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«C’est un peintre tellement flamboyant que, oui, nous l’adorons.»
Lorsqu'une peinture emblématique a besoin d'être restaurée, elle est généralement emmenée dans un atelier pour être travaillée en isolement, mais, dans le cas d'un chef-d'œuvre massif de Pierre Paul Rubens dans la ville natale de l'artiste en Belgique, l'atelier a dû être amené jusqu'au tableau.
Dans la plus grande salle du Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers, les restauratrices ont les yeux des visiteurs dans le dos et, parfois, les critiques résonnent dans leurs oreilles.
À six mètres de hauteur, la «Madone trônant parmi les saints», un tourbillon luxuriant de chair, de tissu et de rideaux, est plus haute qu'une girafe adulte. Une équipe de six restauratrices s'y penche pour un nettoyage de deux ans, qui devrait se terminer cet automne. Comparez cela à Rubens lui-même, qui pouvait mettre de la peinture sur toile sur une œuvre aussi massive en seulement quelques semaines.
Il n’est pas étonnant qu’un tel panache, un geste grandiose dans un simple coup de pinceau, ait laissé tout le monde en admiration, à l’époque comme aujourd’hui. Rubens, peut-être le fils le plus célèbre d’Anvers, a peint l’œuvre en 1628 dans l’atelier de sa maison de la ville.
«C’est un peintre tellement flamboyant que, oui, nous l’adorons», a raconté Ellen Keppens, cherchant les mots appropriés. Avec sa sœur jumelle, Jill, Ellen dirige une équipe internationale de six femmes restauratrices.
Un récent matin, elles appliquaient des nuances sur le chef-d’œuvre baroque, rampant parfois sur le plancher lambrissé pour appliquer une touche ici ou là. Plus tard, elles ont dû s’accroupir sous un escalier en métal avant de se diriger vers le coin supérieur pour une autre touche de retouche. Qui a dit que la restauration d’œuvres d’art n’était pas un travail physique?
«Comme le dit notre collègue, elle est devenue très douée en yoga», a souligné Mme Keppens à propos d’une membre de l’équipe. «On remarque qu’on peut se pencher dans tous les sens devant un tableau.» Quand son torticolis devient trop grave, elle peut simplement se rendre au bureau à côté du tableau pour effectuer quelques tâches administratives.
Elle ferait mieux de ne pas regarder trop loin à gauche dans la salle connue sous le nom de galerie Rubens. À l'autre bout se trouve une autre œuvre emblématique du maître, tout aussi intimidante et gigantesque, et qui a également grand besoin d'être restaurée: «L'Adoration des Mages».
Koen Bulckens, le conservateur de la section baroque du musée, connaît les défis qui l'attendent.
«Nous allons maintenant utiliser cet atelier pour le traitement de cette œuvre», a-t-il expliqué en regardant la Madone, dont la brillance de la peinture d'origine a été révélée après le retrait minutieux du vernis vieilli. Ensuite viendra «une autre œuvre, qui est L'Adoration des Mages», a-t-il précisé.
Et le temps presse. «Le projet devrait s'achever en 2027, ce qui sera le 450e anniversaire de la naissance de Rubens. Ce sera donc une année de jubilé», a mentionné M. Bulckens.
Comme pour de nombreux tableaux vieux de plusieurs siècles, les plus gros problèmes sont le vieux vernis et les mauvaises restaurations antérieures.
«Cette œuvre était recouverte d'un vernis épais et jaune, ce qui, je dois le dire, déformait d'une part les couleurs, mais aussi le travail au pinceau, devenu impossible à voir», a indiqué M. Bulckens.
De plus, deux tableaux accrochés de chaque côté de la Madone avaient été nettoyés il y a 35 ans, laissant le Rubens du milieu avec un aspect jaunâtre. «Il était évident à quel point il était jaune. On peut jouer avec la lumière du musée pour le rendre un peu plus bleu, mais ce n'était vraiment pas une solution définitive», a-t-il avancé.
Le retrait du vernis a toutefois laissé la surface peinte avec un teint terne. Les restaurateurs qui travaillent dans un atelier savent que le retrait fait partie du processus et que le résultat final n'en sera que plus splendide plus tard. Au musée lui-même, certains visiteurs étaient convaincus que le tableau bien-aimé était en train d'être ruiné et font connaître leurs inquiétudes malgré les panneaux «Ne pas déranger».
«Certains ne s'en rendent absolument pas compte. Et puis ils se demandent si c'était une bonne idée. Oui, bien sûr que c'était une bonne idée», a soutenu Ellen Keppens. «Nous savons ce qui va se passer ensuite», une fois le nouveau vernis et les nouvelles touches appliqués.
«Parfois, vous avez un moment pour expliquer aux visiteurs, mais souvent, nous ne faisons que travailler, mais ensuite, oui, nous entendons les commentaires en arrière-plan, bien sûr», a témoigné la restauratrice.
Défendre le maître — et son propre travail — vient désormais naturellement. Après avoir eu affaire à Rubens, mois après mois, «il occupe une très grande place dans nos vies».