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M. Savard-Tremblay, accompagné de son chef de parti, a expliqué que sa formation politique s'est inspirée des réglementations américaines.
Le Bloc québécois met au défi le gouvernement de Mark Carney de donner suite à un engagement libéral d'en faire plus pour s'assurer que les chaînes d'approvisionnement canadiennes soient exemptes de toute marchandise découlant de travail forcé ou de celui d'enfants.
Pour ce faire, le député bloquiste Simon-Pierre Savard-Tremblay a déposé mardi un projet de loi qui, si adopté, permettra au conseil des ministres de désigner une liste de régions du monde qui suscitent des préoccupations à ce chapitre.
Si une marchandise provient d'un endroit apparaissant sur la liste, son entrée au Canada serait systématiquement rejetée par des agents douaniers, refus qui pourrait être annulé seulement si l'exportateur arrive à démontrer que des suivis ont été faits pour s'assurer qu'aucun travail forcé ou d'enfants n'a eu lieu.
M. Savard-Tremblay, accompagné de son chef de parti, Yves-François Blanchet, a expliqué que sa formation politique s'est inspirée des réglementations américaines puisqu'elle estime que cette approche permet de «renverser le fardeau de la preuve».
«Parce que le modèle canadien, à l'heure actuelle, repose sur le douanier (à qui il revient) de trancher s'il y a eu recours ou non au travail forcé, comme si c'était quelque chose qui s'observait à la lampe de poche», a illustré, dans le foyer de la Chambre des communes, celui qui est porte-parole du Bloc en matière de commerce international.
M. Blanchet s'est dit «assez confiant» que la pièce législative proposée puisse cheminer dans un esprit de collaboration entre les différents partis représentés aux Communes, dont les libéraux qui forment le gouvernement.
«Je suis extrêmement confiant que les députés, tous partis confondus, vont se dire ''Ben, c'est évident''. OK, on passera par-dessus le fait que ça n'a pas été fait jusqu'à présent, les agendas ont peut-être été bousculés», a-t-il soutenu.
Le Bloc, de même que le directeur exécutif du Projet de défense des droits des Ouïghours, Mehmet Tohti, qui s'était déplacé pour l'occasion, ont souligné que les libéraux ont promis de prendre des mesures additionnelles pour assainir les chaînes d'approvisionnement canadiennes de tout résultat du travail forcé.
«Le Canada fait marche arrière, ne passe pas de la parole aux actes, ne fait que prétendre de faire quelque chose sans vraiment faire quelque chose», a dit ce dernier.
L'engagement libéral se retrouve dans l'énoncé économique de 2023, celui de 2024 et le dernier budget fédéral à avoir été présenté. Ces documents budgétaires ont tous été déposés sous la gouverne de l'ancien premier ministre Justin Trudeau.
Dans la mise à jour économique de décembre 2024, les libéraux promettaient de déposer un projet de loi et d'apporter d'autres changements législatifs, en plus de créer un nouvel organisme de surveillance.
Mehmet Tohti demande maintenant au gouvernement, cette fois dirigé par Mark Carney, de prendre possession du projet de loi bloquiste pour accélérer son étude et permettre son adoption «le plus tôt possible».
Questionné sur son niveau d'espoir que les troupes de M. Carney accèdent à cette demande, M. Blanchet a répondu être «raisonnablement optimiste».
«Si l’entourage de M. Carney me dit ‘’Oui, mais on pourrait faire ça de même plutôt que comme ça pour que ça aille plus vite’’, on est totalement ouverts d’esprit», a-t-il conclu.
Les projets de loi du gouvernement ont plus de chances d'être priorisés dans l'agenda législatif que ceux qui sont déposés par des partis d'opposition ou par des députés libéraux qui vont de l'avant sur une base individuelle.
Un projet de loi gouvernemental avait été envisagé dès 2022 par celui qui était alors ministre du Travail, Seamus O'Regan, afin de s'attaquer au recours au travail forcé.
L'initiative n'a finalement pas vu le jour sous cette forme, mais le ministre avait endossé un projet de loi de la sénatrice québécoise Julie Miville-Dechêne. Le projet de loi S-211 avait été adopté en Chambre avec le soutien des conservateurs. Les bloquistes et néo-démocrates avaient d'abord appuyé le projet de loi plus tôt dans le courant du processus législatif, mais avaient plus tard préféré une autre pièce législative qu'ils coparrainaient, a signalé le Bloc.
L'approche de S-211 diffère de celle du Bloc, qui estime que la législation ne va pas assez loin. Cette loi oblige notamment des institutions fédérales et autres entités à faire rapport sur les mesures qu'elles prennent contre le recours au travail forcé. Elle ne prévoit pas d'établir de liste de régions qui génèrent des préoccupations et en vertu de laquelle des agents de douane interdiraient l'entrée de marchandises.
C'est après que S-211 est devenu loi, en mai 2023, que l'ex-gouvernement Trudeau a déclaré, en 2024, qu'il comptait «renforcer l’interdiction imposée par le Canada d’importer des biens issus du travail forcé».
Il n'est pas encore clair quelles sont les intentions des troupes de M. Carney sur ce front.
Le bureau de l'actuelle ministre du Travail, Patty Hajdu, a indiqué que le dossier est maintenant piloté par l'équipe d'Affaires mondiales Canada et a transféré une demande de commentaire de La Presse Canadienne au bureau de la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand. Or, l'équipe de celle-ci a ensuite signalé en fin d'après-midi que c'est plutôt le bureau du ministre du Commerce international, Maninder Sidhu, qui répondrait à ces questions. En fin de soirée, aucune réponse n'avait été fournie.
Quoi qu'il en soit, il est clair que des élus libéraux pourraient s'intéresser à la proposition bloquiste puisque des députés d'arrière-ban dans leurs rangs y ont été, au fil des dernières années, de leurs propres propositions.
De même, des élus néo-démocrates ont aussi déposé des projets de loi, tous morts au feuilleton.
Note de la rédaction: dans une dépêche transmise le 21 octobre 2025, La Presse Canadienne écrivait que le projet de loi sénatorial S-211, devenu loi et qui concerne le recours au travail forcé, avait reçu un appui unanime en Chambre. En fait, l'appui n'a été unanime qu'à la 2e lecture en Chambre et non à l'ultime étape de la 3e lecture. En 3e lecture, les libéraux et conservateurs ont voté pour, alors que les bloquistes et néo-démocrates se sont opposés.