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Le chef d'orchestre montréalais Yannick Nézet-Séguin affirme avoir utilisé une arme secrète pour enseigner à l'acteur Bradley Cooper comment diriger comme Leonard Bernstein dans le prochain film d'auteur «Maestro»: une oreillette.
Nézet-Séguin a parfois demandé à l'acteur américain d'enfiler l'appareil afin qu'il puisse le guider à travers des mouvements de bras et de mains qui seraient crédibles pour les téléspectateurs connaisseurs de musique ainsi que pour ceux qui connaissent le style physique distinctif de Bernstein.
Nézet-Séguin a été «chef d'orchestre consultant» sur le prochain film Netflix, que Bradley Cooper a co-écrit, réalisé et dans lequel il joue, et souligne que la direction d'orchestre ne se résume pas qu'à agiter un bâton.
Le lauréat d’un Grammy a déclaré qu’il a vu de nombreux films dépeignant mal les chefs d’orchestre et qu’il voulait s’assurer que «Maestro» soit une représentation fidèle du métier.
Selon Nézet-Séguin, le plus difficile pour la plupart des acteurs est de maintenir un tempo précis avec la baguette, surtout lorsque l'autre main bouge avec fluidité pour transmettre l'expression.
«Maestro» sortira dans certains cinémas le 22 novembre et arrivera sur Netflix le 20 décembre.
«Je peux imaginer ce que ça pourrait être s'il y avait un film sur le tennis et que les (acteurs) tenaient mal la raquette», a déclaré Yannick Nézet-Séguin lors d'une récente entrevue à propos d'un autre film où il a été consultant, «Les jours heureux».
Pour ce long métrage québécois rempli de musique, Nézet-Séguin a raconté avoir chorégraphié des mouvements que l'actrice Sophie Desmarais devait suivre afin qu'elle puisse incarner de manière réaliste une jeune cheffe d'orchestre qui a du mal à trouver sa voix.
L’approche était différente pour Cooper, car contrairement à Sophie Desmarais et à son personnage, l’acteur de «Une étoile est née» («A Star is Born») avait pour mission d’imiter un personnage historique bien documenté.
Bradley Cooper a étudié des vidéos de Bernstein pour comprendre la façon dont le compositeur de «West Side Story» bougeait son corps, mais ce mimétisme ne capturait qu'une partie de qui était l'homme, a soutenu Nézet-Séguin.
En ce qui concerne les prouesses techniques de Bernstein, c’était plus difficile à maîtriser.
«J'étais là pour essayer de le cadrer (et dire): ''Ouais, mais le rythme doit être crédible''», explique Nézet-Séguin, qui gesticulait librement tout en parlant comme s'il dirigeait son propre discours.
Il a souligné qu'il y avait un code à respecter dans le milieu, par exemple le premier temps doit être bas. «Et c'est ce que je devais faire. L'aider et le guider là-dessus, a-t-il mentionné. Parce qu'il avait toutes les imitations et tout de Bernstein – c'était fantastique – mais la main droite n'était pas ce qu'elle devrait être.»
Nézet-Séguin, qui a également dirigé la musique de «Maestro», a décrit Bernstein comme une «idole» de longue date.
«Il est aussi très physique et chaque partie de son corps s'exprime et j'ai donc toujours aimé ça. Mais bien sûr, le film parle aussi de relations torturées et de moments compliqués où il est un gai dans le placard, mais marié, ce qui est très loin de ce que je suis», rigole Nézet-Séguin, ouvertement homosexuel et marié à Pierre Tourville, violoniste de l'Orchestre Métropolitain de Montréal.
«Des époques différentes, ça, c'est sûr», commente-t-il.
Beaucoup de choses ont changé dans la façon dont les chefs d'orchestre sont également perçus, ajoute Nézet-Séguin, âgé de 48 ans, dont les cheveux blonds décolorés et le vernis à ongles bleu marine démentent l'image stéréotypée du chef d'orchestre sérieux et chenu.
Selon lui, le cinéma a mis du temps à rattraper la réalité moderne. Il a donné en exemple le drame «Tar» qui est particulièrement incongru par rapport à la refonte culturelle et sociale qui, insiste-t-il, la grande majorité des chefs d'orchestre ont adopté. Cate Blanchett joue dans «Tar» le rôle d'une savante impérieuse qui s'effondre progressivement lorsqu'elle est obligée de faire face à sa propre toxicité.
L'époque du chef d'orchestre dominateur et égocentrique est révolue, affirme Nézet-Séguin, qui œuvre auprès des orchestres de Montréal, New York et Philadelphie.
«En avance sur son temps, je pense que la direction d'orchestre a dû examiner ce que signifie diriger, car tout est question d'émotions – la musique est émotionnelle», partage-t-il.
«Vous ne pouvez donc pas simplement décider: ''Oh, je suis le policier à la circulation et ça marche''. Vous devez vous connecter à un niveau plus profond. Et donc il faut accepter sa propre vulnérabilité en tant que chef d'orchestre, car on est avant tout un artiste.»
«Bien sûr, il y a un certain charisme et il faut être capable de projeter ses émotions dans une certaine mesure, mais il est vrai que cela ne fonctionnera que si l'on est vraiment fidèle à soi-même, ce qui implique aussi d'accepter ses propres défauts».
Feindre la perfection ne fonctionne plus, assure-t-il.
«Honnêtement, je ne pense pas que cela n'ait jamais vraiment fonctionné».