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Robert Kennedy fils, une candidature controversée pour le département de la Santé

Les plus gros obstacles de Robert Kennedy: ses déclarations anti-vaccins et la tragédie aux Samoa.

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2025012707014-2025012707014-6797763c4c0c9718003b2ddajpeg.jpg Robert F. Kennedy Jr, le candidat du président élu Donald Trump au poste de ministre de la Santé et des Services sociaux, s'exprime lors d'une réunion au Capitole à Washington, le 9 janvier 2025. (J. Scott Applewhite | AP Photo)

Robert F. Kennedy fils a déclaré que les vaccins n'étaient pas sécuritaires. Son soutien à l'accès à l'avortement met des conservateurs mal à l'aise. Et les agriculteurs du Midwest sont nerveux à l'idée qu'il interdise le sirop de maïs et les pesticides dans l'approvisionnement alimentaire américain.

L'homme de 71 ans, dont le nom célèbre et les tragédies familiales l'ont mis sous les feux de la rampe depuis son enfance, a passé des années à exprimer ses opinions populistes – et parfois extrêmes – dans des baladodiffusions, des entrevues télévisées et des discours, construisant sa propre marque.

Fils d'une dynastie politique démocrate, M. Kennedy cherche à devenir le plus haut responsable de la santé du pays sous la présidence de Donald Trump. Pour y parvenir, il adoucit ses convictions de longue date, espérant obtenir l'approbation du Parti républicain.

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L'enjeu est le contrôle de M. Kennedy sur le département américain de la Santé et des Services Sociaux, qui gère 1700 milliards $ US et qui supervise les inspections des aliments et des hôpitaux, l'assurance maladie pour près de la moitié du pays et les recommandations de vaccins. Ce poste lui donnerait le genre de pouvoir politique que les Kennedy exercent depuis des décennies.

Il s'est lancé dans la course à la présidence, l'an dernier, succédant à ses oncles John, qui a remporté la Maison-Blanche en 1960, et Edward, qui a échoué dans sa tentative en 1980. Il suivait aussi les traces de son père, Robert, l'un des principaux prétendants à l'investiture démocrate qui avait été assassiné après avoir remporté la primaire californienne en 1968.

Éloignement des démocrates

Avec une forte ressemblance avec son père et ses qualifications d'avocat, il a trouvé des partisans ardents qui adhèrent aux critiques qu'il a formulées contre les aliments malsains, les sociétés pharmaceutiques et les produits chimiques.

Mais il n'a pas réussi à mettre les démocrates de son côté, certains de ses proches l'évitant en raison de ses opinions sur les vaccins. Son parcours idéologique a été flexible, à la fois démocrate libéral et libertarien, et, qui, désormais, embrasse le programme républicain après avoir abandonné la course l'année dernière pour soutenir M. Trump.

Le président lui a depuis demandé de «se déchaîner» sur la santé. Ensemble, ils ont même élaboré un nouveau slogan: «Make America Healthy Again» («Rendre l'Amérique à nouveau saine»).

Les aspirations de M. Kennedy reposent désormais sur le Sénat contrôlé par les républicains, où il ne peut perdre que trois voix républicaines si tous les démocrates s'opposent à lui.

Alors que les audiences de confirmation de Robert Kennedy approchent cette semaine, il fait face à un effort coordonné pour empêcher sa nomination. Une campagne publicitaire télévisée et numérique met en avant son travail militant contre les vaccins. Et l'ancien vice-président Mike Pence, un pilier du mouvement conservateur antiavortement, fait également pression contre lui.

Les plus proches partisans de M. Kennedy pensent qu'il l'emportera. Il prévoit se concentrer sur des questions qui font l'objet d'un consensus bipartisan, comme la réduction des additifs alimentaires et l'amélioration de l'accès à des aliments plus sains. Lorsque des inquiétudes concernant ses opinions sur des priorités conservatrices comme l'avortement surgiront, il a promis de suivre l'exemple du président Trump.

Il y a ensuite le plus grand avantage de M. Kennedy – et peut-être aussi son plus grand inconvénient pour quelqu'un qui travaille sous Donald Trump – son pouvoir de renommée.

«Bobby K. arrive avec un microphone plus grand que n'importe quel secrétaire d'État à la Santé», a déclaré Calley Means, un proche conseiller de M. Kennedy.

Controverses sur les vaccins

Les plus gros obstacles de Robert Kennedy: ses déclarations anti-vaccins et la tragédie aux Samoa.

Les nombreuses déclarations de M. Kennedy, son association anti-vaccin et ses poursuites judiciaires contre les vaccinations risquent de le hanter.

Il a rejeté l’étiquette d’anti-vaccin, se présentant plutôt comme un militant de la «liberté médicale» qui veut plus de recherche. Lui et M. Trump ont juré de ne pas «retirer» les vaccins. Pour désamorcer les critiques, il a démissionné de l'organisation Children’s Health Defense, son association à but non lucratif qui a déposé des dizaines de poursuites contre les vaccins, y compris les autorisations gouvernementales de certains d’entre eux.

Mais ses détracteurs plaident que son travail de plaidoyer contre l’utilisation des vaccins a coûté des vies. Les démocrates sont prêts à se concentrer sur ses campagnes sur les réseaux sociaux et son travail aux Samoa, l’île-nation de l’océan Pacifique où les médecins disent que lui et ses acolytes anti-vaccins ont profité d’une tragédie pour faire campagne contre les vaccinations infantiles.

En 2018, deux enfants samoans sont morts à cause de vaccinations ratées, ce qui a incité le gouvernement à suspendre le programme de vaccination des enfants.

