Les propos du chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon sur l’«aplaventrisme» du milieu culturel québécois continuent de faire réagir. Ses députés le défendent, affirmant qu’il a ouvert un débat important.
«Depuis quand, au Québec, pour lancer des débats, il faut qu’on méprise les gens?», s’est offusqué le co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Sol Zanetti, en point de presse à l’Assemblée nationale, jeudi.
«On n’avait absolument pas besoin de déverser du fiel sur le milieu culturel pour parler des conditions des artistes», a-t-il soutenu.
Mardi, des représentants de plusieurs associations culturelles ont salué la nomination de Marc Miller à titre de ministre fédéral de l’Identité et de la Culture canadiennes.
Cela a piqué au vif M. St-Pierre Plamondon, qui a déclaré sur les réseaux sociaux: «La vacuité intellectuelle et l’aplaventrisme d’une partie substantielle du milieu culturel québécois sont franchement gênants. J’ai honte.»
Il leur reproche d’avoir applaudi l’arrivée de M. Miller, mais aussi, plus largement, de collaborer avec le gouvernement fédéral, qui travaille, selon lui, à l’affaiblissement de la langue française et de la culture au Québec.
«Un moment donné, on a le droit de s’attendre à ce que (…) les porte-parole du milieu culturel québécois soient loyaux envers le Québec et la francophonie», a-t-il pesté.
Sur les ondes de Radio-Canada, la présidente de l’Union des artistes (UDA), Tania Kontoyanni, s’est dite «secouée» et «très triste de ce (qu’elle) entend».
«Nous insulter de cette façon-là, je ne pense pas que ce soit constructif», a pour sa part réagi Ève Paré, directrice générale de l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (Adisq).
M. St-Pierre Plamondon n’était pas en Chambre jeudi matin, mais deux de ses députés l’ont défendu en point de presse avant la période des questions, disant l’appuyer «à 100 %».
«Ce qu’il a fait, c’est qu’il a ouvert une discussion. Comme disait mon collègue, ça fait combien de temps qu’on n’a pas parlé de culture, de l’aspect fédéral de la culture, de cet argent-là?» a argué le député Alex Boissonneault.
Il a fait une différence entre le ton de la présidente de la FTQ, Magali Picard, qualifié par le PQ de «belliqueux», et celui de son chef, qui s’exprimait par ailleurs sur les réseaux sociaux.
«Ce n’est pas le même décorum qu’en commission parlementaire. Je pense qu’on va s’entendre là-dessus. On peut s’exprimer différemment sur X qu’en commission parlementaire», selon lui.
Trois motions à l’Assemblée nationale
Jeudi, QS et le Parti libéral du Québec (PLQ) ont déposé chacun une motion en Chambre pour condamner les propos de Paul St-Pierre Plamondon.
La motion du PLQ se lisait ainsi: «Que l’Assemblée nationale (...) énonce que les (...) organisations de la société civile, tous milieux confondus, devraient (...) pouvoir s’exprimer (...) en toute indépendance des orientations idéologiques de la classe politique.
«Qu’elle affirme que toute tentative de remettre en cause la loyauté d’un groupe de citoyens au Québec sur la base d’opinions politiques légitimes représente une dérive autoritaire qui mérite d’être combattue.»
Cette motion a été battue par le PQ, tout comme celle de QS, qui allait essentiellement dans le même sens.
En mêlée de presse, le chef libéral Pablo Rodriguez s’est inquiété que «dans le Québec de Paul St-Pierre Plamondon, (...) si on ne pense pas comme lui, on est des traîtres à la nation». Sol Zanetti a exigé que le chef péquiste s’excuse pour ses propos.
Le PQ a répliqué en présentant sa propre motion: «Que l’Assemblée nationale exige que le gouvernement fasse la demande formelle auprès du premier ministre du Canada (...) de rapatrier les budgets en culture au Québec.»
La motion du PQ a également été rejetée, cette fois par la Coalition avenir Québec.
«J’ai trouvé ça odieux, les propos du chef du PQ. Il est toujours fâché contre Ottawa, mais de s’en prendre à nos artistes, qui portent à bout de bras la culture québécoise, c’est impulsif», a dénoncé le ministre Jean-François Roberge.
PSPP persiste et signe
Lors d’une conférence de presse jeudi après-midi pour présenter un chapitre de son Livre bleu, M. St-Pierre Plamondon a persisté et signé. Il a laissé entendre qu’il disait tout haut ce que plusieurs pensent tout bas.
Selon lui, Ottawa «force nos artisans à quémander notre propre argent pour des subventions qui souvent limite la liberté artistique au profit de l’imposition de dogmes idéologiques».
Il a relayé sur Facebook une entrevue qu’il a accordée à Radio-Canada en invitant le public à «juger de la partialité» du média.
«C’est une discussion qui est saine, a-t-il soutenu devant les journalistes. Je me fais le porte-voix de plusieurs artisans en ayant une réflexion sur la relation entre les porte-parole et le régime fédéral, mais surtout sur (...) les causes de notre déclin linguistique.»
«Ça va générer pas mal de discussions dans les prochaines semaines», a-t-il ajouté.
Le chef péquiste s’est par ailleurs dit «sincère» et «réfléchi». «Je me tiens debout même quand il vente, et c’est pour ça, entre autres, j’imagine, qu’on a un appui au dernier sondage de 39 % de la population, ce qui est quand même pas si mal.
«Donc, est-ce que je vais me dénaturer parce qu’on me met de la pression, ou est-ce que je vais changer comme personne parce que je suis à un an des élections? Pas du tout.»
