Justice

Un homme devra payer une amende de 5000$ pour utilisation abusive de l'IA au tribunal

Jean Laprade a été condamné à payer cette amende après avoir cité des avis d'experts et des jurisprudences qui n'existent pas.

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Le palais de justice vu à Montréal, le lundi 18 août 2025. Le palais de justice vu à Montréal, le lundi 18 août 2025. (Christinne Muschi / La Presse Canadienne)

Un juge de la Cour supérieure du Québec a condamné un homme à payer 5000 dollars pour avoir utilisé de manière abusive l'intelligence artificielle afin de se défendre devant le tribunal.

Jean Laprade a été condamné à payer cette amende après avoir cité des avis d'experts et des jurisprudences qui n'existent pas.

Cette décision est la dernière d'une saga judiciaire qui a débuté en 2019. Elle est liée à une transaction commerciale qui remonte à l'époque où M. Laprade était basé en Guinée.

Il demandait à la Cour du Québec de ne pas approuver une décision rendue en 2021 par la Chambre internationale d'arbitrage de Paris qui lui ordonnait de payer quelque 2,7 millions de dollars pour un avion qu'il affirmait avoir obtenu dans le cadre d'une transaction commerciale.

Cependant, la décision indique que la défense de M. Laprade comprenait plusieurs éléments d'information qui avaient été fabriqués par l'intelligence artificielle, notamment des citations et des décisions inexistantes.

La Cour du Québec a confirmé la décision à son encontre et lui a ordonné de payer une amende supplémentaire de 5000 $ pour utilisation abusive de l'intelligence artificielle.

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«Bien que la Cour soit sensible au fait que M. Laprade avait l'intention de se défendre au mieux de ses capacités en utilisant l'intelligence artificielle, son comportement reste hautement répréhensible», a écrit le juge Luc Morin dans la décision datée de fin septembre. «Il doit supporter seul tout le discrédit résultant des citations ''hallucinées'' par l'intelligence artificielle sur lesquelles il s'est appuyé pour générer sa contestation.»

Le juge a également souligné la nécessité de mettre fin à la saga judiciaire de M. Laprade, qui s'étend sur six ans, trois continents et «contient plusieurs éléments dignes d'un scénario de film à succès».

Selon la décision, M. Laprade a reçu trois hélicoptères et un avion après la fin de la transaction commerciale en Guinée. Cependant, une erreur dans le contrat lui a attribué un avion beaucoup plus précieux que celui convenu, que Laprade a été accusé d'avoir «détourné» vers le Québec.

Laprade s'est constamment opposé aux efforts de deux compagnies aériennes pour récupérer l'avion, qui se trouve à l'aéroport de Sherbrooke sous le coup d'une ordonnance de saisie.

Mais le centre d'arbitrage de Paris s'est prononcé contre lui en 2021, et ses appels ont été rejetés.

Les documents présentés par M. Laprade au tribunal comprenaient «huit cas de citations inexistantes, de décisions non rendues, de références sans objet et de conclusions incohérentes», selon la décision.

Selon la décision, M. Laprade s'était excusé pour le fait que les documents n'étaient «probablement pas parfaits», mais qu'il n'aurait pas pu se défendre correctement devant le tribunal sans l'intelligence artificielle.

Le  juge Luc Morin a fait savoir dans sa décision qu'il n'était pas opposé à l'intelligence artificielle, qu'il reconnaissait comme étant là pour rester.

«De plus, toute mesure technologique susceptible de favoriser l'accès des citoyens au système judiciaire devrait être accueillie favorablement et supervisée plutôt que d'être interdite et stigmatisée», a-t-il écrit.

Toutefois, il a indiqué que M. Laprade restait responsable des documents qu'il soumettait au tribunal.

«Une interprétation généreuse de son comportement amène le tribunal à conclure qu'il a fait perdre du temps à plusieurs intervenants, à l'avocat des requérants et au tribunal en premier lieu», a-t-il ajouté. «Une interprétation plus sévère aurait pu amener la cour à conclure que M. Laprade a sciemment tenté de tromper la cour, une infraction qui se situe à l'autre extrémité du spectre des infractions procédurales graves.»

La décision a confirmé que Laprade devait verser près de 2,7 millions de dollars à deux compagnies aériennes pour la perte de jouissance de l'avion saisi. Morin a également confirmé que les plaignants pouvaient récupérer l'avion.