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Sous-marins: la ministre Mélanie Joly se rend en Corée du Sud pour rencontrer Hanwha

Cette mission à l'étranger intervient alors que le Canada cherche à accélérer ses exportations hors des États-Unis.

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Le premier ministre Mark Carney sourit alors qu'il descend une échelle pour entrer dans un sous-marin lors d'une visite du chantier naval Hanwha Ocean Shipyard sur l'île de Geoje, en Corée du Sud, le jeudi 30 octobre 2025. (Adrian Wyld | La Presse canadienne)

Le premier ministre Mark Carney sourit alors qu'il descend une échelle pour entrer dans un sous-marin lors d'une visite du chantier naval Hanwha Ocean Shipyard sur l'île de Geoje, en Corée du Sud, le jeudi 30 octobre 2025. 

Kongsberg soutient l'allemand ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) dans sa candidature pour remporter ce contrat de plusieurs milliards de dollars visant à construire pour le Canada une nouvelle flotte de sous-marins capables de patrouiller sous la banquise arctique.

«On aime perdre contre le Canada au hockey sur glace. C'est l'un des pays contre lesquels on aime perdre, a plaisanté Kjetil Myhra, vice-président exécutif des systèmes de défense chez Kongsberg. L'adéquation culturelle, le fait d'être des nations arctiques, membres de l'OTAN, il y a tellement de points communs.»

Il a indiqué à La Presse Canadienne que son entreprise avait déjà investi beaucoup d'efforts dans le développement de technologies de surveillance des fonds marins pouvant opérer dans les environnements arctiques. Elle est en pourparlers avec des entreprises canadiennes en vue de partenariats dans des domaines où la Norvège et le Canada partagent des intérêts stratégiques.

Il s'agit d'un élément clé de la stratégie adoptée par TKMS et Kongsberg, ainsi que leurs gouvernements respectifs, pour obtenir ce contrat de sous-traitance: se présenter comme faisant partie d’un groupe de nations et d’entreprises privées construisant ou exploitant les mêmes sous-marins et opérant dans les mêmes environnements.

Autrement dit, ils invitent le Canada à rejoindre un groupe de sous-mariniers capables de contenir les opérations maritimes russes dans les eaux nordiques.

Kongsberg fournit aux sous-marins TKMS 212CD son système de combat, baptisé ORCCA, qui équipera les sous-marins norvégiens et allemands, et également les sous-marins canadiens, si TKMS remporte le contrat.

Le Canada s’efforce de remplacer ses quatre sous-marins vieillissants de classe Victoria d’ici leur mise hors service prévue en 2035. Un seul de ces sous-marins est actuellement opérationnel.

Ottawa souhaite acquérir une nouvelle flotte d’une dizaine de sous-marins auprès d’un fournisseur étranger, après avoir réduit cette année le nombre de candidats à deux entreprises: le sud-coréen Hanwha Oceans et l’allemand TKMS.

Ces derniers jours, les dirigeants de Kongsberg ont multiplié les réunions à Ottawa et à Halifax avec des responsables de la Défense canadienne et ont rencontré des ministres en marge du Forum international de sécurité d'Halifax.

L'un des principaux arguments de vente de Kongsberg repose sur son expérience. Présente au Canada depuis des décennies, l'entreprise exporte des technologies de défense à l'international.

Elle équipe actuellement les destroyers de classe River de la Marine royale canadienne de composants opérationnels essentiels et de missiles de frappe navale. Les responsables de l'entreprise ont indiqué être également en négociations pour l'acquisition de son missile de frappe interarmées destiné aux F-35 que le Canada s'apprête à acheter.

Kongsberg envisage par ailleurs de remettre en état une usine à Terre-Neuve afin d'y fabriquer des simulateurs d'entraînement pour le marché international, sa chaîne de production en Norvège étant saturée.

«Le message que nous souhaitons également transmettre au Canada est le suivant: assurez-vous de bâtir des relations à long terme qui créent des emplois durables au Canada, et non pas une simple collaboration ponctuelle pour un programme spécifique, dont les emplois disparaîtront une fois le programme terminé», a avancé M. Myhra.

Le gouvernement norvégien propose également au Canada les plans de son chantier naval de maintenance dans le cadre de ses efforts de lobbying.

Mélanie Joly en visite en Corée du Sud

De son côté, Hanwha se livre à une concurrence acharnée pour vendre au Canada ses sous-marins KSS-III, des navires plus imposants dont l'entreprise affirme à plusieurs reprises qu'ils pourraient être livrés beaucoup plus rapidement que toute autre offre concurrente.

La ministre de l'Industrie, Mélanie Joly, s'est rendue lundi au chantier naval Geoje de Hanwha et a embarqué à bord du premier sous-marin KSS-III de deuxième série, celui que Hanwha présente à Ottawa.

Mme Joly est en Asie pour cinq jours de rencontres avec de grandes entreprises afin de discuter de la volonté d'Ottawa d'attirer d'importants investissements dans les secteurs de la défense canadiens.

Sa visite survient un mois après celle du premier ministre Mark Carney dans une usine de fabrication de sous-marins de Hanwha en Corée du Sud, et quelques semaines avant la publication prévue de la nouvelle stratégie industrielle de défense du Canada.

Hanwha a par ailleurs conclu de nombreux accords de coopération avec des entreprises canadiennes, dont Babcock Canada et PCL Construction.

Le projet de sous-marins est une priorité absolue pour Ottawa et figure parmi les premiers projets supervisés par l'Agence de l'investissement pour la défense du gouvernement Carney, un nouvel organisme chargé de la gestion des acquisitions militaires importantes.

Le gouvernement fédéral fait progresser le projet à un rythme soutenu pour une acquisition militaire d'une telle envergure et souhaite signer un contrat au plus tard en 2028. Les acquisitions de cette taille prennent généralement des années à finaliser.

Ottawa a transmis confidentiellement les instructions d'appel d'offres aux deux constructeurs de sous-marins le 14 novembre. Le gouvernement canadien a refusé de rendre ces instructions publiques, invoquant des raisons de sécurité nationale.

La porte-parole de Services publics et Approvisionnement Canada, Nicole Allen, a déclaré dans un courriel que les instructions aideront les deux entreprises à «affiner leurs offres, notamment en ce qui concerne la valeur économique et stratégique pour le Canada, les opérations, l'ingénierie et le maintien en condition opérationnelle de la plateforme, les données financières et la passation de marchés».

«Compte tenu de la nature délicate de l'acquisition d'un sous-marin de pointe, les instructions d'appel d'offres ne seront pas rendues publiques dans le contexte de la sécurité nationale et de la souveraineté», a-t-elle ajouté.

Selon une source proche du dossier, l'évaluation des offres par le gouvernement privilégiera principalement la maintenance à long terme des sous-marins.

Cette même source a précisé que le soutien logistique représente la moitié du poids de l'offre, 15 % étant alloués au coût des sous-marins, 15 % aux retombées économiques et 20 % aux capacités opérationnelles des sous-marins.