Pour Rachel Renaud, l'amour — et la perte — sont au cœur de l'histoire de sa sœur Gabie, qui a été victime d'un féminicide.
«Elle voulait tellement être aimée. Depuis la perte de nos parents, elle était toujours à la recherche de cet amour.»
Gabie Renaud a été retrouvée morte à son domicile de Saint-Jérôme, au nord de Montréal, le 27 septembre dernier. Les autorités pensent qu'elle a été tuée quatre semaines plus tôt.
L'accusé, Johnathan Blanchet, a été arrêté et accusé de meurtre au premier degré.
Sa prochaine comparution devant le tribunal est prévue le 7 novembre prochain.
Gabie laisse derrière elle deux enfants, âgés de 9 et 15 ans.
Une lutte pour la justice et le changement
Depuis la mort de Gabie Renaud, ses proches disent avoir traversé leur deuil tout en militant pour le changement.
Dimanche, des centaines de personnes ont défilé dans les rues de Saint-Jérôme en mémoire des victimes de violence conjugales.
«C'est la colère qui nous pousse tous à être ici aujourd'hui», a expliqué la tante de la victime, Lyne Malette. «Cette colère va durer longtemps. Une année difficile nous attend, avec beaucoup de questions.»
Parmi la foule se trouvait Stéphanie Carion, une amie proche qui portait un t-shirt avec la photo de Gabie et les mots «Je suis Gabie» (Je suis Gabie).
«Elle ne méritait pas ça. Personne ne mérite ça», a-t-elle dit. «Surtout pas notre Gabie, qui était vraiment un petit bijou.»

Mélanie Colombey dit qu'elle était là pour montrer son soutien aux familles qui ont perdu des êtres chers — et pour compter ses bénédictions que sa propre sœur soit encore en vie.
«Nous avons besoin de changement et c'est pourquoi nous sommes ici : pour montrer que trop c'est trop», a-t-elle confié. «Nous ne voulons pas perdre une autre femme à cause de cette violence.»
De nombreuses personnes dans la foule brandissaient des pancartes appelant à la justice, avec des messages tels que «Stop à la violence contre les femmes» et «Des réformes avant que nous mourions».
Des photos des victimes étaient également alignées dans les rues.
Yves Imbeault tenait une pancarte avec une photo de sa fille Joanie, assassinée en juin. Selon la police, son partenaire l'aurait tuée avant de se suicider.
«Ce qui se passe est vraiment injuste, mais la compassion des gens nous donne la force dont nous avons besoin pour continuer à nous battre», a-t-il lancé. «Nous ne pouvons pas rester les bras croisés alors que chaque année, le nombre de cas de féminicide augmente.»
Récidiviste
La mort de Gabie Renaud serait le 14e féminicide au Québec cette année.
Nancy Boucher, qui a déjà fréquenté Jonathan Blanchet, décrit leur relation de quatre ans comme toxique, affirmant avoir été agressée physiquement à plusieurs reprises pendant cette période.
L'homme a été arrêté à plusieurs reprises et a finalement purgé plus de trois ans de prison.
Stéphanie Girard, qui participait à la marche, dit avoir également eu une relation avec Jonathan Blanchet. Cette fois-ci, il y a environ dix ans. «Je l'ai fait arrêter, et d'autres l'ont également fait arrêter, mais aucune loi n'était assez sévère pour lui», a-t-elle dit.
«Cela ne s'arrête jamais. À l'heure où nous parlons, des femmes sont battues et ont peur de le signaler parce que la loi n'est pas là pour nous protéger.»
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La sœur de Gabie estime que les condamnations auraient dû être un signe d'alerte clair.
«Nancy disait que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne tue une femme», a-t-elle ajouté. «Le système judiciaire est défaillant. La durée de leur séjour en prison et le suivi ne sont tout simplement pas suffisants.»
Elle affirme que le profond besoin d'amour de sa sœur la rendait plus vulnérable à se retrouver piégée dans une relation abusive avec quelqu'un «qui profite des femmes et les manipule».
En souvenir de Gabie
À la tête du défilé, Rachel Renaud explique que l'événement avait pour but d'honorer la vie de Gabie et de s'assurer que sa mort n'ait pas été vaine.
«Si nous marchons ensemble, nous avons plus d'impact», a-t-elle indiqué. «Je ne peux pas y arriver seule. Nous avons besoin les uns des autres. Les familles des autres victimes, et tout le monde en fait, doivent élever la voix pour dénoncer la violence conjugale.»
Les sœurs ont connu une tragédie très tôt, perdant leurs deux parents qui se sont suicidés alors qu'elles étaient encore enfants.
Leur mère est décédée la première, suivie de leur père trois ans plus tard. Rachel avait 10 ans et Gabie 13 ans.
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«Elle n'était pas seulement ma sœur. Elle était tout pour moi», a-t-elle confié en larmes. «Elle était la dernière personne qui me restait de notre famille.»
Les deux enfants de Gabie «étaient sa raison de vivre», selon la soeur.
Rachel Renaud décrit sa sœur comme une force de la nature, pleine d'énergie et d'ambition, avec tant de choses qu'elle voulait accomplir.
Elle et d'autres militants réclament des mesures concrètes, notamment des lois plus sévères pour les récidivistes et un suivi plus strict après leur libération.
Mme Renaud estime que la prévention doit également faire partie de la solution. «Nous devons commencer par l'éducation des jeunes garçons», a-t-elle lâché. «Nous devons commencer dès maintenant, car nous ne pouvons plus attendre. Ça suffit.»


