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Un juge a dépassé ses compétences en critiquant une loi linguistique, tranche la Cour

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1c1670f150cbc40bca95317ef524b94b7ea96dcd1eb759f98221be78fa695769.jpg Façade de l'édifice de la Cour d'appel du Québec, à Montréal, le 29 mars 2025. LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes ( LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes)

La Cour d'appel du Québec affirme qu'un juge de la Cour provinciale a outrepassé sa compétence en déclarant inconstitutionnelle une partie de la loi linguistique de la province.

En mai 2024, le juge Denis Galiatsatos de la Cour provinciale a soulevé la question de sa propre initiative alors qu'il supervisait une affaire impliquant une femme accusée de négligence criminelle ayant causé la mort d'un cycliste. La femme avait demandé que le procès se déroule en anglais.

L'article 10 de la Charte de la langue française stipule qu'une traduction française des décisions judiciaires doit être mise à disposition «immédiatement et sans délai».

Le procès en question a commencé deux jours après l'entrée en vigueur de la loi, en juin 2024.

Le juge Galiatsatos avait alors déclaré que la loi retardait systématiquement le prononcé des verdicts rendus en anglais en raison de l'exigence de traduction française. Dans une décision procédurale rendue avant le procès, il a déclaré la disposition inopérante.

Sa décision a été infirmée par la Cour d'appel. Dans une décision écrite datée du 8 août, trois juges ont convenu à l'unanimité que les actions du juge Galiatsatos, en lançant le débat, outrepassaient sa compétence.

«Peut-être y avait-il ici matière à un débat constitutionnel en bonne et due forme sur l’applicabilité de l’article 10 [de la Charte] en matière criminelle. On peut légitimement se le demande, a statué la Cour. Mais amorcer, conduire et résoudre ce débat, unilatéralement et par anticipation, comme le juge a tenté de le faire ici, outrepassait largement les limites de sa compétence.»

À la suite de la décision initiale du juge Galiatsatos, le procureur général du Québec avait porté l'affaire devant la Cour supérieure pour un contrôle judiciaire, qui a été rejeté en raison de l'absence de préjudice à l'intérêt public dans la décision du juge.

Le procureur général du Québec a ensuite porté l'affaire devant la Cour d'appel, qui a déclaré que « la procédure suivie ici laissait trop à désirer» et qu'un juge ne pouvait se permettre de trancher une affaire de cette manière, «à partir de pures hypothèses, dans un cadre procédural déficient et sans l’éclairage d’un contexte bien documenté.»

Si quelqu'un décide de contester la constitutionnalité de l'article à l'avenir, tout devra être refait correctement, a statué la Cour.

Droits collectifs Québec, un groupe de défense des libertés civiles, a salué la décision. L'organisme défend les droits linguistiques des francophones, notamment dans le cadre des efforts visant à obtenir de la Cour suprême du Canada la traduction des décisions unilingues anglaises rendues avant 1970, année où les décisions ont commencé à être systématiquement traduites en vertu de la Loi sur les langues officielles.

Selon le groupe, la démarche du juge «ne constitue rien de moins qu'un refus judiciaire militant de respecter non seulement la Charte de la langue française, mais aussi les fondements du principe d'impartialité et d'indépendance judiciaires, en se saisissant de la question de la validité constitutionnelle de la Charte elle-même».

Le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, a déclaré jeudi que le gouvernement saluait la décision de la Cour d'appel et qu'elle envoyait un message clair.

«Chaque fois que la Charte sera attaquée ou non respectée, nous la défendrons, a affirmé M. Roberge sur X. Il en va de l’avenir de la langue française et de notre nation.»