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Accro au sport comme à une drogue? C'est le débat qui a enflammé Reddit au Québec.
Vous connaissez sans doute cette personne: celle qui publie ses accomplissements sportifs en story Instagram, qui semble tout le temps faire de l’activité physique, qui affronte vents et marées pour aller courir une distance que vous n’auriez même pas imaginé faire un jour. Est-ce qu’on peut en devenir accro au sport – au même titre qu'aux drogues ou aux écrans? Des experts tentent de répondre à la question.
C’est la question qui fait couler de l’encre ces jours-ci sur Reddit.
« Ce qui est mauvais pour la santé, c'est : ne pas écouter son corps, se punir dans sa vie quotidienne à cause de l'activité physique – la fameuse bigorexie. Ça, c'est malsain», mentionne Blaise Dubois, physiothérapeute clinicien.
Reconnue comme une addiction comportementale par l’Organisation mondiale de la santé depuis 2011, la bigorexie se traduit par une pratique sportive excessive, voire compulsive.
« On est capable de dire c’est quoi le minimum d’activité physique qu’on devrait faire: c’est minimum 30 minutes d’activités intenses, cinq fois par semaine. Mais on ne sait pas quand ça devient malsain.», recommande le physiothérapeute et fondateur de l'entreprise La Clinique du Coureur. La bigorexie ne touche qu’environ 1% de la population et «99 % des gens ont une relation saine avec le sport ou n’en font carrément pas assez. »
Selon lui, certains débats en ligne exagèrent un phénomène bien réel, mais très limité, voire anecdotique.
Adèle Morvannou, psychologue spécialisée en dépendances et chercheure à l'Institut universitaire sur les dépendance, au CIUSSS, note que l’exercice physique n’est pas officiellement reconnu comme une dépendance… mais certains comportements y ressemblent beaucoup: isolement, troubles alimentaires, difficulté à arrêter même quand c’est nuisible, etc.
«Généralement dans notre société, c'est bien vu, c'est relié à la performance, à la discipline. Dès le plus jeune âge. Alors que, les jeux vidéo par exemple, on a des stéréotypes du jeune geek dans son sous-sol. On n'est absolument pas rendu là en tant que société, il y a des jugements en ce qui concerne cette image-là», mentionne la psychologue et professeure. Elle évoque, à mots couverts, une addiction normalisée de l’activité physique.
La Dre Morvannou ajoute que nous ne sommes pas tous égaux devant la dépendance: « Il y a des facteurs biologiques, psychologiques qui nous rendent plus ou moins à risque. Une vulnérabilité génétique à être impulsif, à chercher des émotions fortes. »
Jacob Amnon Suissa, professeur à l’UQAM et spécialiste de la sociologie des dépendances, confirme que la frontière est floue. «Si le sport est la seule source, unique, dans mon équilibre autant physique que mental, c'est un problème.»
«On sait qu'on a une dépendance, quand on a des symptômes. On peut avoir des symptômes de dépression, une réduction des liens sociaux», mentionne le professeur. «Définitivement, une personne dépendante, il y a un mal-être associé à ça.»
Selon lui, des applications comme Strava peuvent amplifier cette obsession du rendement. «Il ne faut pas avoir que ça dans la vie», conclut-il.
La Dre Morvannou conclut avec une théorie qu’elle attribue au psychologue Robert J. Vallerand et sa théorie des passions harmonieuses versus obsessives. Vous êtes en relation saine avec le sport – en passion harmonieuse – quand il s’imbrique bien dans les autres pans de votre vie.
Vous êtes en relation compulsive – en passion obsessive – quand il se heurte aux autres sphères de votre vie: travail, vie sociale, santé, etc. C’est là qu’elle trace la ligne entre passion et addiction.