Le gouvernement fédéral affirme qu'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une erreur judiciaire s'est produite dans le cas d'un Québécois reconnu coupable de quatre meurtres en 1994.
Jeudi, le groupe de révision des condamnations criminelles du ministère de la Justice a confirmé qu'il enquêterait sur le cas de Daniel Jolivet, emprisonné depuis 33 ans.
Un avocat de Jolivet, âgé de 68 ans, a présenté une demande officielle plus tôt cette semaine au ministre fédéral de la Justice, Sean Fraser, lui demandant de réviser la condamnation de Jolivet et d'ordonner la tenue d'un nouveau procès. Cette demande fait suite à la conclusion du Bureau du procureur de la Couronne du Québec, en juin, selon laquelle Jolivet pourrait ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable.
«Après une évaluation préliminaire de la demande de révision de M. Daniel Jolivet, nous concluons qu'il existe des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire s'est probablement produite», a écrit jeudi le groupe de révision fédéral dans une lettre adressée à l'avocat de Jolivet, Me Nicholas St-Jacques de Projet Innocence Québec.
La décision de réviser le dossier signifie que Jolivet peut maintenant demander une mise en liberté sous caution, a déclaré Me St-Jacques en entrevue vendredi.
«Cela lui a redonné espoir, a-t-il dit. Maintenant, il a de réelles chances de sortir et de pouvoir faire autre chose de sa vie que de simplement penser à son cas et d'essayer de sortir de prison.»
Jolivet a été reconnu coupable de deux chefs d'accusation de meurtre au premier degré et de deux chefs d'accusation de meurtre au deuxième degré pour la mort par balle de deux hommes et deux femmes à Brossard, au Québec, en novembre 1992.
La preuve au procès reposait en grande partie sur le témoignage d'un informateur, qui a raconté que Jolivet avait avoué avoir tué les quatre hommes dans le cadre d'un règlement de comptes lié à la drogue et au vol de marchandises.
Jolivet a obtenu l'annulation du verdict en appel, mais celui-ci a été rétabli par la Cour suprême du Canada en 2000.
Me St-Jacques a soutenu que les poursuites contre son client soulèvent de nombreux signaux d'alarme, notamment des doutes quant à l'honnêteté de l'informateur. Il a également ajouté qu'une grande quantité de preuves n'avait jamais été remise à la défense.
20 ans à clamer son innocence
Jolivet, emprisonné depuis son arrestation fin 1992, a toujours clamé son innocence. Me St-Jacques a souligné lors d'une précédente entrevue que son client avait reconnu avoir commis de nombreux crimes, mais qu'il avait toujours affirmé n'avoir jamais assassiné personne, même si cela aurait pu lui permettre d'obtenir une libération conditionnelle.
Me St-Jacques a déclaré que Jolivet réclamait une révision de sa condamnation depuis 20 ans, mais que le groupe de révision fédéral avait refusé à quatre reprises d'examiner le dossier.
En juin, cependant, le Bureau du procureur de la Couronne du Québec a conclu qu'il y avait des raisons de croire que la défense n'avait pas reçu toute la preuve nécessaire pour assurer sa défense au procès.
«En bref, nous sommes d'avis qu'il existe des motifs raisonnables de conclure que M. Jolivet n'a probablement pas bénéficié d'un procès juste et raisonnable», a expliqué le Bureau dans une lettre adressée à Me St-Jacques.
Me St-Jacques a depuis exhorté le ministre Fraser à réexaminer le dossier. Il a expliqué que l'enquête en cours pourrait durer jusqu'à deux ans, après quoi le ministre de la Justice pourrait ordonner un nouveau procès, renvoyer l'affaire en appel ou rejeter la demande.
Il a indiqué qu'il présenterait une demande de libération sous caution la semaine prochaine à la Cour supérieure du Québec.
Plus tôt cette semaine, la Commission des libérations conditionnelles du Canada a rejeté la demande de libération conditionnelle de Jolivet, estimant que sa libération présenterait un «risque inacceptable pour la société».
La Commission a noté que Jolivet avait déjà planifié des tentatives d'évasion et avait été trouvé en possession de contrebande, bien que son comportement se soit amélioré ces dernières années.
«Votre dossier indique que votre impulsivité, votre mauvaise gestion émotionnelle, votre difficulté à évaluer les conséquences de vos actes et vos déficiences émotionnelles sont des facteurs qui nuisent à votre capacité à vous maîtriser», peut-on lire dans la décision.
La Commission des libérations conditionnelles a déclaré que la dernière évaluation psychologique des risques de Jolivet, réalisée en octobre 2023, avait identifié un trouble de la personnalité antisociale et conclu qu'il présentait un niveau de risque «modéré».
La Commission a déclaré que sa décision de refuser la libération conditionnelle ne reposait pas sur le refus de Jolivet d'assumer la responsabilité des crimes commis, mais qu'elle ne pouvait présumer de l'issue d'un «hypothétique contrôle judiciaire» de son dossier.
Me St-Jacques a déclaré que la décision de libération conditionnelle ne faisait que «renforcer la pertinence» du contrôle judiciaire de sa condamnation.
Il a ajouté que les agents avaient réveillé Jolivet dans sa cellule vendredi matin afin que Me St-Jacques puisse lui annoncer la nouvelle par téléphone. Jolivet s'est mis à pleurer en apprenant la nouvelle du contrôle judiciaire fédéral et passe par «toute la gamme des émotions», a expliqué Me St-Jacques.
«À un moment donné, je me dis qu'on ne croit tout simplement pas qu'on va recevoir cet appel, a-t-il dit. Cela fait tellement d'années.»
— Avec des informations de Morgan Lowrie
