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Première rentrée scolaire pour les «bébés pandémie»: en gardent-ils des séquelles?

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0349f2496a8dabd8e96f6d878e71b2051b81241d2c2bca49cb7fa880b920231e.jpg Une fillette de 4 ans marche avec son père devant l'école primaire Lynn Valley, alors que ses parents la déposent pour son premier jour de maternelle à North Vancouver, en Colombie-Britannique, le jeudi 9 septembre 2021. LA PRESSE CANADIENNE/Darryl Dyck

Les bébés de la pandémie, qui sont nés en pleine crise sanitaire dans les années 2020-2021, entrent à la maternelle cette année. Pour certains, cela a pu influencer leur développement social et cognitif, mais à cet âge, les enfants ont beaucoup de résilience. Ils devraient être en mesure de rattraper les retards, quels qu'ils soient, expliquent deux expertes. 

En 2020, près de 82 000 bébés sont nés au Québec, et en 2021, ils étaient environ 85 000. Ces tout-petits ont vécu les premières années de leur vie dans le contexte particulier de la pandémie de COVID-19. Au Québec, le port du masque était obligatoire, notamment pour les éducatrices à la garderie; la distanciation sociale était de mise; les rassemblements en dehors de la bulle familiale ont été interdits à un certain moment; et les personnes infectées devaient s'isoler à la maison. 

Le sérieux de la situation, combiné au facteur d'imprévisibilité, a augmenté le stress et l'anxiété de plusieurs parents, ce qui peut — pandémie ou non — influencer le développement de l'enfant, mentionne Katherine Pascuzzo, professeure agrégée au département de psychoéducation de l'Université de Sherbrooke. 

Elle précise que les effets du stress parental sur l'enfant vont dépendre de plusieurs facteurs, notamment si le parent a accès à un réseau de soutien social important. 

Or, toutes les familles n'ont pas traversé le confinement de la même manière, certaines l'ayant vécu de façon très positive. En effet, il y a plusieurs portraits d'«enfants pandémie», soulève Roxane Larocque, psychologue au Centre d'évaluation neuropsychologique de l'Est-du-Québec (CÉNEQ). Elle indique qu'il y a «une légère différence» entre les enfants pré-pandémie et ceux qui ont vécu leur première rentrée scolaire par après. 

«Ce qu'on a surtout constaté, c'est que les bébés, les familles en général, n'étaient pas tous égaux face à la pandémie. On voit certains enfants qui ont eu plus de difficultés sur le plan social, sur le plan langagier, sur le développement moteur. Mais ce n'est pas tous les enfants, certains enfants s'en sortent très bien», affirme la psychologue. 

«La pandémie est venue mettre en lumière les inégalités dans le filet social. Tout ce qui est pauvreté, santé mentale des parents, les "stresseurs", c'est sûr que c'était des petits cocos qui déjà partaient avec peut-être moins de facteurs de protection. Donc, on voit qu'il peut y avoir un impact peut-être plus grand chez ces enfants», soutient Mme Larocque. 

Grand potentiel de résilience

Mme Pascuzzo souligne qu'il y a une grande divergence dans la littérature scientifique quant à l'impact de la pandémie sur les différentes sphères de développement des enfants. «Il y a certaines études qui vont démontrer que certains jeunes ont pu présenter des délais sur le plan cognitif, social, moteur, et particulièrement sur le plan langagier. Mais d'autres études montrent que ces impacts sont beaucoup moins importants, et d'autres [études] vont même dire qu'il n'y a pas de différence entre les enfants qui sont nés pendant la pandémie et ceux qui sont nés par la suite», détaille la professeure. 

Les écoliers qui vont rentrer à la maternelle cette année ont vécu les premiers instants de la pandémie pendant leur période périnatale. À cet âge, les enfants n'ont pas tellement besoin de socialiser, ce sont surtout les parents qui en ont besoin, explique Mme Larocque. «Pour l'enfant, juste être dans sa famille immédiate, c'est suffisant, dit-elle. Si on avait par contre un enfant de 2, 3 ou 4 ans, c'est la période où on sort de la famille, il y a plus de fêtes et de contacts, on va jouer au parc... là, c'est sûr qu'il peut y avoir un impact.»

Ces enfants étaient probablement plus habitués à un contact un à un avec l'adulte, pointe Mme Larocque. Arrivé à la maternelle, le fait de partager un tour de parole et de respecter la bulle de chacun peut représenter des défis pour les «enfants pandémie».  

La professeure Pascuzzo rappelle cependant que les enfants en bas âge ont une grande capacité de rattrapage. «Ils ont beaucoup de potentiel de résilience, et donc, même si les enfants peuvent présenter certaines difficultés avant de commencer l'école, la rentrée scolaire et tous les apprentissages qui vont en découler sont un terrain fertile pour ces jeunes à se rattraper», explique-t-elle. 

Les enseignants appelés à s'adapter?

Est-ce qu'il faudrait accueillir différemment les enfants qui entrent à la maternelle cette année? «Je pense que oui, les enseignants ont ça en tête», répond Roxane Larocque. Elle ajoute que les professeurs sont probablement déjà habitués à ce genre d'adaptation puisque les enfants qui étaient âgés de 2, 3 ou 4 ans au moment de l'urgence sanitaire sont déjà passés par leur classe. 

«C'est des petits enfants qui vont peut-être avoir vécu une période de plus grand stress, par exemple, ou un défi au niveau social, mais qui à 5 ans on s'attend à ce qu'ils aient probablement rattrapé cet écart», soutient la psychologue. Elle précise que le fait que certains enfants n'aient pas atteint tous les prérequis à la maternelle est une réalité qui existait avant la pandémie. 

Mme Pascuzzo abonde dans le même sens en soulignant que la pandémie a été un facteur de stress parmi tant d'autres pour les parents, les enseignants et les autres adultes qui gravitent autour des jeunes. «Je pense que comme avant, il faut juste accueillir les enfants en fonction d'où ils sont rendus, puis en fonction de leurs besoins respectifs. C'était vrai avant la pandémie, tout comme ça sera le cas maintenant depuis la pandémie», dit-elle. 

Mme Larocque souligne par ailleurs que les enfants ont besoin de services pour bien se développer et elle espère que des investissements continueront d'être faits dans des ressources publiques, comme les écoles, mais aussi les milieux communautaires, puisque cela crée un filet social qui vient diminuer certains facteurs de risque. 

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