sujet et qu’ils contribuent à sensibiliser le pays (…) Nous devons commencer à raconter notre propre histoire, plutôt que de laisser d’autres la raconter à notre place.»
Katisha Paul et Peyal Laceese, un jeune ambassadeur de la nation Tsilhqotʼin, ont tous deux participé aux efforts de rapatriement et se sont entretenus avec La Presse canadienne depuis Francfort, en Allemagne, avant d’embarquer à bord de l’avion transportant les artefacts à destination de Montréal.
Les deux étaient assis à quelques mètres des objets dans l’avion, mais ont précisé que ce processus ne les concernait pas.
Il s’agit plutôt de leurs ancêtres et de perpétuer l’œuvre de ceux qui les ont précédés.
«Il ne s’agit pas de ramener des objets intimes, des objets personnels ou même des artefacts. Pour nous, il s’agit de ramener des souvenirs. Il s’agit de rendre à nos ancêtres leur dignité et le pouvoir qui leur a été volé.»
«D’une certaine manière, vous ravivez ces énergies», a déclaré M. Laceese.
Il a expliqué que son peuple avait pour tradition d’envoyer des messagers pour annoncer les événements à venir: nouveaux chants, enseignements ou protocoles. Il perçoit les efforts de rapatriement de la même façon.
«Ils vont être revitalisés», a-t-il affirmé.
Les artefacts ne seront pas exposés au public avant le Nouvel An. Mme Woodhouse Nepinak a indiqué qu’ils auront besoin de temps pour s’acclimater.
«Je me fie simplement aux experts du musée, a-t-elle déclaré. J’imagine que l’atmosphère est différente en Europe.»
Elle a également précisé que le retour de ces 62 objets ne marquera pas la fin de l’histoire.
Selon elle, «il y a d’autres artefacts des Premières Nations au Musée du Vatican».
«Ce n’est qu’un début », a-t-elle affirmé.
Mme Paul et M. Laceese ont tous deux insisté sur le fait que, lorsque les objets retourneront chez eux, les peuples autochtones devraient considérer ce rapatriement comme une «unification» et une occasion de renouer avec leurs maîtres – ces maîtres étant les objets eux-mêmes, capables de révéler comment ils ont été créés pour faire revivre des techniques et des esprits.
«Partagez cette information avec ceux qui sont enthousiastes et désireux de participer à ce travail. Dites aux jeunes de ne pas avoir peur de faire entendre leur voix et de reprendre leurs outils – ceux que leurs aînés, leurs tantes, leurs oncles et leurs parents leur ont appris à utiliser – pour se joindre à cette belle œuvre», a déclaré M. Laceese.
