Plusieurs ministres fédéraux importants, dont le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, ont pris la parole à l’Assemblée des Premières Nations (APN) réunie à Ottawa jeudi.
Cependant, le ministre de l’Énergie, Tim Hodgson, qui contribue à la mise en œuvre du programme des grands projets du premier ministre Mark Carney, a été retiré de l’ordre du jour, alors qu’il devait initialement comparaître devant les chefs jeudi.
Le bureau de M. Hodgson a indiqué qu’il participerait tout de même à une réunion en milieu de journée avec les chefs de la Colombie-Britannique, mais qu’il ne prendrait pas la parole au sein du panel auquel il devait initialement siéger.
Son bureau a d’abord affirmé que la décision avait été prise par les «organisateurs», avant de préciser qu’il s’agissait des organisateurs du gouvernement fédéral. «L’ordre du jour a été modifié par les organisateurs du gouvernement fédéral, et non par Ressources naturelles Canada. Le ministre Hodgson aurait été ravi de participer à la table ronde et était très heureux de rencontrer les chefs sur place aujourd’hui», a soutenu sa porte-parole, Carolyn Svonkin.
La semaine dernière, M. Hodgson s’est attiré les foudres des Premières Nations côtières en minimisant leurs inquiétudes quant à son omission de les consulter avant la signature de l’accord sur l’oléoduc avec l’Alberta.
«Ça s’appelle Zoom», a-t-il ironisé sur les ondes de CBC à l’émission Power and Politics, lorsqu’on l’a interrogé sur l’impossibilité pour la présidente des Premières Nations côtières, Marilyn Slett, de se rendre à Vancouver à court préavis pour une réunion.
Il s’est ensuite excusé pour ces propos, reconnaissant sur les réseaux sociaux qu’il s’agissait d’un «choix de mots malheureux» et proposant de rencontrer les Premières Nations «à leur convenance».
Le mois dernier, les gouvernements fédéral et albertain ont signé un accord les engageant à œuvrer à la construction d’un oléoduc vers la côte ouest et ouvrant la voie à des modifications de l’interdiction de la navigation des pétroliers le long de la côte. L’accord stipule que l’engagement d’Ottawa est conditionné à l’approbation de l’oléoduc en tant que projet d’intérêt national et à la mise en place de «possibilités de copropriété et de partage des retombées économiques pour les Autochtones».
Suite à la rencontre de M. Hodgson avec les chefs de la Colombie-Britannique, l’avocat spécialisé dans les ressources autochtones, Merle Alexander, a dit ne pas être convaincu par les propos du ministre concernant le projet d’oléoduc.
«Je crois qu’ils dissimulent des informations», a affirmé M. Alexander, qui représentait la chef de la Première Nation Heiltsuk, Marilyn Slett.
«Je soupçonne que les discussions ont progressé et qu’il existe un promoteur potentiel ou un regroupement de promoteurs (…) Ce n’est pas un acte de bonne foi», a-t-il ajouté.
Le programme des grands projets du gouvernement fédéral a été un thème central de la réunion de cette semaine, au cours de laquelle les chefs votent sur des résolutions que l’Assemblée des Premières Nations, qui représente leurs intérêts, s’efforce de mettre en œuvre. Bien que seuls les chefs et leurs représentants aient le droit de vote, une délégation de jeunes du nord de l’Ontario, présente à la réunion jeudi, a clairement indiqué son intention de protéger ses terres et ses eaux — et elle attend la même chose des chefs.
«Nous sommes attaqués», a déclaré Ramon Kataquapit, conseiller jeunesse et fondateur du mouvement jeunesse des Premières Nations Okiniwak.
«Nous vivons une époque où nous luttons pour notre mode de vie. Le gouvernement nous poursuit. Il s’attaque à nos droits, à nos traités… C’est une bombe à retardement. Nous le voyons très clairement», a-t-il dénoncé.
Jeronimo Kataquapit, de la Première Nation d’Attawapiskat, membre d’Okiniwak et opposé au développement dans le Cercle de feu, riche en minéraux, a qualifié les lois fédérales et provinciales visant à accélérer le développement d’atteinte aux droits des Premières Nations.
«La terre, c’est notre origine. C’est ce que nous sommes – les terres, l’eau, les rivières, tout cela, a-t-il affirmé. Il est de notre responsabilité de protéger la terre et l’eau. C’est ce qui nous définit en tant que peuples des Premières Nations, d’un océan à l’autre et dans toutes les directions. »
Retour sur le budget
Le ministre Champagne, la ministre des Services aux Autochtones, Mandy Gull-Masty, et la ministre des Relations Couronne-Autochtones, Rebecca Alty, se sont adressés aux chefs jeudi matin. Ils ont défendu le récent budget fédéral et souligné les dispositions du plan financier qui, selon eux, pourraient profiter aux communautés autochtones.
«Avec ce budget, nous nous efforçons de mettre en œuvre des mesures qui renforcent le pouvoir économique et l’autonomie des Premières Nations, a avancé Mme Alty. Nous investissons dans le développement des capacités, nous élargissons l’accès au capital et nous veillons à ce que les occasions ne soient pas négligées par les Premières Nations.»
M. Champagne a affirmé que le partenariat avec les Autochtones est essentiel pour accélérer la réalisation de grands projets, stimuler la croissance économique et renforcer la position du Canada au pays et à l’étranger.
Il a ajouté que le budget place les priorités autochtones «au cœur» de la stratégie économique.
«Les peuples autochtones ont toujours fait partie intégrante de ce pays et ils contribueront à façonner un avenir commun», a conclu M. Champagne. La chef nationale Cindy Woodhouse Nepinak a souligné que le budget 2025 avait été un échec pour les Premières Nations, car il ne prévoyait pas davantage de financement pour les infrastructures et les ressources éducatives de leurs communautés.
Mme Gull-Masty a assuré aux chefs que son gouvernement s’engageait à réformer le système de protection de l’enfance des Premières Nations et à veiller à ce que les enfants des Premières Nations reçoivent le soutien dont ils ont besoin, au moment où ils en ont besoin.
Opposition à l’oléoduc
Mark Carney s’est entretenu avec les chefs mardi et a tenté d’apaiser leurs inquiétudes concernant l’accord sur l’oléoduc qu’il avait signé avec la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith.
Les chefs ont adopté à l’unanimité une résolution demandant l’annulation de cet accord et incitant le gouvernement fédéral à maintenir l’interdiction de la circulation des pétroliers au large des côtes du nord de la Colombie-Britannique.
Lors d’une rencontre avec M. Carney mercredi, les chefs des traités six, sept et huit se sont dits ouverts à la possibilité que le gouvernement fédéral soit propriétaire de l’oléoduc.
Les chefs de l’Alberta n’ont pas de représentant régional à l’Assemblée des Premières Nations.

