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SAAQclic: Guilbault et le ministère de Legault au courant de problèmes avant le fiasco

Éric Caire n’est pas le seul à avoir été mis au courant des défaillances du projet.

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Geneviève Guilbault, ministre des Transports, en commission parlementaire d’étude des crédits budgétaires de son ministère, le 2 mai 2023 à l'Assemblée nationale. Geneviève Guilbault, ministre des Transports, en commission parlementaire d’étude des crédits budgétaires de son ministère, le 2 mai 2023 à l'Assemblée nationale. (Assemblée nationale du Québec)

Geneviève Guilbault a maintes fois déclaré qu’à son arrivée en poste comme ministre des Transports en 2022, elle n’était «au courant de rien», comme elle l’a répété après la sortie du rapport dévastateur de la vérificatrice générale sur la débâcle de la transition numérique de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) vers SAAQclic.

La ministre des Transports et le gouvernement Legault, incluant Éric Caire qui était responsable de mener la transition, se sont d'ailleurs scandalisés d’avoir eu à lancer le projet sur la base d’informations incomplètes et inexactes.

Or, ce que La Presse et Le Journal de Montréal nous apprennent ce week-end, c’est qu’autant Mme Guilbault et le conseil exécutif du premier ministre auraient été informés dès novembre 2022, soit trois mois avant le lancement de SAAQclic, qu’il y avait des signaux précurseurs d’une mise en marche chaotique.

Ainsi, il n’y avait pas que M. Caire, ministre de la Cybersécurité et du numérique à l’époque, qui avait été mis au courant des défaillances du projet par l’un des hauts responsables de la mise en place de ce système à la SAAQ, Karl Malenfant. M. Caire a démissionné après la parution d’un témoignage de ce dernier dans Le Devoir.

Non: le président-directeur général de la SAAQ à l’époque, Denis Marsolais, aurait présenté à la ministre Guilbault le même document qui faisait état de plusieurs indicateurs au rouge. Effectivement, Mme Guilbault l’affirmait elle-même en commission parlementaire d’étude des crédits budgétaires de son ministère le 2 mai 2023.

«J'ai commencé à être là-dedans le 20 octobre et en fait le 2 novembre, j'ai eu ma rencontre officielle avec la haute direction de la SAAQ pour me faire présenter le projet», disait alors Mme Guilbault. «J'ai eu une présentation formelle par la haute direction», mentionnait-elle également.

Le conseil exécutif – le ministère de François Legault qui est le principal organe décisionnel du gouvernement – avait également eu une rencontre avec le PDG de la SAAQ, qui a été relevé de ses fonctions après le fiasco. «On avait tous reçu la présentation du plan de déploiement des nouveaux systèmes informatiques», disait Mme Guilbault en mai 2023.

Cependant, le cabinet de M. Legault a affirmé à La Presse que le premier ministre lui-même n’a pas assisté à une telle rencontre et ignore l’identité des dirigeants qui y ont participé.

À VOIR ÉGALEMENT | Fiasco SAAQclic: la CAQ et Éric Caire étaient au courant, martèlent le PLQ et le PQ

Une enquête publique?

Y aurait-il dû avoir intervention et suivi du gouvernement Legault après ce relais d’information de la part de la SAAQ, même si «on nous avait dit que tout était correct», comme le disait Geneviève Guilbault en 2023?

Cette question restait sans réponse dimanche, mais l’opposition réclame une enquête publique. Par exemple, le chef par intérim du Parti libéral (PLQ), Marc Tanguay, a relayé samedi la proposition de son parti de constituer une commission d’enquête publique indépendante «sur le degré de connaissance et d’ingérence politique» dans ce dossier.

Pour le PLQ, il faut «établir clairement toute l’information transmise» et enquêter sur «les circonstances ayant mené à des décisions prises pour «contourner un risque médiatique et politique élevé» dans le lancement de SAAQclic, pour recevoir les recommandations d’une telle commission d’enquête au plus tard en septembre prochain.

De grands dépassements de coûts

Toute cette saga découle de la publication du rapport de la vérificatrice générale Guylaine Leclerc, le 20 février dernier. Augmentation des coûts, enjeux dans les tests... Des risques importants subsistaient peu de temps avant le lancement de la plateforme SAAQclic en février 2023, qui a tourné en véritable fiasco, selon les découvertes de la VG.

Le programme CASA, responsable de mener à terme le vaste chantier de transformation numérique de la SAAQ, a connu de nombreux retards avant la mise en service du nouveau système informatique de la société d'État. Qui plus est, «la direction du programme n’a pas mené les tests nécessaires» avant le lancement de ce dernier.

Lors de sa mise en service, la plateforme SAAQclic a connu son lot de ratés provoquant des files d'attente remarquable devant les succursales. Le ministre Caire avait admis que l'affaire était un «fiasco». M. Caire affirmait pourtant à l'époque que rien ne laissait présager une telle pagaille qui a coûté à elle seule 40 millions de dollars. Il a démissionné jeudi dernier, dans la foulée du rapport de Mme Leclerc.

C’est un budget de 638 millions de dollars étalé sur 10 ans qui avait été attribué au programme CASA lors de son lancement en 2017. On prévoit désormais que celui-ci sera plus dispendieux de 500 millions de dollars en mars 2027.

L’une des principales causes de l’explosion des coûts est la sous-évaluation de la complexité d’un des volets du nouveau système informatique liée aux permis, à l’immatriculation et au contrôle routier, explique-t-on dans le rapport. De plus, l'augmentation de 329 % du budget n'a pas été «clairement communiquée aux décideurs», souligne la VG.

Avec de l'information de Julien Denis pour Noovo Info, ainsi que de La Presse canadienne.