Début du contenu principal.
L'accès à des seringues propres demeure sévèrement limité dans les pénitenciers fédéraux, ce qui expose davantage les détenus aux infections transmises par le sang comme le VIH et l'hépatite C.
Par Erika Ibrahim – La Presse canadienne
Le Service correctionnel du Canada a commandé un rapport décrivant les faiblesses du Programme d'échange de seringues dans les prisons (PESP) mis en place deux ans plus tôt pour prévenir le partage d'aiguilles entre détenus et la propagation de maladies infectieuses. Il en a reçu une copie en octobre 2020.
Selon ce rapport, obtenu par le Réseau juridique VIH grâce à la Loi d'accès à l'information, il est inquiétant de constater qu'une majorité d'établissements ne comptent aucun participant au programme.
L'Enquêteur correctionnel du Canada, Ivan Zinger dit que l'obligation pour les participants de subir une évaluation du risque et la pandémie de COVID-19 ont contribué au peu de popularité du programme.
«Le problème que nous avons, c'est que nous avons si peu de participants, reconnaît-il. Cela laisse sous-entendre que plusieurs seringues sales sont en circulation. Des gens font de mauvais choix parce qu'ils ne sont pas convaincus que le programme mis en place est bon pour eux.»
Le PESP a été mis en place en 2018 dans neuf pénitenciers fédéraux. L'objectif était de réduire le partage de seringues entre les détenus afin de réduire la transmission des infections par le sang. En mai 2020, le Service correctionnel a suspendu les procédures visant à implanter plus amplement le programme en raison de la COVID-19.
M. Zinger indique que le programme ne fonctionne que dans quatre établissements. En tout, 42 détenus y participent. Il s'inquiète des conséquences de ce peu de popularité du programme. Il craint notamment que les détenus continuent de faire usage de drogue de façon non sécuritaire.
La gestionnaire des services de santé mentale au Service correctionnel, Ginette Clark, souligne que le programme demeure en place dans les neuf établissements. Des détenus demandent à y adhérer «de manière continue.»
La directrice générale du Réseau juridique VIH Sandra Ka Hon Chu s'inquiète de cette faible participation au programme, car le taux de VIH et d'hépatite C est très élevé dans les pénitenciers fédéraux. L'injection de drogue est l'une des causes de ces infections.
«Ce n'est pas une bonne nouvelle pour la santé publique ou la santé des gens. Nous souhaitons que les gens puissent participer à ce service de santé comme n'importe qui au sein de la collectivité», dit Mme Ka Hon Chu.
M. Zinger signale avoir constaté une diminution de la propagation des infections transmissibles dans les pénitenciers où le programme est en place.
Le rapport, dirigé par une professeure de l'Université d'Ottawa, Lynne Leonard, fait valoir que cette faible participation mérite d'être examinée plus profondément afin d'identifier les principales causes. Par exemple: trois des pénitenciers n'ont reçu aucune demande.
Parmi les obstacles observés par les auteurs du rapport figure le manque de discrétion ou d'anonymat.
Dans certains pénitenciers, l'échange d'une seringue usagée contre une neuve fait courir le risque à un détenu d'être identifié comme un participant au programme. Certains participants ont raconté qu'ils doivent faire savoir oralement qu'ils veulent échanger une seringue.
Des participants ont aussi témoigné qu'ils faisaient l'objet de harcèlements par le personnel du Service correctionnel, selon une note d'information obtenue par le Réseau juridique VIH.
Mme Clarke a indiqué que le Service correctionnel examinait les recommandations du rapport dirigé par la Pre Leonard. Certaines mesures sont en train d'être mises en place, notamment en mettant à jour le matériel de promotion.
Le président du Syndicat des agents correctionnels du Canada, Jeff Wilkins, souligne que le programme doit comprendre des mesures de sécurité afin de s'assurer qu'une seringue ne soit pas utilisée comme une arme.
«La seringue est dans la cellule du détenu. Il peut s'en servir pour agresser un membre du personnel et le blesser. Il peut s'en servir pour agresser d'autres détenus», affirme-t-il.
Le rapport indique toutefois que les données sont insuffisantes pour évaluer le nombre de blessures infligées par une seringue dans les pénitenciers participants.
Mme Ka Hon Chu croit que l'utilisation de seringues propres est uniquement une question de santé. En conséquence, ce programme ne doit pas être géré par des agents correctionnels.