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Le gouvernement québécois peine à convaincre les infirmières qui travaillent en agences de placement de revenir dans le réseau public. Si le ministère de la Santé et des Services sociaux ignorent combien d'entre elles se sont prévalues des primes d'attraction de 12 000$ à 15 000$ annoncées à la fin septembre, les propriétaires d'agences affirment n'avoir vu que très peu d'employées quitter leurs rangs.
Émilie Clavel s'est entretenue avec une infirmière auxiliaire, Neige Vadeboncoeur, qui explique pourquoi elle refuse de retourner dans le réseau public.
«Moi j’ai été dans le réseau public, j’étais fatigué comme beaucoup de monde dans le réseau. Comme je dis souvent à mes collègues, c’est que je ne suis plus une esclave du CIUSSS. Maintenant, je suis libre de faire le métier que j’aime, de le faire librement, quand je veux, comme je veux, et à qui je veux.»
Neige Vadeboncoeur est catégorique : aucune prime du gouvernement et aucune promesse de réforme n’ont assez de poids pour la convaincre de revenir dans les rangs du réseau public de la santé et des services sociaux.
«Aucun risque. Vraiment aucun risque.»
Hélène Gravel, présidente de l’Association des entreprises privées de personnel soignant du Québec, affirme que très peu d’infirmières des agences ont répondu à l’appel du gouvernement Legault.
«Il y a très peu d’infirmières qui l’ont fait, du moins auprès des membres de l’EPPSQ. On représente environ 16 000 employés qui travaillent dans le domaine de la santé. On parlait d’une dizaine, donc c’est très minime. À l'inverse, on continue d’obtenir quand même pas mal de C.V.»
Les conditions de travail, le nerf de la guerre
Neige Vadeboncoeur est d’avis que la CAQ fait fausse route avec ces promesses en argent pour améliorer le réseau public de la santé.
«Le 15 000$, il n’est vraiment pas attirant : il comporte quand même beaucoup de conditions. Et ce n’est pas une question d’argent. Le gouvernement, actuellement, il n’a pas compris : je ne suis pas partie pour une raison d’argent. Je suis partie pour les conditions tout autour de la fonction. 15 000$, même 30 000$ ou 50 000$, je n’y retournerai pas. Ce n’est pas l’argent.»
Hélène Gravel de l’EPPSQ abonde dans le même sens.
«C’est une question d’organisation du travail, c’est aussi simple que ça. Qu’on soit dans le réseau ou un employeur privé, la première chose qu'il faut faire, depuis toujours, mais particulièrement peut-être maintenant, c’est de prendre soin de nos employés.»
Neige Vadeboncoeur croit que les mauvaises conditions de travail vécues dans le réseau de la santé ont eu raison de plusieurs travailleuses et travailleurs.
«C’est le sentiment d’appartenir à une entité et de ne plus appartenir à toi-même ou à qui que ce soit. Tu appartiens à un système, et ce système te donne au goutte-à-goutte des vacances, des congés. Moi j’ai toujours aimé mon métier, j’ai toujours aimé mes patients, mes résidents, mes collègues. J’aime mon métier. Un moment donné j’étais tellement épuisé, c’était vraiment les conditions de travail que je devais quitter pour me sauver moi-même. J’ai quitté le réseau, je suis partie en résidence privée et quelques mois après j’ai eu une opportunité en agence. J’ai essayé et le travail a comblé tous mes besoins. Ce que je donnais, on me le redonnait au centuple, avec le respect. Le respect surtout.»
Mme Vadeboncoeur affirme ne pas avoir été témoin de ce respect alors qu’elle œuvrait dans le réseau public québécois.
«Le système oublie que les personnes qui sont sur le plancher, il s’agit d’êtres humains avant tout. J’ai déjà été "pointé" après un double. Ça veut dire que j’avais fait 16 heures et que j’étais obligé de rester, parce que c’est comme ça. Si les agences existent, c’est parce qu’il y a un problème dans le système. Sinon, il n’y en aurait pas d’agences. Donc, regarder dans le système ce qui ne fonctionne pas.»