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Le NPD «profondément» troublé par la vente de véhicules canadiens à l’ICE

«Ce contrat soulève de sérieuses questions.»

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Des véhicules blindés Roshel sont exposés au salon annuel de l'industrie de la défense, organisé par l'Association canadienne des industries de défense et de sécurité, à Ottawa, le 28 mai 2025. Des véhicules blindés Roshel sont exposés au salon annuel de l'industrie de la défense, organisé par l'Association canadienne des industries de défense et de sécurité, à Ottawa, le 28 mai 2025. (Justin Tang)

Des militants anti-armement affirment que les entreprises canadiennes ne devraient pas fournir de véhicules militaires blindés au département américain de l’Immigration et des Douanes, communément appelé ICE, ni à aucune autre organisation dont le bilan en matière de droits de la personne est douteux.

Les dossiers d’approvisionnement du gouvernement américain montrent que l’ICE a récemment passé une commande urgente pour une flotte de 20 véhicules blindés fabriqués par Roshel, une entreprise établie à Brampton, en Ontario.

La députée néo-démocrate Jenny Kwan se dit «profondément» troublée, étant donné que l’agence a été accusée de manière crédible de violations des droits de la personne.

«Les Canadiens s’attendent à ce que nos industries et notre gouvernement respectent les droits de la personne au pays et à l’étranger, et ne contribuent pas à la militarisation accrue d’une organisation dont les agissements mettent déjà les personnes vulnérables en grand danger», a-t-elle déclaré à La Presse Canadienne.

«Ce contrat soulève de sérieuses questions quant au rôle et à la responsabilité du Canada concernant le déploiement de nos technologies et de nos produits à l’étranger», a-t-elle ajouté.

Kelsey Gallagher, de Project Ploughshares, une organisation non gouvernementale qui fait la promotion de la paix, indique que si ces véhicules étaient vendus à un autre service de sécurité dans le monde ayant le même historique documenté de violations, Ottawa interviendrait probablement pour l’empêcher.

«J’invite le gouvernement du Canada à respecter ses obligations en vertu du droit international. Le Canada a signé en 2019 le Traité sur le commerce des armes», a-t-il souligné.

Amnistie internationale et l’Observatoire des droits de la personne ont établi un lien entre l’ICE et de graves violations des droits de la personne, notamment la détention arbitraire. Le Canadien Johnny Noviello est décédé dans un centre de détention de Miami plus tôt cette année après avoir été arrêté par l’ICE.

«Conformément à ses obligations en vertu du Traité sur le commerce des armes, les autorités canadiennes doivent refuser tout transfert d’armes proposé s’il existe un risque important que ces armes soient utilisées pour commettre des violations des droits de la personne à grande échelle», a déclaré M. Gallagher.

Doug Ford fier de cette vente

Interrogé sur la transaction mercredi, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a approuvé le contrat et a fait la promotion des ventes de véhicules blindés.

«Roshel fabrique d’excellents véhicules militaires. Nous avons maintenant besoin que le gouvernement fédéral commence lui aussi à lui passer des commandes. Peut-être le fait-il déjà, je n’en suis pas certain», a-t-il affirmé.

«Nous acceptons les commandes du monde entier et nous sommes ravis que les Américains s’approvisionnent chez nous», a ajouté M. Ford.

Questionnée par des journalistes au sujet de cette vente, la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand, s’est contentée de répondre que le gouvernement fédéral n’avait pas été contacté pour un éventuel permis pour cette transaction.

De son côté, le député libéral Nate Erskine-Smith a déclaré qu’il était «préoccupé» par cette vente, mais qu’il souhaitait obtenir davantage d’informations avant de s’exprimer davantage.

Roshel n’a pas répondu aux demandes de commentaires ni aux demandes de précisions concernant cette vente, révélée en premier lieu par le quotidien britannique «The Independent» en début de semaine. L’ICE n’a pas non plus répondu aux demandes de commentaires.

Mme Kwan et M. Gallagher ont affirmé que la législation canadienne comporte plusieurs failles intentionnelles permettant le transfert de matériel militaire vers les États-Unis sans le même niveau de contrôle de la part des autorités canadiennes que celui qui s’appliquerait à l’exportation de ces biens vers d’autres pays.

La députée néo-démocrate a indiqué qu’elle propose des modifications visant à combler ces lacunes par l’entremise de son projet de loi d’initiative parlementaire C-233. Selon elle, ce projet de loi contribuerait à empêcher l’exportation de pièces et de composants d’équipement militaire vers les États-Unis, puis leur redistribution à d’autres pays impliqués dans des conflits meurtriers.

La semaine dernière, Mme Anand a insisté sur le fait que le Canada possède «les processus de contrôle des exportations et les régimes juridiques les plus rigoureux au monde» en matière d’exportations de matériel militaire.

Les dossiers d’approvisionnement du gouvernement américain montrent que l’ICE a justifié sa commande de gré à gré à Roshel, d’une valeur d’environ 10 millions $ CAN, pour une flotte de véhicules tactiques d’intervention d’urgence Senator, conçus pour protéger le personnel contre les balles et les explosions.

«L’entreprise Roshel est idéalement placée pour répondre à cette exigence dans les délais impartis, ayant confirmé la disponibilité immédiate de véhicules entièrement conformes aux spécifications de l’ICE», indique un document du Bureau de la gestion des acquisitions de l’ICE.

Ce document précise que les entreprises américaines contactées par l’ICE ne remplissaient pas toutes les conditions contractuelles et n’étaient pas en mesure de livrer les véhicules dans un délai de 30 jours.

Kyle Duggan

Kyle Duggan

Journaliste