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Un juge estime que l'administration Trump a procédé à des expulsions idéologiques

Les plaignants ont salué la décision.

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Le président Donald Trump s'exprime dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, mardi 30 septembre 2025, à Washington. Le président Donald Trump s'exprime dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche, mardi 30 septembre 2025, à Washington. (Alex Brandon/Associated Press)

L'administration Trump a violé la Constitution en ciblant des citoyens non américains et en les expulsant uniquement parce qu'ils soutenaient les Palestiniens et critiquaient Israël, a déclaré mardi un juge fédéral. Il a rendu une décision cinglante critiquant directement et vivement le président Donald Trump et ses politiques, les qualifiant de graves menaces à la liberté d'expression.

Le juge de district américain William Young, à Boston, s'est dit d'accord avec plusieurs associations universitaires que la politique qu'elles qualifiaient d'expulsion idéologique violait le Premier Amendement ainsi que la Loi sur la procédure administrative, une loi régissant l'élaboration et la publication des réglementations par les agences fédérales. M. Young a également jugé cette politique «arbitraire ou capricieuse, car elle revient sur une politique antérieure sans justification».

«Cette affaire – peut-être la plus importante jamais portée devant ce tribunal de district – pose clairement la question de savoir si les citoyens non américains en situation régulière aux États-Unis bénéficient réellement des mêmes droits à la liberté d'expression que nous tous. La Cour répond sans équivoque à cette question constitutionnelle par “oui”», a écrit le juge Young, nommé par le président républicain Ronald Reagan.

Le département de la Sécurité intérieure n'a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires.

Les plaignants ont salué la décision. «La tentative de l'administration Trump d'expulser des étudiants en raison de leurs opinions politiques constitue une atteinte à la Constitution et une trahison des valeurs américaines», a déclaré Todd Wolfson, président du syndicat de l'Association américaine des professeurs d'université. 

«Ce procès a révélé leur véritable objectif: intimider et réduire au silence quiconque ose s'opposer à eux. Si nous ne ripostons pas, la police de la pensée de Trump ne s'arrêtera pas aux voix propalestiniennes: elle s'en prendra à quiconque s'exprime.»

La décision a été rendue à l'issue d'un procès au cours duquel les avocats des associations ont présenté des témoins attestant que l'administration Trump avait lancé une action coordonnée pour cibler les étudiants et les universitaires ayant critiqué Israël ou manifesté de la sympathie pour les Palestiniens.

«Depuis l'ère McCarthy, les immigrants n'ont jamais été la cible d'une répression aussi intense pour des propos politiques légaux, a fait valoir Ramya Krishnan, avocate principale au Knight First Amendment Institute, au tribunal. Cette politique crée un climat de peur au sein des communautés universitaires et est en contradiction avec le Premier Amendement.»

Les avocats de l'administration Trump ont cité des témoins attestant de l'absence de politique d'expulsion idéologique, contrairement à ce que prétendaient les plaignants.

«Il n'existe aucune politique de révocation de visas sur la base de la liberté d'expression, a soutenu Victoria Santora au tribunal. Les preuves présentées lors de ce procès démontreront que les plaignants ne contestent rien d'autre que l'application des lois sur l'immigration par le gouvernement.»

Des rapports sur 200 manifestants

John Armstrong, haut fonctionnaire du Bureau des affaires consulaires, a témoigné que les révocations de visas étaient fondées sur une législation sur l'immigration en vigueur depuis longtemps. M. Armstrong a reconnu avoir joué un rôle dans la révocation des visas de plusieurs militants de premier plan, dont Rumeysa Ozturk et Mahmoud Khalil, et a reçu des notes de service approuvant leur expulsion.

M. Armstrong a également insisté sur le fait que les révocations de visas ne reposaient pas sur la liberté d'expression et a rejeté les accusations selon lesquelles il existait une politique visant à cibler des personnes en raison de leur idéologie.

Un témoin a déclaré que la campagne ciblait plus de 5000 manifestants propalestiniens. Sur les 5000 noms examinés, les enquêteurs ont rédigé des rapports sur environ 200 d'entre eux qui auraient potentiellement enfreint la loi américaine, a témoigné Peter Hatch, de l'unité d'enquête de la sécurité intérieure du Service de l’immigration et des douanes des États-Unis (ICE). 

Jusqu'à cette année, a précisé M. Hatch, il ne se souvenait pas qu'un étudiant manifestant ait fait l'objet d'une demande de révocation de visa.

Parmi les personnes concernées par les rapports figurait Khalil, militant palestinien et diplômé de l'Université Columbia, libéré le mois dernier après 104 jours de détention dans un centre fédéral de détention pour immigrants. Khalil est devenu un symbole de la répression des manifestations par Donald Trump.

Ozturk, étudiante à l'Université Tufts, a également été libérée en mai à la suite de six semaines de détention après avoir été arrêtée dans une rue de la banlieue de Boston. Elle a dit avoir été illégalement détenue à la suite d'une tribune qu'elle avait coécrite l'année dernière et qui critiquait la réponse de son université à la guerre à Gaza.

Trump «approuve» la suppression de la liberté d'expression

Le juge Young a accusé la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, le secrétaire d'État, Marco Rubio, et leurs agents d'avoir abusé de leurs pouvoirs pour cibler les non-citoyens propalestiniens afin de les réduire au silence et, ce faisant, de «priver intentionnellement ces personnes (y compris les plaignants ici) de la liberté d'expression à laquelle elles ont droit».

«De plus, l'effet de ces procédures d'expulsion ciblées continue de paralyser la liberté d'expression de manière inconstitutionnelle à ce jour», a-t-il ajouté.

M. Young a également critiqué M. Trump dans sa décision de 161 pages, suggérant qu'il soutenait cette politique, même s'il n'en avait peut-être pas autorisé la mise en œuvre. «Les faits prouvent que le président lui-même approuve une suppression de la liberté d'expression véritablement scandaleuse et inconstitutionnelle» de la part de deux de ses principaux secrétaires de cabinet, a-t-il écrit.

Il a aussi utilisé cette décision pour s'en prendre à la tentative plus large du président Trump d'étouffer la dissidence et d'attaquer quiconque est en désaccord avec lui. Il a commencé sa décision par les mots «Trump a des grâces présidentielles et des chars. Qu'avez-vous ?», inscrits en haut de la première page. 

Le juge Young a ensuite décrit M. Trump comme quelqu'un qui ignore «la Constitution, nos lois civiles, nos règlements, nos mœurs, nos coutumes, nos pratiques et nos politesses».

«Maintenant qu'il est notre président dûment élu à l'issue d'une élection complète et équitable, il bénéficie non seulement d'une large immunité de responsabilité personnelle, mais il est également prêt à déployer toutes les ressources de la nation pour contrer toute obstruction, a-t-il écrit. Une perspective décourageante, n'est-ce pas ?»