Une nouvelle ligne directrice clinique sur la perte de grossesse précoce de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) suggère que les femmes qui font une fausse couche devraient systématiquement faire l'objet d'un dépistage de la dépression. La mifépristone et le misoprostol — des médicaments utilisés pour l'avortement — devraient par ailleurs être offerts gratuitement à toutes les patientes qui choisissent une prise en charge médicale de leur perte de grossesse.
Ce sont là quelques recommandations phares de la nouvelle ligne directrice clinique publiée dans le Journal d'obstétrique et de gynécologie du Canada. Contrairement aux directives précédentes, qui se concentraient sur des conseils cliniques aux professionnels de la santé, les nouvelles recommandations appellent à prendre des mesures concrètes pour des soins plus réactifs et compatissants pour les patientes.
Les fausses couches sont malheureusement assez fréquentes. On parle de fausse couche lorsqu'une interruption de grossesse spontanée survient avant la 20e semaine. Au Québec, chaque année, plus de 20 000 femmes enceintes font une fausse couche. Elles surviennent dans environ 15 % des cas, et jusqu'à 30 % des femmes qui le vivent auront des effets négatifs sur leur santé mentale, parfois assez sévères, comme un syndrome de stress post-traumatique (SSPT).
«De faire une fausse couche, peu importe le nombre de semaines où on est rendu dans la grossesse, ce petit bébé-là, il fait déjà partie de la famille. Donc, ce n'est pas juste vider l'utérus, il y a toute la détresse psychologique, il y a toute la peine, et on voulait vraiment prendre l'opportunité pour rappeler comment c'est difficile pour les femmes», mentionne en entrevue la Diane Francœur, directrice générale de la SOGC qui cumule plus de 30 ans d'expérience comme obstétricienne-gynécologue.
Les femmes se sentent souvent coupables et l'auto-accusation est chose courante, souligne la SOGC dans un communiqué diffusé lundi. Elle conseille aux professionnels de la santé d'aborder la perte qu'elles ont subie avec compassion et d'orienter les patientes qui auront été préalablement dépistées pour la dépression ou pour un SSPT vers un professionnel de la santé mentale.
Les cliniciens doivent également jouer un rôle pour rassurer la patiente, notamment en l'informant que la plupart des fausses couches ne sont pas évitables ni traitables.
«Présentement, ce qui est le frein pour beaucoup, c'est d'offrir des soins psychologiques aux femmes. C'est qu'il n'y a personne au bout du fil, personne qui va s'occuper d'elles», déplore la Dre Francoeur. Elle demande aux professionnels de la santé de talonner la direction de leur hôpital pour avoir les services.
Rendre la mifépristone gratuite pour les fausses couches
Au Québec, les femmes qui veulent procéder par médication pour leur perte de grossesse précoce doivent débourser les frais, si elles n'ont pas d'assurance. En effet, la mifépristone peut être prescrite gratuitement seulement si elle est utilisée pour un avortement. «Si on a ce qu'on appelle une grossesse arrêtée, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de petit cœur fœtal et l'embryon a arrêté de grandir, ce n'est pas un avortement, c'est de créer une fausse couche finalement, donc techniquement on n'a pas le droit de l'utiliser», détaille Dre Francoeur.
Elle demande au gouvernement du Québec de changer la donne puisque cela permettrait d'éviter de faire des curetages inutilement. «On pourrait très bien permettre aux femmes de faire une fausse couche de façon très sécuritaire à la maison. Ça ne veut pas dire que ça ne fait pas mal. Quand on a de la peine, ça fait toujours plus mal. Mais par contre, ça va permettre à la femme d'éviter une chirurgie. Si on n'en a pas besoin, c'est toujours mieux de ne pas en avoir», fait valoir la docteure.
Elle dit avoir eu des discussions sur le sujet avec le ministre de la Santé, Christian Dubé, ainsi que la présidente et cheffe de la direction de Santé Québec, Geneviève Biron. Dre Francoeur souhaite que les choses changent plus rapidement. «S'il faut qu'on fasse une pétition pour que ça fonctionne, auprès de toutes les femmes, on le fera, mais il faut que ça bouge», lance-t-elle.
Plus de cliniques spécialisées sont réclamées
La Société des obstétriciens et gynécologues demande également de créer dans tous les hôpitaux du Canada des cliniques de prise en charge pour les pertes de grossesse précoces afin d'éviter que les femmes aillent dans les urgences. «Parce que c'est là où elles ne sont pas bien servies», affirme Dre Francoeur.
«Les cliniciens doivent développer des trajectoires de soins locales pour améliorer la qualité des soins et services et les délais d’attente pour les prises en charge médicales et chirurgicales des pertes de grossesses précoces. Ces cliniques améliorent la standardisation des soins et diminuent les visites répétées à l’urgence», peut-on lire dans la publication du Journal d'obstétrique et de gynécologie du Canada.
La SOGC met de l'avant l'exemple du Royaume-Uni, où ces cliniques ont d'abord été implantées. Cela a permis d'améliorer les soins, réduire le temps d'attente ainsi que les coûts, affirme l'organisation médicale canadienne. Elle souligne qu'il s'agit aussi d'une alternative à l'urgence pour les femmes qui ont des symptômes de perte de grossesse.
La directive clinique sur la perte de grossesse précoce sera présentée lors du Congrès clinique et scientifique annuel de la SOGC qui aura lieu du 17 au 20 juin à Whistler, en Colombie-Britannique.

