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Elon Musk a toujours assuré vouloir faire de Twitter la «place publique numérique de l'humanité», où la liberté d'expression règne.
Twitter va-t-il faire concurrence à la chaîne américaine Fox News? Des commentateurs de droite ont rejoint la plateforme à l'oiseau bleu, mais le lancement chaotique de la campagne du républicain Ron DeSantis sur le réseau social mercredi renforce les arguments contre cette évolution du service.
Le gouverneur de Floride avait choisi Twitter pour son premier événement en tant que candidat à l'investiture républicaine - une discussion en direct avec Elon Musk, sur un salon audio de la plateforme.
Mais l'émission, suivie par plusieurs centaines de milliers de personnes, n'a commencé qu'après 20 minutes de bribes de voix et coupures, suscitant de nombreux commentaires et moqueries.
«Un désastre. Il a tué l'oiseau», a tweeté Jason Kint, le patron d'une association professionnelle de médias numériques, au sujet du patron de Telsa qui a racheté Twitter en octobre dernier.
«Il ne peut pas faire de la qualité. Il ne peut pas faire un média de masse. Il n'a pas les données. Profitez-bien du silence, chers annonceurs», a-t-il ajouté.
Fox News, qui recevait dans la foulée l'élu républicain, a diffusé ce bandeau publicitaire: «vous voulez voir et entendre vraiment Ron DeSantis? Allumez Fox News à 20H».
Pour Elon Musk et le modérateur David Sacks, un homme d'affaires républicain, cette conversation «historique» a été un succès.
«C'est formidable pour les gens de pouvoir écouter directement un candidat présidentiel (...) de façon non scriptée, authentique», a conclu le dirigeant.
Ses prises de position provocatrices et le retour de nombreuses personnalités controversées avaient déjà marqué un tournant à droite de la plateforme, mais elle semble désormais se professionnaliser dans les contenus politiques conservateurs.
Tucker Carlson a ouvert le bal au début du mois. Ce présentateur aux opinions radicales et parfois complotistes réunissait en moyenne 3,3 millions de téléspectateurs en 2022 sur Fox News, soit la meilleure audience dans la grille de soirée des chaînes d'information américaines.
Après son départ il a lancé sa nouvelle émission sur Twitter, «la dernière plateforme au monde qui permette la liberté d'expression».
Quand il poste une vidéo sur le réseau social, «elle est visionnée 80 millions de fois (...) par un public plus jeune», constate Andrew Selepak, professeur des médias à l'université de Floride. «Le choix est vite fait, surtout si vous cherchez davantage à avoir de l'influence qu'à gagner de l'argent».
Mardi, le site d'information conservateur The Daily Wire a décidé de diffuser ses podcasts sur Twitter, y compris celui de Matt Walsh, un commentateur connu pour ses propos transphobes.
Selon Matt Gertz, chercheur de l'ONG Media Matters, le départ du très emblématique Tucker Carlson de la chaîne conservatrice Fox News «crée un vide (...) et on dirait qu'Elon Musk essaie de supplanter Rupert Murdoch et de devenir le nouveau Fox News».
Le multimilliardaire a toujours assuré vouloir faire de Twitter la «place publique numérique de l'humanité», où la liberté d'expression règne.
En pratique, il n'hésite pas à insulter ceux qui le critiquent et les médias traditionnels, au point que certains sont partis, comme la radio publique nationale NPR.
«Je dis ce que je veux dire et si je perds de l'argent en conséquence, c'est comme ça», a récemment déclaré Elon Musk sur CNBC.
Twitter a été déserté par de nombreux annonceurs et sa valeur a été divisée par deux malgré le licenciement de 50 à 75% des employés. Le patron a besoin d'une nouvelle stratégie.
Elon Musk «exploite le modèle qui a si bien réussi avec les talk-shows à la radio et sur Fox News, un écosystème très rentable façonné par les médias conservateurs ces trois dernières décennies», analyse Kathryn Brownell, professeur d'histoire des médias à l'université Purdue.
Mais les contenus, «cela coûte cher et cela nécessite de la crédibilité», remarque Roy Gutterman, professeur de la Syracuse University. «Il faudrait qu'il injecte à nouveau 40 milliards de dollars pour créer "Twitter News" et que ça fonctionne».
Récemment, Elon Musk a débauché Linda Yaccarino de son poste de responsable de la publicité chez NBCUniversal, pour diriger le réseau social.
«C'est contradictoire», juge Matt Gertz. Faire venir Tucker Carlson, The Daily Wire et Ron DeSantis, «cela permet de cultiver une base d'utilisateurs d'extrême droite, pas de gagner de l'argent avec de la publicité».
Sans compter le risque de faire fuir les utilisateurs plus modérés - ou que la conversation tourne en rond.
«L'histoire montre que les réseaux sociaux peuvent mourir de nombreuses manières, mais la plus rapide, c'est l'ennui», assure le journaliste Charlie Warzel dans une tribune du magazine The Atlantic.