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Des vigiles et d’autres événements ont eu lieu à Montréal et dans tout le pays pour marquer l’anniversaire de la tuerie antiféministe du 6 décembre 1989.
Des survivants d'une fusillade dans une école, des dignitaires et des familles de victimes ont rendu hommage vendredi aux 14 femmes tuées dans une attaque antiféministe à Polytechnique Montréal il y a 35 ans.
Vendredi soir, 14 faisceaux de lumière ont illuminé le ciel au-dessus du mont Royal, allumés un à la fois pendant que les noms des victimes étaient lus. Pour la première fois cette année, un 15e faisceau a brillé en mémoire de toutes les victimes de féminicides.
Les familles des victimes étaient présentes à la cérémonie aux côtés de dignitaires, dont le premier ministre Justin Trudeau et le premier ministre du Québec, François Legault.
S'adressant aux journalistes après la cérémonie, le premier ministre Trudeau a déclaré que le Canada doit poursuivre ses efforts pour prévenir de futures tragédies.
«Ce soir, alors que nous nous réunissons pour marquer les 35 ans du meurtre de 14 femmes simplement parce qu'elles étaient des femmes à l'École Polytechnique, nous nous rappelons également que, depuis, beaucoup trop de femmes sont tuées ou subissent des violences, et que cela doit cesser», a-t-il déclaré.
Le premier ministre Legault a rappelé l’incrédulité qu’il a ressentie lorsque la tragédie s’est déroulée il y a plus de trois décennies.
«Nous ne pensions pas que cela pouvait arriver. C’est pourquoi c’était choquant», a-t-il affirmé aux journalistes après la cérémonie de vendredi.
M. Legault a salué l’ajout du 15e faisceau et a exhorté ceux qui soupçonnent qu’une femme est victime de violence à s’exprimer.
Nathalie Provost, une survivante de la fusillade de Polytechnique, a expliqué que cet anniversaire suscite de nombreuses émotions, mais que les victimes ne doivent pas être oubliées.
«Selon moi, nous avons un devoir de mémoire parce qu’une société n’est jamais achevée ou figée», a ajouté Mme Provost.
Louise De Sousa, dont la fille a été tuée lors de la fusillade du Collège Dawson à Montréal en 2006, était également présente.
«Je suis ici pour soutenir Polytechnique parce que ma fille est morte au Collège Dawson», a-t-elle expliqué avant la cérémonie, ajoutant qu’elle et d’autres membres des familles des victimes partagent une compréhension à travers le deuil.
«Nous ressentons les mêmes émotions. Nous savons tous ce que nous avons vécu. À moins de l’avoir vécu, vous ne pouvez pas vraiment savoir ce que c’est.»
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, qui a également participé à la cérémonie sur le mont Royal, a publié une déclaration plus tôt vendredi.
«Trente-cinq ans plus tard, nous devons encore réitérer que les femmes ont le droit de vivre sans peur, de suivre leurs aspirations et de réaliser leurs rêves, a-t-elle soutenu. Chaque pas vers l'égalité profite à l'ensemble de la société.»
Plus tôt dans la journée, lors d'une veillée distincte, des dignitaires se sont rassemblés devant le campus principal de Polytechnique Montréal.
Parmi ceux qui ont déposé silencieusement des fleurs blanches au pied d'une plaque commémorative se trouvait Louis Courville, qui était directeur par intérim de l'école en 1989.
«Je suis content qu'il y ait beaucoup de gens qui n'ont pas oublié ce qui s'est passé, a expliqué M. Courville, âgé de 90 ans, après la cérémonie. En même temps, c'est le souvenir d'une chose très triste, horrible.»
Les femmes assassinées en 1989 se nommaient Geneviève Bergeron, Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Barbara Daigneault, Anne-Marie Edward, Maud Haviernick, Maryse Laganière, Maryse Leclair, Anne-Marie Lemay, Sonia Pelletier, Michèle Richard, Annie St-Arneault, Annie Turcotte et Barbara Klucznik-Widajewicz.
Treize autres personnes ont été blessées dans l'attaque perpétrée par Marc Lépine, qui s'est donné la mort. Il s'était insurgé contre les féministes qui lui gâchaient la vie.
Louis Courville était dans son bureau lorsque les coups de feu ont commencé et tout ce qu'il entendait, c'était une pluie de balles. Il a présumé qu'un groupe armé avait assiégé l'école. «Je ne pouvais pas penser qu'il s'agissait d'une seule personne. J'ai essayé de comprendre, qu'est-ce qu'ils allaient me demander? Est-ce que je vais devoir négocier quelque chose?», s'est-il souvenu.
«Mais Marc Lépine ne venait pas pour négocier», a ajouté M. Courville. Dans les jours et les semaines qui ont suivi, lui et sa femme Jeanne Dauphinais ont parcouru la province pour rencontrer les familles des victimes.
La directrice générale de Polytechnique Montréal, Maud Cohen, a affirmé vendredi qu'il y avait un devoir de tirer des leçons de ce qui s'est passé. «Nous devons nous souvenir de ces jeunes filles qui ont perdu la vie: il y avait 13 étudiantes, une employée», a déclaré Mme Cohen aux journalistes.
«Il s'agit de s'assurer que tout le monde peut avoir une voie à suivre, a-t-elle ajouté. Il s’agit de faire en sorte que tout le monde, et plus particulièrement les femmes le 6 décembre, se sente bien accueilli, qu’elles puissent s’épanouir et qu’elles puissent vraiment profiter d’un endroit où elles peuvent réaliser leurs rêves.»
Mathieu Thibault, étudiant en quatrième année de génie civil à Polytechnique, a été frappé par la tragédie du 6 décembre dès son plus jeune âge. Sa mère était à l’école ce soir-là et est partie alors que tout le monde se précipitait hors du bâtiment. Ses deux parents ont obtenu leur diplôme de l’école.
M. Thibault a grandi en entendant parler de doubles standards et de sexisme au travail, et dès son admission à l’université, il a rejoint un groupe qui milite pour que plus de femmes exercent la profession d’ingénieur.
«C’est un moment lourd, vous savez, il est temps de réfléchir à la façon dont nous agissons : où en sommes-nous dans la société ?, a expliqué M. Thibault. Et cette année en particulier, j’ai l’impression que c’est la 35e année, mais c’est aussi une année où nous avons vu une certaine montée de la masculinité toxique.»
Mme Cohen a déclaré qu'elle craignait que les atteintes aux droits des femmes aux États-Unis puissent s'infiltrer au Canada.
«Je me demande si les droits dont je dispose actuellement seront les mêmes que ceux dont bénéficiera la prochaine génération de femmes, a ajouté Maud Cohen. Je pense que nous avons toutes la responsabilité, pas seulement nous les femmes, mais aussi les hommes qui nous entourent, de veiller à ce que cela n'arrive à aucun groupe, en particulier aux femmes.»