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Alors que les dirigeants mondiaux répondent à l’invasion de l’Ukraine par la Russie par des sanctions économiques, les appels se multiplient pour couper l’accès du pays à un système international de paiement et de messagerie qui gère des milliards de dollars de transactions.
Ce texte est une traduction d'un article de Nicole Bogart - CTV News
L’expulsion de la Russie de SWIFT (une abréviation de Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications) a été considérée comme une soi-disant «option nucléaire» dans les sanctions imposées en réponse à la crise ukrainienne.
Cette décision aurait un impact significatif sur l’économie russe, un impact que le gouvernement russe a précédemment comparé à «une déclaration de guerre».
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Basée en Belgique, SWIFT est utilisée par plus de 11 000 banques, institutions financières et entreprises dans plus de 200 pays. Souvent qualifiées de «Gmail de la banque mondiale», les entités utilisent la plate-forme pour envoyer des messages sécurisés et pour régler des transactions financières, en envoyant plus de 42 millions de messages par jour.
SWIFT est dirigé par un conseil d’administration composé de 25 personnes, dont le président du conseil d’administration du Central Counterparty Clearing Centre de Russie, Eddie Astanin. SWIFT, qui se décrit comme un «service public neutre», est une société de droit belge et doit se conformer aux réglementations de l’UE.
Mais, en l’absence d’alternative acceptée à l’échelle mondiale, il est essentiel pour la finance mondiale. Si un pays est banni de ce système, il devient incroyablement difficile pour les institutions financières d'envoyer de l'argent vers ou depuis le pays.
Cette décision porterait un coup soudain à l’économie de la Russie et aurait un impact significatif sur les acheteurs d’exportations de pétrole et de gaz libellées en dollars américains.
«La coupure mettrait fin à toutes les transactions internationales, déclencherait la volatilité des devises et provoquerait des sorties massives de capitaux», a écrit Maria Shagina, chercheuse invitée à l’Institut finlandais des affaires internationales, dans un article l’année dernière pour le Carnegie Moscow Center.
«Si les banques russes sont déconnectées des systèmes de paiement Visa et MasterCard, toutes les transactions nationales pourraient être effectuées via le système national de cartes de paiement. Effectuer des transferts internationaux, cependant, serait une tâche ardue.»
L’Iran a déjà servi d’exemple des risques présentés à la Russie.
SWIFT a interdit les banques iraniennes en 2012 après avoir été sanctionnée par l’Union européenne pour le programme nucléaire du pays. L’impact financier s’est fait sentir rapidement, le pays perdant près de la moitié de ses revenus d’exportation de pétrole et 30 % de son commerce extérieur suite à la déconnexion, selon Shagina. De nombreuses banques concernées ont été retirées de la liste par l’UE en janvier 2016, puis reconnectées à SWIFT.
En 2014, le Royaume-Uni a demandé en vain aux dirigeants européens d’interdire également la Russie. À l’époque, l’ancien ministre russe des Finances prévoyait que cette décision entraînerait une baisse du PIB russe de 5 %.
Le premier ministre de l’époque, Dmitri Medvedev, a également comparé cette décision à «une déclaration de guerre».
Selon Mme Shagina, le haut niveau d’interconnexion de la Russie avec l’Occident a fonctionné comme un «bouclier» face à ces types de menaces.
«Les États-Unis et l’Allemagne auraient le plus à perdre si la Russie était déconnectée, car les banques américaines et allemandes sont les utilisateurs SWIFT les plus fréquents pour communiquer avec les banques russes», a-t-elle expliqué.
«Pourtant, Moscou a pris des mesures pour sécuriser son système financier national, le cas de l’Iran servant de d'exemple.»
L'experte explique qu’à court terme, SWIFT pourrait être remplacé à des fins nationales par l’équivalent russe, baptisé System for Transfer of Financial Messages (SPFS), qui a été mis en place par la banque centrale du pays en 2014.
Mais en raison des contraintes internationales du SPFS, le système de paiement interbancaire transfrontalier chinois (CIPS) pourrait être une alternative.
Moscou pourrait également être contrainte de recourir à l’utilisation de cryptomonnaies.
Mais interdire l’accès à SWIFT à la Russie pourrait également avoir un impact négatif sur les économies mondiales, en particulier les pays européens ayant des liens commerciaux étroits.
«À Moscou, qui achète énormément de voitures allemandes très chères ? C’est l’élite allemande [qui serait affectée]. La France a aussi l’habitude de vendre énormément de choses à la Russie», a déclaré jeudi l’économiste mondial de l’énergie Jan Stuart à CTV News Channel.
«L’une des raisons pour lesquelles vous ne voulez pas chasser les Russes de SWIFT est que vos propres banques vont faire faillite. Il y a plus de relations avec la Russie qu’il n’y paraît», ajoute l'économiste.
Jeudi, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kulebab, a condamné le bombardement russe des villes ukrainiennes, appelant au retrait du pays de SWIFT.
I will not be diplomatic on this. Everyone who now doubts whether Russia should be banned from SWIFT has to understand that the blood of innocent Ukrainian men, women and children will be on their hands too. BAN RUSSIA FROM SWIFT.
— Dmytro Kuleba (@DmytroKuleba) February 24, 2022
Le 28 avril 2021, le Parlement européen a adopté une résolution menaçant de prendre des mesures contre la Russie si elle envahissait l’Ukraine, notant que la Russie pourrait être «exclue du système de paiement SWIFT» si une action militaire était entreprise. Cependant, la résolution était juridiquement non viable.
Le ministre danois des Affaires étrangères, Jeppe Kofod, a déclaré lundi que l’UE était prête à répondre à une invasion russe de l’Ukraine par «des sanctions globales jamais vues auparavant». Et mardi, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a averti que les sanctions seraient «le levier le plus important dont dispose l’Occident, ou du moins l’Union européenne».
Le premier ministre britannique Boris Johnson a également déclaré que son gouvernement discutait de la possibilité d’interdire la Russie à SWIFT, mais a noté que cette décision nécessiterait le soutien des États-Unis.
«Il ne fait aucun doute que ce serait une arme très puissante [contre la Russie]. J’ai bien peur qu’elle ne puisse vraiment être déployée qu’avec l’aide des États-Unis. Nous sommes en discussion à ce sujet», a déclaré Johnson mardi.
Pour sa part, SWIFT affirme être une partie neutre et n’a pas le pouvoir de prendre des décisions de sanction.