Justice

Une famille prise dans une fusillade avec la police poursuit le SPVM et Montréal

La famille allègue que les policiers ont «agi de manière négligente et téméraire» à leur égard

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La famille prise dans une fusillade avec la police revient sur les événements La famille prise dans une fusillade avec la police revient sur les événements

Une famille, prise dans une fusillade entre le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et un suspect armé l'an dernier, poursuit la Ville et les membres des forces policières, alléguant des traitements inhumains ayant causé un traumatisme durable.

Houssam Abdallah et sa famille affirment vivre un cauchemar depuis que lui et l'un de ses fils ont été pris entre deux feux devant leur domicile il y a un an.

Dans une poursuite civile déposée lundi devant la Cour supérieure du Québec, ils allèguent que les policiers présents sur les lieux ont «agi de manière négligente et téméraire» à leur égard. M. Abdallah a été atteint de six balles lors de la fusillade et est maintenant handicapé à vie, tandis que son fils de 18 ans, Abdel-Rahman, a reçu une balle dans le dos.

«J'avais l'impression de flotter dans un nuage de douleur et de froid alors que mon sang chaud ruisselait pour créer une image sombre au sol», a décrit le père de la famille aux journalistes lors d'une conférence de presse lundi matin. «Allais-je vivre ou mourir?»

En larmes, il a expliqué que c'était la voix de son fils, allongé à ses côtés et le suppliant de ne pas mourir, qui l'avait poussé à lutter pour survivre.

La famille réclame près de 6,5 millions $ en dommages et intérêts à la Ville et aux policiers impliqués.

La Ville de Montréal et le SPVM ont refusé de commenter l'affaire en raison de la poursuite judiciaire.

Pris entre deux feux

La fusillade a eu lieu le 4 août 2024 à Dollard-des-Ormeaux, dans l'agglomération de Montréal. Selon la poursuite, plusieurs membres de la famille Abdallah revenaient d'un séjour de camping et déchargeaient leur voiture lorsqu'ils ont été pris au milieu d'une course-poursuite policière.

Le suspect armé, Nackeal Hickey, 26 ans, aurait tenté de voler la voiture des Abdallah avant de tirer sur les policiers, qui ont riposté. La poursuite indique qu'une quarantaine de coups de feu ont été tirés.

Houssam Abdallah, âgé de 52 ans à l'époque, a tenté de protéger ses enfants et a été touché au bras, à l'épaule, à la jambe, à la hanche et à la base de la colonne vertébrale avant de s'effondrer. Une autre balle a atteint son fils Abdel-Rahman à deux millimètres de la colonne vertébrale, selon la plainte.

Après la fusillade, les deux hommes ont été laissés au sol sans soins médicaux pendant près d'une heure, puis ont été arrêtés et menottés «sans aucune justification ou explication», a fait savoir l'avocate de la famille, Virginie Dufresne-Lemire, aux journalistes.

Les menottes de M. Abdallah n'ont été retirées dans l'ambulance que sur l'insistance des ambulanciers, a-t-elle précisé.

Après la fusillade, le père a été hospitalisé pendant 35 jours et continue aujourd'hui de recevoir des soins médicaux quotidiens, selon la plainte. Il peut désormais marcher à l'aide d'un déambulateur, mais a besoin d'aide pour manger, se déplacer et maintenir son hygiène personnelle. Il vit désormais avec un sentiment persistant d'humiliation, de tristesse et de découragement, selon la plainte.

Houssam Abdallah ne peut plus travailler et sa femme s'occupe désormais en grande partie de lui, a raconté Imane Melab, autre avocate de la famille.

Quant aux enfants, a ajouté l'avocate, ils portent désormais un fardeau qui ne leur appartient pas, assumant des responsabilités parentales qu'aucun enfant ne devrait avoir à assumer.

La plainte affirme que le couple et leurs quatre enfants ont été traumatisés par l'incident, qui a bouleversé leur quotidien. 

«Je cherche encore les mots justes pour décrire cette dernière année. Horrible, terrifiante, traumatisante, démoralisante, déchirante, confuse, effrayante, révoltante, stressante…», a déclaré Jana, la fille adulte de la famille Abdallah, aux journalistes.

Le plus jeune enfant, qui n'avait que neuf ans lorsqu'il a été témoin de la fusillade, vit dans un état d'anxiété constante et est incapable de s'endormir seul, décrit la plainte.

Usage excessif de la force

La famille allègue que les policiers ont fait un usage excessif de la force lors de la fusillade et n'ont pas pris les précautions élémentaires pour assurer la sécurité des civils. La poursuite allègue également que la police a violé les droits fondamentaux de la famille, notamment en menottant M. Abdallah et son fils après qu'ils aient été blessés par balle.

Me Dufresne-Lemire a souligné qu'il est probable que les balles qui ont atteint les deux hommes aient été tirées par des policiers. 

Les procureurs ont porté 15 chefs d'accusation contre Nackeal Hickey, dont quatre chefs de tentative de meurtre, mais la poursuite précise qu'il n'a pas été inculpé en lien avec les coups de feu tirés sur M. Abdallah ou son fils.

Cependant, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a annoncé en juin qu'il ne porterait pas d'accusations contre des policiers montréalais dans cette affaire, à la suite d'une enquête menée par l'organisme de surveillance de la police de la province.

La famille n'a reçu aucune information sur l'affaire de la part de la police de Montréal ou du BEI, a déclaré Me Dufresne-Lemire.

Mostafa Mamdouh, un ami et ancien voisin de la famille Abdallah, a dit croire que la forte population immigrante du quartier a joué un rôle dans la réaction de la police. Houssam Abdallah est d'origine libanaise.

«Si cela se produisait dans une autre ville (…) avec des gens riches, la police ferait-elle la même chose? Tirerait-elle sur tout le monde comme ça? a-t-il demandé. Je suis sûr, à 100 %, que la réponse est non.»

M. Mamdouh a confié qu'Houssam Abdallah avait pu lui rendre visite à son domicile pour la première fois depuis l'accident ces dernières semaines, mais qu'il était «brisé» par le traumatisme.

«Quand nous sommes arrivés au Canada, nous pensions que le Canada était un pays respectueux, a-t-il dit. Mais cela (…) pourrait arriver à n'importe lequel d'entre nous. Qui peut garantir que cela ne m'arrivera pas maintenant? À n'importe lequel d'entre nous maintenant?»