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La Cour supérieure a accordé un répit de dix jours aux personnes vivant en situation d'itinérance habitant le campement de tentes situé sous l'autoroute Ville-Marie, à Montréal.
La Cour supérieure a accordé un répit de dix jours aux personnes vivant en situation d'itinérance habitant le campement de tentes situé sous l'autoroute Ville-Marie, à Montréal.
Dans son injonction, rendue mardi, la juge Chantal Masse a ordonné au ministère des Transports d'arrêter le démantèlement du campement et d'éviter tout contact avec ses habitants.
Québec doit aussi travailler de concert avec la Clinique juridique itinérante (CJI), soit l'organisme qui a demandé l'injonction en mars.
Le directeur de la CJI, Donald Tremblay, a fait valoir que certains résidants y vivent depuis des années. Selon lui, le jugement suggère que les droits des habitants seraient bafoués s'ils étaient évincés, «entre autres le droit à la vie et à la sécurité».
La juge a estimé que «pour l'instant, la balance des inconvénients favorisait les campeurs sous l'autoroute, parce qu'il y avait une atteinte à leur vie ici, et le gouvernement n'a pas fait la preuve que retarder l'exécution des travaux mettait en péril tout le projet», a-t-il soutenu.
Le ministère des Transports a déterminé que l'autoroute doit faire l'objet de réparations majeures qui devaient débuter et septembre 2022 et être complétées en 2025.
La communauté a reçu un premier avis d'expulsion en novembre, mais le ministère a remis le démantèlement à une date indéterminée dans le but de trouver une solution. Quand aucune ne s'est présentée, l'éviction a été prévue pour le 12 avril. Puis, en mars, les résidants ont reçu un avis verbal selon lequel le campement serait défait d'ici la fin du mois.
Karine Lacoste vit avec la toxicomanie et habite dans le camp depuis un an. Elle a expliqué qu'environ 20 résidants n'ont nul autre endroit où aller et tenteront de retourner sur les lieux si on les évince.
«Je me sens en sécurité ici, nous sommes comme une grande famille (...), un refuge nous donne des couvertures en hiver, des cigarettes, de la nourriture et des vêtements, a-t-elle confié lors d'une entrevue vendredi.»
Elle a fait valoir qu'il sera difficile pour les résidants de survivre sans le réseau de soutien de la communauté qui s'est créée sous l'autoroute Ville-Marie. L'un de ses amis, a-t-elle dit, y vit depuis sept ans et a une conjointe enceinte.
David Chapman, le directeur général du refuge Résilience Montréal, situé à deux blocs du campement, a indiqué que les membres de la communauté ont peu d'options pour se relocaliser ― même temporairement ― à cause de leur situation complexe et précaire.
Par exemple, les refuges séparent les couples par genre, donc ils ne peuvent pas passer la nuit ensemble. Ils n'acceptent pas les animaux de compagnie, et il est interdit de consommer de la drogue ou de l'alcool dans l'établissement.
«Résilience Montréal a offert au gouvernement du Québec et au ministère des Transports un plan de relocalisation où nous aurions placé les gens dans un motel pour quelques mois, en attendant de trouver des appartements qui répondraient à chacun de leurs besoins individuels, mais jusqu'à présent, la proposition a été ignorée», a déploré M. Chapman.
Des documents de la Cour montrent que le procureur général a fait valoir que ni le ministère des Transports ni le gouvernement provincial ne sont responsables d'endosser le coût pour relocaliser les résidants du campement.
Le ministère a aussi dit à la Cour que retarder le début des travaux entraînerait des complications significatives et des risques inacceptables.
Le ministère des Transports a affirmé jeudi qu'il ne commenterait pas l'injonction, comme le dossier est encore devant les tribunaux.
«Nous invitons le gouvernement à négocier afin de loger ces personnes, a soutenu M. Tremblay. Jusqu'à présent, le gouvernement refuse de bouger pour trouver une solution humaine pour ces gens-là. Mais on espère que le gouvernement va entendre raison. Ils ont une responsabilité étatique, et encore plus pour des personnes qui sont parmi les plus démunies du Québec.»
Quand les dix jours de sursis seront écoulés, il compte retourner devant les tribunaux pour demander une prolongation de l'injonction.
«Ils nous donnent dix jours, mais j'espère qu'ils nous en donneront plus parce que ce n'est pas facile. Je me sens en sécurité ici. Si nous allons dans un nouvel endroit, ce sera très dur», a témoigné un homme habitant le campement depuis plusieurs années qui a souhaité conserver l'anonymat.
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a déclaré aux journalistes mercredi que la Ville ne considère pas que dormir dans une tente est une solution, ajoutant que ceux qui vivent dans une situation d'itinérance ont besoin d'avoir accès à des ressources dans la dignité.
Elle a toutefois reconnu que la ville est aux prises avec un manque de logements et a demandé plus de logements sociaux.