Un juge fédéral a rejeté la contestation judiciaire de la décision du premier ministre Justin Trudeau de proroger le Parlement, concluant que le premier ministre n'avait pas outrepassé les limites de son autorité.
Deux Néo-Écossais avaient demandé à la Cour fédérale de déclarer illégale la suspension actuelle du Parlement, parce qu'il doit y avoir une «justification raisonnable» pour mettre ses activités sur pause.
David MacKinnon, d'Amherst, et Aris Lavranos, d'Halifax, demandaient une ordonnance annulant la décision de M. Trudeau, en janvier, de conseiller à la gouverneure générale Mary Simon d'exercer son pouvoir de proroger le Parlement jusqu'au 24 mars.
Les avocats fédéraux, de leur côté, ont fait valoir que les conseils de M. Trudeau à Mme Simon n'étaient pas sujets à examen par les tribunaux et que le jugement final appartenait aux électeurs.
Dans une décision rendue publique jeudi soir, le juge en chef de la Cour fédérale, Paul Crampton, a rappelé que les tribunaux ont un rôle à jouer dans l'examen des conseils et qu'il est important qu'il soit exercé pour maintenir la confiance du public dans les institutions gouvernementales.
Cependant, il a conclu que les requérants n'avaient pas réussi à démontrer que M. Trudeau avait outrepassé les limites établies par la Constitution, les principes constitutionnels ou toute autre limite légale.
Réinitialiser le Parlement
Le 6 janvier, M. Trudeau a retenu ses larmes lorsqu'il a annoncé son intention de démissionner de son poste de premier ministre une fois qu'un nouveau chef libéral serait choisi.
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M. Trudeau a également confirmé que Mme Simon avait accepté sa demande de prorogation du Parlement, effaçant ainsi l'ardoise législative et suspendant les travaux de la Chambre des communes et du Sénat.
Selon lui, cette prorogation allait permettre de réinitialiser le Parlement, qui avait été largement paralysé pendant des mois alors que les conservateurs pressaient les libéraux de remettre des documents liés à des dépenses dans un fonds de technologies vertes.
MM. MacKinnon et Lavranos ont demandé au tribunal d'accélérer l'audition de leur demande de contrôle judiciaire, citant la menace urgente des États-Unis d'imposer des droits de douane élevés sur les marchandises en provenance du Canada.
Ils ont soutenu que la décision de M. Trudeau privait le Parlement de la capacité d'exercer ses fonctions constitutionnelles dans les circonstances «exceptionnelles et impérieuses» posées par la menace tarifaire.
Les requérants ont également fait valoir que les principes constitutionnels non écrits indiquent que le Parlement, et non l'exécutif, est suprême, et que, pour conserver son autorité, le gouvernement doit rester imputable devant le Parlement et conserver sa confiance.
Fardeau
Dans sa décision, le juge Crampton a dit comprendre pourquoi MM. MacKinnon et Lavranos pouvaient trouver troublantes les circonstances entourant la décision de M. Trudeau de demander la prorogation.
Il a ajouté que cela était particulièrement vrai dans un contexte plus large où le pouvoir exécutif s'est de plus en plus éloigné du pouvoir législatif en concentrant le pouvoir au sein du conseil des ministres et du cabinet du premier ministre.
Toutefois, les requérants avaient le fardeau de démontrer que la décision du premier ministre, considérée dans son intégralité, excédait la portée de son autorité, a-t-il noté.
«Ils n'ont pas réussi à s'acquitter de ce fardeau», a-t-il tranché.
Le juge Crampton a estimé que les requérants n'avaient pas prouvé leur allégation selon laquelle la décision de M. Trudeau faisait partie d'un stratagème conçu spécifiquement pour interrompre les travaux du Parlement et contrecarrer l'intention déclarée publiquement par une majorité de la Chambre des communes de présenter une motion de censure contre le gouvernement.
À son avis, MM. MacKinnon et Lavranos n'ont pas établi à quel moment, le cas échéant, un vote de censure aurait probablement eu lieu en l'absence de la décision de M. Trudeau. Ces derniers ont également concédé, lors de l'audience du mois dernier, que le gouvernement bénéficiait de la confiance de la Chambre à ce moment-là.
Au service du PLC
Les requérants ont allégué que la décision de M. Trudeau avait été prise «au service des intérêts» du Parti libéral du Canada, qui entamait alors le processus de sélection d'un nouveau chef.
Le juge Crampton a soulevé que plusieurs autres raisons avaient été avancées pour justifier la prorogation du Parlement et qu'il n'était pas possible de les dissocier de possibles raisons partisanes.
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Il a déterminé que ces autres raisons concernaient soit les travaux du Parlement, soit ce qui semble être la vision du premier ministre de l'intérêt public, et qu'il n'appartenait pas à la Cour de remettre en question le bien-fondé de ces motifs.
Le juge Crampton a souligné qu’en tranchant cette question, il était conscient de l’importance que la Cour suprême accorde aux tribunaux pour qu’ils s’abstiennent de toute ingérence indue dans les autres pouvoirs du gouvernement.

