L’abolition des bagarres dans la Ligue de hockey junior majeur du hockey (LHJMQ) est l’un des grands sujets actuellement débattus dans le monde du hockey.
Alors que la ministre déléguée au Sport, au Loisir et au Plein air, Isabelle Charest, lutte pour abolir les combats au sein du circuit afin de protéger les jeunes joueurs, d’actuels et anciens hockeyeurs craignent que cette mesure ait des impacts négatifs inconsidérés. D’autres voient cette éventuelle fin des bagarres d’un bon œil, mais estiment que des règlements clairs et une réforme du travail des arbitres doivent être réalisés pour empêcher les débordements sur la glace.
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La question se pose: quel serait l’impact de la fin des bagarres au hockey? Noovo Info s’est donc entretenu avec plusieurs experts aux opinions divergentes dans le but de connaître les potentiels avantages et inconvénients de cette mesure, qui, selon Le Journal de Québec, surviendrait dès la saison prochaine.
«Les bagarres, on n’en voit plus»
Aux yeux du journaliste sportif Mikaël Lalancette, le débat entourant les bagarres dans la LHJMQ a toutefois pris des proportions complètement démesurées. «C’est comme si on décidait de sortir un bazooka pour tuer une mouche», a lancé l’expert en hockey junior.
Crédit photo: Noovo Info
Cette donnée ne cesse d’ailleurs de diminuer d’année en année. Des données recueillies par La Presse montrent que la moyenne de combat par match lors de la saison 2015-2016 était de 0,51. Or, Mikaël Lalancette rappelle que la moyenne de combat par match dans la ligue est actuellement de 0,12. «Les bagarres, on n’en voit plus.»
Avantage: moins de bagarres, moins de blessures (graves)
M. Lalancette estime toutefois que le hockey a évolué depuis les dernières décennies et que la fin définitive des combats lors d’un match de hockey permettrait de limiter les commotions cérébrales, mais également les blessures physiques et psychologiques.
«Deux joueurs qui jettent les gants sur la glace, ça peut être mortel s’il arrive une malchance, a expliqué le journaliste. Et on a eu des cas où il y a eu des conséquences terribles. Il y a des gars qui ont jeté les gants et 15-20 ans plus tard, ils subissent encore les conséquences psychologiques.»
Les décès des durs à cuire Wade Belak et Derek Boogaard avaient notamment secoué la planète hockey en 2011. Wade Belak, ancien espoir des Nordiques de Québec, avait été retrouvé sans vie dans son appartement de Toronto. Il était âgé de 35 ans. Les circonstances entourant son décès demeurent encore nébuleuses. Derek Boogaard est quant à lui décédé à l’âge de 28 ans après avoir consommé de l’alcool et un anti-douleur, l'oxycodone.
Crédit photo: The Associated Press
À la suite de ces deux drames, de nombreuses personnes se sont ensuite questionnées quant à l’impact à long terme des commotions cérébrales provoquées par les bagarres.
C’est le cas d’Enrico Ciccone. Celui qui a évolué dans la LNH tout au long des années 1990 estime que les bagarres n’ont plus leur place dans le hockey d’aujourd’hui.
«Il faut comprendre que le hockey est un sport violent et ça vient avec énormément de coups physiques qui vont entraîner des commotions cérébrales», a-t-il admis. Le député de Marquette a indiqué à l’auteur de ces lignes qu’en empêchant les bagarres, le nombre de commotions cérébrales réduirait considérablement.
Crédit photo: Noovo Info
«Déjà que le hockey est le sport le plus rapide au monde, si au moins on peut enlever les coups de poing pour nos jeunes… Mettez-vous à la place du parent qui voit son enfant jouer et que les partisans payent pour voir des jeunes possiblement se battre. Il n’y a absolument rien de saint dans ça», a lancé le porte-parole de l’opposition officielle en matière de sports.
Désavantage: des effets indésirables
Le Journal de Québec mentionne que la ministre Isabelle Charest a demandé à la LHJMQ «d’imposer une expulsion ainsi qu’une suspension chaque fois que deux joueurs jettent les gants».
La demande de la ministre pourrait entraîner un effet indésiré, selon Mikaël Lalancette, alors que les joueurs étoiles du circuit pourraient être davantage ciblés par leurs adversaires.
«S’il n’y a pas de pénalité pour agresseur, il y en a qui vont s’en permettre, a avancé le journaliste sportif. L’expulsion automatique, sans aucune considération sur les pénalités d’agresseur, ça m’inquiète, car ça ouvre la porte à avoir l’effet inverse de ce qu’on veut provoquer.»
Si un tel scénario survient, M. Lalancette souligne qu’une équipe pourrait se dire victime d’une injustice en raison du nouveau règlement.
«Ça va peut-être avoir l’effet contraire et faire en sorte qu’un joueur va décider de jeter les gants ou d’aller se jeter sur un joueur adverse pour aller régler des comptes.»
Enrico Ciccone abonde dans ce sens. L’ancien joueur des Canadiens de Montréal estime qu’une fin des bagarres nécessite donc une réforme du travail des arbitres. «Il faut que les arbitres voient les coups venir et doivent désamorcer potentiellement un coup. La tension, tout le monde la sent.»
Désavantage: une nouvelle méthode pour contourner le nouveau règlement?
Le dernier match de la saison régulière entre les Mooseheads de Halifax et les Islanders de Charlottetown a été marqué par une échauffourée impliquant plusieurs joueurs. Sur les images de la mêlée, on peut voir plusieurs joueurs se frapper au visage, mais en gardant leurs gants. Cependant, seulement trois joueurs ont été punis sur la séquence.
Selon le journaliste de RDS Michel Laprise, certains joueurs ont évité le banc des punitions tout simplement parce qu’ils ont gardé leurs gants. «Mais dans les faits, des coups de poings ont été donnés.»
«Est-ce que les joueurs vont contourner le prochain règlement bannissant les bagarres de la LHJMQ en gardant leurs gants pour se tapocher dessus? Comme ça, les officiels ne pourront pas donner autre chose qu’une punition pour rudesse puisque les joueurs n’auront pas les mains nues», s’est questionné le journaliste dans un article écrit.
Avantage: le hockey ne deviendra pas plate
Questionné quant aux désavantages de la fin des bagarres dans la LHJMQ, M. Lalancette révèle que certaines personnes craignent que le hockey perde en intérêt «si on encadre trop».
«Cependant, avec la rapidité du hockey en ce moment, je ne pense pas que ça soit un danger», a-t-il répliqué.
Enrico Ciccone affirme que l’abolition des bagarres n’aura pas d’impact sur les gradins dans les amphithéâtres, alors que la mentalité des partisans a complètement changé depuis son parcours professionnel.

