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L'entente relative au Traité Robinson-Huron, conclue en 2023, visait à régler les annuités impayées de 21 Premières Nations.
Un juge de la Cour ontarienne a jugé déraisonnables les honoraires de 510 millions $ versés aux avocats ayant travaillé sur une cause relative aux droits issus des traités des Premières Nations, et a ordonné leur réduction à 23 millions $.
«Les honoraires d'un avocat ne sont pas un billet de loterie lui assurant une fortune colossale si ses clients remportent le gros lot», a écrit le juge Fred Myers dans sa décision rendue publique mardi.
L'entente relative au Traité Robinson-Huron, conclue en 2023, visait à régler les annuités impayées de 21 Premières Nations.
Elle a abouti à un règlement de 10 milliards $. Cinq pour cent de cette somme ont été versés aux avocats du cabinet Nahwegahbow Corbiere Genoodmagejig/Barristers & Solicitors qui ont plaidé la cause au nom des Premières Nations.
Les Premières Nations ont affirmé que le fait que la rente de 4 $ par personne n'ait pas été augmentée depuis 1874 constituait une violation du traité, car les projets d'extraction de ressources menés sur leurs terres généraient des profits bien supérieurs à ce que leurs membres recevaient.
Le juge a noté que quinze de ces Premières Nations avaient reçu, dans le cadre du règlement, une somme inférieure à celle perçue par les avocats qui les représentaient.
L'an dernier, les Premières Nations de Garden River et d'Atikameksheng Anishnawbek ont intenté une action en justice contre les honoraires des avocats, les jugeant déraisonnables et affirmant que ces derniers les empêchaient de demander une vérification indépendante du paiement.
Les 19 autres Premières Nations impliquées dans l'affaire n'ont pas explicitement appuyé la requête auprès du tribunal.
Dans sa décision, le juge Myers a écrit que l'équipe juridique avait accompli un excellent travail en plaidant la cause et avait «représenté ses clients avec zèle, résolution, passion et un succès extraordinaire».
Il a toutefois ajouté que leur rémunération était excessive.
«Les avocats en Ontario ont droit à des honoraires justes et raisonnables pour leurs services. Ils ont droit à une rémunération adéquate, conformément à l'entente conclue avec leurs clients, a écrit le juge Myers. Toutefois, les avocats ne sont pas leurs clients. Le recouvrement obtenu dans le cadre d'une poursuite, que ce soit par règlement ou par jugement, appartient aux clients.»
Le juge Myers a également écrit que les avocats du cabinet Nahwegahbow Corbiere Genoodmagejig, détenu par des membres des Premières Nations, ont déconseillé à ces dernières de demander une révision juridique des honoraires s'élevant à 510 millions $.
Le juge a écrit qu'au début de l'affaire, l'avocat David Nahwegahbow avait indiqué aux Premières Nations qu'elles devraient trouver de nouveaux avocats pour les représenter si aucun accord sur les honoraires n'était conclu.
Il a également indiqué que, alors que les discussions concernant les honoraires s'intensifiaient après le règlement de 2023, l'avocate Dianne Corbiere a averti les Premières Nations, lors d'une réunion, que les paiements à leurs communautés seraient retardés si elles sollicitaient un avis externe sur les 510 millions $.
«Mme Corbiere a également indiqué lors de la réunion que, même si les avocats pouvaient avoir des opinions divergentes quant à leurs honoraires, l'équipe juridique était composée de leurs 'membres de la famille' et souhaitait régler la question des honoraires conformément au droit anichinabé», a écrit le juge Myers.
«Mme Corbiere n'a pas mentionné lors de la réunion qu'elle se trouvait en situation de conflit d'intérêts en prétendant conseiller le fonds, les administrateurs et les chefs au sujet de ses propres honoraires et de ceux de son équipe», a-t-il ajouté.
Dans un communiqué, un cabinet d'avocats représentant les avocats de Nahwegahbow Corbiere Genoodmagejig a qualifié la décision de «résultat décevant qui fait écho à des siècles d'attitudes paternalistes envers les Premières Nations» et a déclaré envisager de porter la décision devant les tribunaux.
«Toute suggestion selon laquelle les négociateurs des Premières Nations auraient été naïfs ou induits en erreur est insultante. Les chefs, les aînés et les autres administrateurs impliqués dans cet accord étaient des négociateurs expérimentés qui ont mené des négociations serrées et qui savaient parfaitement ce qu'ils faisaient tout au long de ce litige», a déclaré Brian Gover, du cabinet Stockwoods Barristers.
«Malheureusement, la décision du juge Myers perpétue un discours séculaire selon lequel les Premières Nations seraient incapables de prendre des décisions éclairées pour elles-mêmes», a-t-il expliqué.
M. Gover a poursuivi en expliquant que le litige était «extrêmement complexe et a exigé un travail ardu de toute l'équipe juridique», citant le règlement de 10 milliards $ comme preuve de ce travail, et a averti que cette décision pourrait nuire aux relations entre les avocats et leurs clients.
«Des honoraires juridiques adéquats étaient essentiels pour attirer des avocats prêts à s'engager dans près de 20 ans de litige complexe, malgré de faibles chances de succès», a-t-il écrit, ajoutant que les avocats avaient facturé 65 000 heures de travail sur le dossier et qu'ils avaient proposé de reverser la moitié de leurs honoraires aux communautés, notamment pour la préservation de la langue.
«La décision concernant les honoraires, rendue cette semaine, mettra en péril l'autonomie des décideurs des Premières Nations, au moment même où ils s'efforcent de trouver une solution pour les avantages futurs découlant de la décision de la Cour suprême», a-t-il dit.
Dans un document envoyé aux membres de la communauté et partagé avec La Presse canadienne, Atikameksheng Anishnawbek a salué la décision.
La Première Nation a indiqué que le montant excédentaire des honoraires sera distribué à chacune des 21 Premières Nations signataires du traité.
Certaines Premières Nations ont promis aux membres de la communauté le versement intégral des fonds obtenus, tandis que d'autres ont opté pour une distribution partielle, réservant une partie des fonds au développement communautaire, aux programmes et aux litiges futurs.
Lorsque les deux Premières Nations ont initialement déposé une demande de révision des honoraires d'avocats, les descendants signataires du Traité Robinson-Huron étaient divisés quant à la pertinence de cette démarche.
Scott McLeod, ancien chef de la Première Nation de Nipissing et actuel chef régional de la Nation Anishinabek, a expliqué s'attendre à ce que la décision rendue publique mardi alimente le débat.
M. McLeod, qui a participé au règlement du dossier, a confié à La Presse canadienne que ce fiasco aurait pu être évité si les chefs s'étaient assurés que les honoraires d'avocats convenus étaient justes et raisonnables.
«Il faut aussi comprendre l'immense pression exercée par la communauté sur les dirigeants pour que ce dossier soit réglé et que les fonds soient distribués aux membres, a-t-il ajouté. Ce genre de pression engendre des erreurs, et peut-être n'avons-nous pas eu suffisamment de temps pour bien réfléchir et prendre nos décisions.»
En fin de compte, il impute la responsabilité aux gouvernements provincial et fédéral.
«Si vous affamez une pièce remplie de personnes et que vous y jetez ensuite un peu de nourriture après une longue période, il est très difficile pour ces personnes de prendre des décisions patientes et rationnelles», a-t-il dit.