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Cyberintimidation, menaces à l'intégrité physique, menaces de mort, cyberharcèlement: voilà ce que vivent plus de la moitié des journalistes, animateurs et animatrices, chroniqueurs et chroniqueuses du monde québécois des médias.
C’est ce qui ressort d’une étude réalisée auprès de 264 membres des médias par les chercheurs Stéphanie Villeneuve et Jérémie Bisaille pour le Service aux collectivités de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM).
Les résultats de l’enquête ont été dévoilés par la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC-CSN) à l’approche de la Journée mondiale de la liberté de la presse, qui aura lieu le mardi 3 mai.
Un petit plus de la moitié (50,8%) des répondantes et répondants à l’étude affirment avoir été victimes de cyberintimidation; 17,8% affirment avoir reçu des menaces visant leur intégrité physique; et 7,2% ont reçu des menaces de mort.
«Ce sont 14% des répondants qui disent éviter ou traiter de sujets controversés par peur d’être harcelés en ligne. Et ça a des conséquences énormes sur la liberté de presse, disent les auteurs de cette étude», explique la journaliste Anaïs Elboujdaini, qui a assisté au point de presse, au bulletin Noovo Le Fil 17.
Fait troublant: la moitié des victimes de cyberharcèlement considère ces événements comme «inévitables».
«On apprend que 7,2% des 264 journalistes sondés ont reçu des menaces de mort. Ce sont les hommes qui cyberharcèlent dans 90% des cas», ajoute Anaïs Elboujdaini au bulletin Noovo Le Fil 17.
Dans 80% des cas, c’est la qualité du travail qui a été remise en question, tandis que 76% des cas concernent des propos offensants, 68% des propos ridiculisants et près de 70% une remise en question des qualifications. En outre, 60% des cas de cyberharcèlement concernent une remise en question de l’autorité.
Évaluation de l’ampleur du phénomène du cyberharcèlement dans le milieu de l’information : types, conséquences et actions entreprises
Selon les données qualitatives, les sujets qui font davantage réagir sont, dans l’ordre : l’identité et la religion, la politique canadienne et québécoise, puis la justice et les faits divers
«Nous sommes tous interpellés par les résultats de cette étude, autant du côté syndical que du côté des entreprises de presse et du gouvernement, a réagi la présidente de la FNCC–CSN, Annick Charette.
Voici des témoignages issus de l’étude Évaluation de l’ampleur du phénomène du cyberharcèlement dans le milieu de l’information : types, conséquences et actions entreprises:
«Un homme m’a écrit plusieurs fois sur Twitter pour me reprocher de ne pas lui faire de place en ondes […]. Comme je ne lui répondais pas, il a commencé à me traiter de pute, de femme qui se pense meilleure que les hommes. Après plusieurs messages, il m’a dit qu’il viendrait en studio pour me violer.»
«Il avait diffusé plusieurs vidéos sur YouTube accusant le journal de faire partie du grand complot sioniste pour contrôler l’humanité. Il m’avait envoyé une vidéo sur YouTube disant qu’il savait où j’habitais et qu’il pouvait en parler à « ses petits amis».
«On suggère que je suis biaisée dans mes articles, que j’ai une allégeance politique, un agenda, que je n’ai pas fait la vérification des faits correctement, que j’omets des points de vue à la question […] que j’écris des fake news. Il y a clairement une plus grande méfiance envers les médias depuis l’élection de Donald Trump […].»
D'autres témoignages, qui ont servi à cette étude, ont été présenté au bulletin Noovo Le Fil 17.
«J’en aurais long à raconter! Menace de mot, menaces de suicide, faux profils avec ma photo sur des sites de rencontres […]»
«[…] Les menaces étaient constantes pendant deux trois jours, jusqu’à ce qu’un utilisateur suggère de “tirer sur le messager“»
Évidemment, le harcèlement sous toutes ses formes a des répercussions sur les travailleurs du domaine des médias. Plus de 41% des journalistes, animateurs et chroniqueurs interrogés affirment devoir vivre avec le stress engendré par cette situation, tandis que plus de 32% des victimes vivent de la colère et près de 24% souffrent d’une perte de confiance.
Évaluation de l’ampleur du phénomène du cyberharcèlement dans le milieu de l’information : types, conséquences et actions entreprises
Il y a aussi les impacts de cette violence au travail. Environ 23% des gens des médias victimes de harcèlement affirment être affectés par une perte de productivités. Environ 13% d’entre eux affirment avoir évité de couvrir certains sujets controversés dans le cadre de leur travail et un peu plus de 8% ont même songé à quitter leur emploi.
Selon la Fédération nationale des communications et de la culture (FNCC-CSN), ce projet de recherche permet aussi de mettre en lumière «les graves manquements constatés en matière de prévention du cyberharcèlement au sein des entreprises médiatiques» et «des mesures de soutien aux victimes apporté par les employeurs».
«Les employeurs doivent en faire plus. Dans 70% des cas, on dit qu’il n’y a pas de mesures en place pour prévenir le harcèlement en ligne», affirme la journaliste Anaïs Elboujdaini au bulletin Noovo Le Fil 17.
Plus de 70% des journalistes, chroniqueuses et chroniqueuses, animatrices et animateurs sondés affirment qu’il n’existe aucune mesure visant à prévenir le cyberharcèlement au sein de leur entreprise. Également, un peu plus de 65% des répondants et répondantes affirment qu’il n’existe pas de mesures visant à soutenir les victimes après un acte de cyberharcèlement.
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La FNCC-CSN souligne toutefois que selon l’étude, lorsque des mesures sont en place, elles sont considérées comme suffisantes et adéquates par 65,3 % des répondantes et répondants.
Devant de tels résultats, la FNCC–CSN interpellera au cours des prochaines semaines ses syndicats affiliés, les entreprises de presse ainsi que les principaux représentants gouvernementaux afin de réclamer, notamment, la création de protocoles clairs en cas de cyberharcèlement, de la formation auprès des travailleurs et travailleuses de l’information et la reconnaissance de ce phénomène par les législations appropriées.
À cet effet, la fédération suivra attentivement les travaux portant, à la Chambre des communes, sur l’encadrement légal des propos haineux tenus en ligne.