M. Kennedy s'était présenté avec sa femme, l'actrice Cheryl Hines, pour rencontrer le premier ministre, le ministre de la Santé et d'autres responsables de la santé en 2019. M. Kennedy dit avoir promu un «système informatique médical» qui «évaluerait l'efficacité et la sécurité de chaque intervention médicale ou médicament sur la santé globale».

Plus tard cette année-là, une épidémie de rougeole a tué des dizaines de nourrissons et d'enfants.

Le gouverneur démocrate d'Hawaï, Josh Green, un médecin qui a organisé des vols chargés de 50 000 doses de vaccin, de médecins et d'infirmières pour administrer les vaccinations, a mené la campagne pour mettre en avant le rôle de Robert Kennedy. Il a partagé lors de réunions individuelles avec une poignée de sénateurs au début du mois ce dont il a été témoin, y compris des témoignages de villageois qui leur ont parlé de publications sur Facebook qui les ont dissuadés de se faire vacciner.

«Il s'est rendu là-bas et a utilisé son statut de célébrité pour effrayer le pays et le dissuader de se faire vacciner», a déclaré M. Green à propos de Robert Kennedy.

«Vous devez vous demander: "Pourquoi, RFK Jr., iriez-vous aux Samoa et feriez-vous cela à des innocents ?"»

Robert Kennedy a nié avoir joué un rôle dans l’épidémie.

Des sénateurs républicains ciblés

Un groupe démocrate diffuse des publicités numériques qui accusent M. Kennedy d'avoir diffusé de fausses informations aux Samoa. La campagne cible les sénateurs de neuf États, dont Susan Collins du Maine, Lisa Murkowski de l'Alaska, Thom Tillis de la Caroline du Nord et John Curtis de l’Utah, qui compte une importante population samoane.

Ils visent également le sénateur républicain Bill Cassidy, président de la commission sénatoriale sur la santé, l'éducation, le travail et les retraites, qui tient une audience jeudi. M. Cassidy, qui est également médecin, n’a pas appuyé publiquement M. Kennedy après leur rencontre et est considéré comme un élu qui pourrait changer d'idée.

Le sénateur Mitch McConnell du Kentucky, qui a souffert de polio dans son enfance, pourrait également être convaincu de voter contre lui. Au plus fort de la pandémie de COVID-19 en 2021, M. McConnell avait puisé dans ses propres fonds de campagne pour exhorter les habitants du Kentucky à se faire vacciner.

Le mois dernier, le sénateur McConnell a envoyé un avertissement concernant les tentatives de discréditer le vaccin contre la polio.

«Les efforts visant à saper la confiance du public dans les remèdes éprouvés ne sont pas seulement mal informés, ils sont dangereux, a prévenu M. McConnell. Quiconque cherche à obtenir le consentement du Sénat pour servir dans la nouvelle administration ferait bien d’éviter même l’apparence d’une association avec de tels efforts.»

Appui controversé à l'avortement

Pour sa part, l'ancien vice-président Mike Pence remet en question son engagement envers les politiques «pro-vie».

D’autres conservateurs ont remis en question les opinions de M. Kennedy sur l’avortement, après qu’il eut déclaré l’année dernière que cela devrait être légal pour les grossesses venant à terme. Son équipe de campagne a ensuite précisé qu’il soutenait le droit à l’avortement jusqu’à la viabilité du fœtus, soit entre 22 et 24 semaines.

Lors de réunions avec certains sénateurs, il a promis de suivre la directive de M. Trump sur la question.

Le sénateur républicain Josh Hawley du Missouri, par exemple, a déclaré qu’il était convaincu après avoir parlé à M. Kennedy qu’il serait un fervent militant contre l'avortement.

Mais le scepticisme demeure, le groupe de défense de M. Pence promouvant ses opinions sur l’avortement dans une campagne publicitaire.

«RFK Jr. a donné certaines ouvertures aux dirigeants pro-vie pour leur dire qu’il serait attentif à leurs préoccupations au (département), il n’y a guère de raisons d’avoir confiance en ce moment», a déclaré son groupe dans une lettre envoyée aux sénateurs la semaine dernière.

Préoccupations des agriculteurs

Et certains sénateurs se demandent: ses idées vont-elles nuire aux agriculteurs?

Dans l’Iowa, la nomination de M. Kennedy suscite à la fois la joie et les craintes de Brian Fyre, producteur de maïs et de soja.

L’agriculteur de sixième génération et républicain pense que M. Kennedy offrira une nouvelle perspective, mais il ne peut pas non plus se permettre l’interdiction du sirop de maïs ou des pesticides que M. Kennedy a promis. S’il est confirmé, Robert Kennedy superviserait la Food and Drug Administration (FDA) qui a le pouvoir d’édicter des restrictions.

«Nous serions à court d’argent. Cela dévasterait les communautés rurales du Midwest, a-t-il signalé. On parle d’un approvisionnement alimentaire pour une nation. Vous ne pouvez pas renverser cela sans une alternative viable.»

Le sénateur républicain Chuck Grassley de l'Iowa a dit qu'il prévoyait offrir à M. Kennedy une «formation» sur l'agriculture.

Le sénateur du Wisconsin Ron Johnson, un républicain issu d'un État producteur de produits laitiers, voit les choses différemment, déclarant le mois dernier à une foule réunie à la Heritage Foundation que les idées agricoles de M. Kennedy sont une partie prometteuse d'un objectif plus vaste: «rendre l'Amérique à nouveau saine».

Amanda Seitz

Amanda Seitz

Journaliste