Les régents du système universitaire Texas A&M ont adopté jeudi une nouvelle politique exigeant que les professeurs obtiennent l'approbation du président de l'université pour aborder certains sujets liés à la race et au genre.
Ces changements interviennent quelques mois après la diffusion d'une vidéo devenue virale montrant une étudiante confrontant une enseignante au sujet de ses cours, ce qui a provoqué un tollé sur le campus.
Cette nouvelle politique s'appliquera aux 12 établissements du système, y compris Texas A&M, campus phare et l'une des plus grandes universités du pays.
La nouvelle politique stipule qu'aucun cours universitaire ne peut «promouvoir une idéologie raciale ou de genre ni aborder des sujets liés à l'orientation sexuelle ou à l'identité de genre» sans l'autorisation préalable du président de l'université.
Il semble que ce soit la première fois qu'un système universitaire public du Texas réglemente les sujets que les professeurs peuvent aborder en classe concernant la race et le genre.
D'autres systèmes universitaires du Texas ont également imposé des restrictions à l'enseignement en classe ou ont entamé des audits internes de leurs offres de cours à la suite d'une nouvelle loi de l'État. Les détracteurs de cette nouvelle politique affirment qu'elle entraverait la capacité des professeurs à enseigner, porterait atteinte à la liberté académique et pourrait constituer une violation du Premier amendement.
«Cette politique s'attaque au cœur même de l'éducation et de la mission des universités: la diffusion du savoir sans crainte de représailles ni de censure», a affirmé Rana Jaleel, présidente du comité sur la liberté académique de l'Association américaine des professeurs d'université, au sujet de la nouvelle politique du système A&M.
Plusieurs universités et leurs présidents à travers le pays, dont Harvard, Columbia et l'Université de Virginie, ont fait l'objet d'un examen plus approfondi cette année de la part des critiques conservateurs et de l'administration du président Donald Trump concernant leurs pratiques en matière de diversité, d'équité et d'inclusion, ainsi que leur réaction aux manifestations sur les campus.
Définitions de la politique
Le mois dernier, M. Trump a demandé à neuf grandes universités, dont l'Université du Texas à Austin, d'accepter diverses dispositions, notamment l'engagement d'éliminer la race et le sexe des critères d'admission, d'adopter la définition binaire stricte du gouvernement concernant «homme» et «femme» et de promouvoir les opinions conservatrices sur les campus.
La nouvelle politique définit l’«idéologie raciale» comme un «concept visant à stigmatiser une race ou une ethnie particulière, à l’accuser d’oppression au sein d’une hiérarchie ou d’un complot racial» ou à lui attribuer «une culpabilité intrinsèque fondée sur les actions de ses ancêtres ou proches présumés». Elle définit l’«idéologie de genre» comme un «concept d’identité de genre autoévaluée se substituant à la catégorie biologique du sexe et s’en détachant».
«L’objectif est une évaluation transparente et documentée des activités parascolaires, et non une surveillance des propos individuels», a expliqué James Hallmark, vice-chancelier du Bureau des affaires académiques du système universitaire Texas A&M, aux membres du conseil d’administration.
En approuvant cette politique, le conseil d’administration n’a pas fait mention du licenciement, en septembre, de Melissa McCoul, maître de conférences au département d’anglais de l’université Texas A&M, à la suite de la diffusion d’une vidéo où on la voyait s’opposer à une étudiante au sujet de l’enseignement de l’identité de genre dans un cours de littérature jeunesse.
Ce licenciement faisait suite à des pressions politiques exercées par des élus républicains, dont le gouverneur Greg Abbott.
Peu après le licenciement de Mme McCoul, le président de l'université Texas A&M de l'époque, Mark A. Welsh III, a démissionné. Il n'a pas donné de raison à sa démission, mais lui et l'université avaient subi des pressions et des critiques politiques, notamment de la part d'Abbott, après la diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux.
Leonard Bright, président de la section Texas A&M de l'Association américaine des professeurs d'université (AAUP), estime que l'affaire McCoul a ouvert la voie à la mise en place de cette politique au sein du système universitaire.
«Notre rôle est d'enseigner les faits, d'enseigner la vérité, et si (…) nous devons nous baser sur l'approbation de certains, qui pourrait très bien être motivée par des considérations politiques, alors la vérité n'existe plus», a déclaré M. Bright, professeur à la Bush School of Government and Public Service de Texas A&M, à l'Associated Press avant la réunion.
Lors de la réunion de jeudi, huit professeurs et chargés de cours de Texas A&M, dont M. Bright, se sont prononcés contre cette politique, et plusieurs ont appelé le conseil d'administration à réintégrer Mme McCoul.
Deux professeurs de l'université A&M se sont prononcés en faveur de cette politique, dont Adam Kolasinski, du département de finance, qui a déclaré ne pas croire qu'elle violait la liberté académique et que «la liberté académique ne signifie pas qu'on peut enseigner tout ce qu'on veut».
Le régent Sam Torn a avancé que cette politique était mise en place pour «garantir que nous éduquons, et non que nous défendons des idées».
Une loi texane, entrée en vigueur le 1er septembre, interdit aux écoles primaires et secondaires du Texas d'enseigner l'orientation sexuelle ou l'identité de genre. Cette loi ne s'applique pas aux universités et autres établissements d'enseignement supérieur.
L'université Texas A&M est située à College Station, à environ 153 kilomètres au nord-ouest de Houston.
