Une large majorité des pays membres de l'Union européenne ont appelé mardi la Hongrie à réviser une nouvelle loi interdisant les événements publics des communautés LGBTQ+, alors que la pression monte sur le gouvernement populiste accusé de faire reculer la démocratie.
Dans une déclaration, au moins 20 des 27 pays membres de l'UE, dont la France, l'Allemagne et l'Espagne, ont exprimé leur inquiétude quant à la loi adoptée en avril qui autorise la distribution d'amendes aux personnes organisant ou participant à des marches de fiertés, ainsi que l'utilisation de logiciels de reconnaissance faciale pour les identifier.
Les 20 pays membres se sont dits alarmés par ces récents développements, qui «vont à l'encontre des valeurs fondamentales de dignité humaine, de liberté, d'égalité et de respect des droits de l'homme» inscrites dans les traités de l'UE.
Ils ont appelé la Commission européenne, le puissant organe exécutif chargé de veiller au respect des lois de l'UE, à «utiliser pleinement et rapidement les instruments de l'État de droit à sa disposition si ces mesures ne sont pas révisées en conséquence».
La déclaration a été publiée sur les réseaux sociaux alors que les ministres aux Affaires européennes se réunissaient à Bruxelles pour de nouvelles discussions sur les actions du gouvernement hongrois, résolument nationaliste.
Ils discuteront notamment d'une législation hongroise qu'ils considèrent comme portant atteinte à l'État de droit.
«Je pense qu'il est temps d'envisager les prochaines étapes, car la poursuite de ces audiences devient inutile», a déclaré Jessica Rosencrantz, ministre suédoise des Affaires européennes et signataire de la déclaration.
Mme Rosencrantz a déclaré que l'UE n'est «pas seulement une union géographique, mais une union fondée sur des valeurs», et qu'en ce sens, elle doit agir contre les pays qui ne respectent pas ses principes communs.
Le ministre hongrois des Affaires européennes, János Bóka, a déclaré que la nouvelle loi avait tout simplement été mal comprise. «En Hongrie, l'interdiction de la marche des fiertés n'existe pas», a soutenu M. Bóka, devant des journalistes. «J'espère qu'après ces discussions, mes collègues autour de la table repartiront avec une vision plus nuancée de la législation hongroise.»
L'amendement constitutionnel adopté en avril stipule que les droits des enfants au développement moral, physique et spirituel priment sur tout autre droit que le droit à la vie, ce qui inclut celui de se réunir pacifiquement. La législation hongroise controversée relative à la «protection de l'enfance» interdit ainsi la «représentation ou la promotion» de l'homosexualité auprès des mineurs.
Le commissaire européen à la démocratie, à la justice et à l’État de droit, Michael McGrath, a mentionné que la volonté d'agir contre la Hongrie était désormais bien présente. Il a ajouté qu'«une analyse approfondie de la législation pertinente est en cours».
M. McGrath a également exprimé de «très sérieuses inquiétudes» concernant un autre projet de loi hongrois. Celui-ci permettrait au gouvernement de surveiller, de restreindre, de sanctionner et potentiellement d'interdire les organisations qu'il considère comme une menace pour la souveraineté nationale.
Ce projet de loi marque une escalade importante de la répression menée depuis longtemps par le gouvernement contre les médias et les organisations non gouvernementales qui le critiquent. Il permettrait au controversé Bureau de protection de la souveraineté hongroise d'identifier les organisations qui influencent le débat public ou l'opinion des électeurs d'une manière qu'il juge préjudiciable aux intérêts des citoyens.
«Nous estimons qu'il s'agit d'une violation du droit de l'UE, notamment des libertés du marché intérieur, ainsi que de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne», a évoqué Michael McGrath. «Nous sommes prêts à utiliser les outils à notre disposition» pour nous y opposer, a-t-il ajouté.
La Hongrie privée de fonds européens
Dans le cadre de ses nombreux litiges avec le gouvernement du premier ministre Viktor Orbán, la Commission européenne a privé la Hongrie de milliards d'euros de fonds européens, notamment par crainte d'un détournement de fonds.
«À l'heure actuelle, environ 18 milliards d'euros ne sont pas disponibles pour la Hongrie. Cela est dû à ses propres violations de l'État de droit. J'aimerais qu'il en soit autrement», a expliqué M. McGrath aux journalistes.
Malgré les prévisions gouvernementales optimistes, l'économie hongroise stagne depuis au moins deux ans, en partie à cause du gel des fonds européens. Confronté à une forte inflation, le produit intérieur brut hongrois est retombé en territoire négatif au premier trimestre 2025, marquant ainsi la seule contraction de l'UE.
La Hongrie s'est également éloignée de plus en plus de l'UE en raison de l'invasion russe en Ukraine, retardant à plusieurs reprises l'adoption de plans d'aide de plusieurs milliards d'euros à Kyiv et de sanctions contre Moscou. Ses partenaires européens sont désormais de plus en plus enclins à poursuivre sans le gouvernement Orbán.
