Le gouvernement fédéral souhaite modifier ses lois en matière d'immigration pour pouvoir aisément annuler le permis de séjour de certains migrants, de même que suspendre la possibilité de faire certaines demandes pour demeurer au Canada.
Tout un volet est dédié à l'immigration dans le projet de loi déposé mardi par le ministre de la Sécurité publique, Gary Anandasangaree, visant à renforcer la sécurité à la frontière.
Cela survient dans le contexte où le président américain Donald Trump fait pression depuis des mois pour qu'Ottawa prenne des mesures pour contrer le flux de migrants vers le sud, au même titre que ses demandes quant au trafic de drogues.
«Bien sûr, il y a des éléments (du projet de loi) qui vont renforcer la relation avec les États-Unis», a dit le ministre Anandasangaree après avoir présenté la proposition législative en Chambre.
Il s'est empressé d'ajouter que tout n'est pas «à propos des États-Unis». «C'est aussi pour s'assurer que (...) l'intégrité de notre système d'immigration est renforcée», a-t-il notamment mentionné.
Dans le projet de loi C-2, des dispositions visent à donner le pouvoir au gouvernement, «s’il estime que l’intérêt public le justifie», d'«annuler ou modifier des visas de résident permanent ou temporaire, des permis de travail, des permis d’études, des permis de séjour temporaire, des autorisations de voyage électroniques, des cartes de résident permanent ou tout autre document» d'immigration.
Cela peut être fait «en masse» ou, en d'autres mots, pour une série de demandes similaires, peut-on lire dans un document d'information détaillant les mesures.
Cette mesure vise à répondre à de potentielles crises ou des cas massifs de fraude, ont expliqué des responsables gouvernementaux dans une séance d'information technique.
De plus, les demandes d'asile déposées plus d'un an après qu'un potentiel réfugié eut mis les pieds au Canada seront, si le projet de loi est adopté, jugées inadmissibles pour être transférées à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, normalement chargée d'évaluer ces requêtes (CISR)
Il en irait de même pour les demandes d'asile formulées 14 jours après qu'une personne est arrivée irrégulièrement au Canada, par voie terrestre. Cela vise à colmater ce qui était vu comme une brèche dans l'Entente sur les tiers pays sûrs, a confirmé le ministre de l'Approvisionnement, Joël Lightbound, qui accompagnait M. Anandasangaree.
Le Bloc québécois était de ceux qui dénonçaient cette brèche, qui, selon le parti, incitait les migrants à se cacher pendant 14 jours et stimulait des réseaux de passeurs.
«L’idée, c’est qu’on mette fin à l’utilisation, disons, de ce contournement où certains allaient entrer de manière irrégulière à la frontière, allaient attendre 14 jours, présenter leur demande par la suite. Ça agit aussi comme (…) un désincitatif», a soutenu le ministre Lightbound.
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Il a insisté sur l'«évaluation de risques» qui serait faite avant chaque renvoi de migrant, c'est-à-dire que le gouvernement serait tenu de déterminer si la vie de chaque personne est menacée dans son pays.
Si la personne risque d'être persécutée, elle peut alors obtenir le statut de réfugié. Toutefois, si ce statut lui est refusé, la personne n'aurait pas la possibilité de contester cette décision de la même façon qu'elle en a la possibilité quand son dossier est examiné par la CISR.
D'autres éléments du projet de loi C-2 donneraient aux autorités canadiennes le pouvoir de s'attaquer à des transactions en espèces de plus de 10 000 $ afin de lutter contre le blanchiment d'argent.
Les corps policiers auraient aussi la possibilité, sans «obstacles», de «fouiller le courrier (...) et mener une enquête criminelle».
Les fournisseurs de services électroniques devraient, par ailleurs, démontrer qu'ils ont l'infrastructure en place pour répondre à des demandes d'information du Service canadien du renseignement de sécurité.
Dans son discours du Trône, le gouvernement de Mark Carney avait promis une législation visant à renforcer la sécurité aux frontières du Canada.
Il s'est aussi engagé à financer de nouveaux outils pour aider les services de police et de renseignement à mettre fin au trafic mortel de fentanyl et de ses précurseurs.
Ottawa a également annoncé que l'Agence des services frontaliers du Canada se verrait attribuer de nouveaux pouvoirs pour examiner les marchandises destinées à l'exportation afin d'empêcher le mouvement de produits illégaux et volés, y compris les voitures.
Les libéraux s'efforcent de convaincre le président américain Donald Trump que le Canada en fait assez pour sécuriser la frontière canado-américaine.
M. Trump a invoqué le fentanyl et la migration irrégulière pour justifier l'imposition de droits de douane sur les produits canadiens importés aux États-Unis.
Les ministres Anandasangaree et Lightbound n'ont pas voulu s'avancer, mardi, à savoir si les mesures annoncées mardi seraient selon eux suffisantes pour faire reculer M. Trump sur le front tarifaire.
M. Anandasangaree a fait savoir qu'il s'entretiendrait en après-midi avec Tom Homan, le «tsar» des frontières nommé par la Maison-Blanche.
- Avec des informations de Jim Bronskill

