La plateforme transactionnelle SAAQclic, qui a connu d'importants ratés lors de son lancement en 2023, fonctionne désormais «dans la grande majorité des cas», a défendu un dirigeant de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ).
Devant la commission Gallant, mercredi matin, le vice-président aux finances et de l’administration de la SAAQ, Martin Simard, a fait un plaidoyer en faveur du nouveau système informatique. Des millions de personnes ont pu être servies grâce à la plateforme, a-t-il souligné.
«Je ne vous dis pas que vous ne pourriez pas me sortir des cas unitaires de clients pour lesquels actuellement on a encore des problèmes. Mais la plateforme a fonctionné dans la grande majorité des cas», a affirmé M. Simard.
Il ne nie pas non plus que les déboires de SAAQclic lors de ses débuts ont entraîné une perte de confiance dans la population, comme le lui a rappelé le commissaire Denis Gallant.
«J'en suis parfaitement conscient. Par contre, on a réparé la très grande majorité des choses», a rétorqué le haut dirigeant de la société d'État.
Les déboires de la plateforme transactionnelle en février 2023 avaient provoqué de longues files d'attente devant les succursales de la SAAQ, alors que, dans les semaines précédentes, les services avaient été limités afin de convertir des milliards de données.
«Actuellement, la solution fonctionne, les assises sont en place. (...) On a encore des problèmes, mais on n'est plus pantoute à la même place qu'on était au début de 2023», a ajouté M. Simard.
Le dirigeant a ouvert, mercredi, la troisième journée des audiences de la commission enquêtant sur les ratés de la transformation technologique de la SAAQ.
Selon lui, il était nécessaire pour l'organisme public de procéder à un tel virage en raison de la croissance constante du parc automobile et de la clientèle.
«Sans nouvelles technologies, on devrait les servir en personne ces gens-là et à long terme, ça ne serait pas viable. Ça ne deviendrait pas viable financièrement. On avait avantage à investir dans nos technologies», a-t-il soutenu.
M. Simard a aussi évoqué un enjeu de désuétude des anciens systèmes pour expliquer l'objectif d'entreprendre une transformation technologique.
«Pas laissés à nous-mêmes»
Le vice-président à la société d'État a aussi défendu le système de reddition de comptes mis en place au sein de l'organisation, qui implique des acteurs externes.
Il a notamment fait valoir que trois firmes ont jeté un oeil sur le processus d'appel d'offres ou sur l'avancement du projet informatique nommé CASA (Carrefour des services d'affaires), qui inclut SAAQclic.
Durant ce qui est appelé le «dialogue compétitif» avec les différents soumissionnaires, la firme Mallette est «venue s'assurer que tout avait été fait dans les règles de l'art, la transparence», a relaté M. Simard.
La firme Ernst & Young (EY) a, pour sa part, fait «tout le suivi du projet», tandis que PricewaterhouseCoopers (PwC) «est venue refaire une vérification en 2022».
«Donc, on n'est pas laissé à nous-mêmes. Il y a des acteurs externes qui nous regardent», a-t-il soutenu.
Dans son rapport déposé en février dernier, la vérificatrice générale du Québec a remis en doute la reddition de comptes liée au projet. Elle notait, par exemple, que la direction du programme assurait que «le développement se déroulait comme prévu, alors que des retards s’accumulaient et que des problèmes de qualité étaient perceptibles».
Un lien contractuel dénoncé
La «Commission d’enquête sur la gestion de la modernisation des systèmes informatiques de la Société de l’assurance automobile» s'est retrouvée, mercredi, à répondre à un nouveau cas d'apparence de conflit d'intérêts.
À l'Assemblée nationale, à Québec, le Parti québécois a relevé que le chef des enquêtes de la commission, Robert Pigeon, a obtenu un contrat de gré à gré en 2022 pour donner des conseils stratégiques aux ministres précédent et actuel de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault et François Bonnardel.
Le fiasco de SAAQclic a mis sur la sellette les deux élus caquistes comme ministre des Transports et de la Mobilité durable, duquel relève la société d'État. Mme Guilbault occupe le portefeuille depuis octobre 2022, après le passage de M. Bonnardel de 2018 à 2022.
Le député péquiste Pascal Paradis a interpellé en Chambre le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, sur le fait que M. Pigeon, chargé d'enquêter sur les deux élus, «était payé jusqu'à tout récemment par le gouvernement comme conseiller stratégique».
«Est-ce que le ministre de la Justice était au courant de ça? Est-ce qu'il va enfin faire la bonne chose et arrêter cette commission d'enquête qui est vraiment mal partie?» a lancé M. Paradis.
La porte-parole de la commission, Joanne Marceau, a réagi à la sortie du PQ, soulevant que M. Pigeon n'entretient aucun lien personnel avec les deux ministres.
«Il n’a jamais vu M. Bonnardel de sa vie. Il a rencontré Mme Guilbault dans le cadre de ses fonctions de chef de police de la Ville de Québec. Il n’a pas parlé à Mme Guilbault dans le cadre de ce contrat», a-t-elle déclaré aux médias, ajoutant que «90 % du mandat a été réalisé en télétravail».
Les services de M. Pigeon ont été retenus pour accompagner la mise en oeuvre des recommandations du comité consultatif sur la réalité policière, peut-on lire dans le contrat.
Ce dernier a été prolongé en 2024 avec un mandat additionnel de mesurer la performance des corps policiers, a mentionné Mme Marceau. Tout comme en 2022, le contrat a été octroyé par le ministère et non la ministre, tient-elle à préciser.
Des questions de conflits d'intérêts potentiels sont soulevées par les trois partis d'opposition à Québec depuis la nomination du juge Gallant à la tête de la commission.
Ils jettent le doute sur son impartialité en raison de ses liens avec la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel. Les deux étaient procureurs à la commission Charbonneau, de 2011 à 2014.
Les oppositions ont aussi déploré les liens qui existent entre le directeur des enquêtes, Robert Pigeon, et le conjoint de Mme LeBel, un ex-agent de la Sûreté du Québec.
En déclaration d'ouverture de la commission, la semaine dernière, le juge Gallant a promis des règles strictes pour «encadrer les conflits d'intérêts» ainsi que les apparences de conflits d'intérêts qui pourraient survenir pendant les travaux.
Il s'est aussi engagé à limiter ses échanges avec les témoins qu'il connaît, comme la présidente du Conseil du trésor.

