Ottawa a rejeté la demande de Marineland d'envoyer ses derniers bélugas en Chine, a annoncé mercredi la ministre des Pêches, Joanne Thompson.
Le gouvernement fédéral n'accordera pas de permis d'exportation pour l'expédition des 30 baleines vers l'aquarium Chimelong Ocean Kingdom, a-t-elle dit.
Il s'agit des dernières baleines en captivité au Canada.
Vingt baleines – un épaulard et 19 bélugas – sont mortes à Niagara Falls, en Ontario, une attraction touristique, depuis 2019, selon une base de données créée par La Presse Canadienne à partir de documents internes et de déclarations officielles.
«C'est une décision très difficile à prendre, mais elle est ancrée dans la Loi sur les pêches, et je suis fière qu'au Canada, nous ayons une loi très précise concernant le traitement des baleines en particulier, et indiquant qu'il est inacceptable de les garder en captivité à des fins de divertissement», a expliqué Mme Thompson aux journalistes de la colline du Parlement mercredi matin.
«Toutes les baleines devraient être dans l'océan, pas dans des bassins à des fins de divertissement.»
Elle a précisé que cette décision était conforme à une loi de 2019 interdisant la captivité des baleines et des dauphins, rendant les spectacles illégaux et interdisant la reproduction.
La ministre s'est dite ouverte à «examiner d'autres décisions qui concernent réellement la santé et le bien-être des baleines».
Interrogée sur la suite des événements, elle a répondu: «Cette décision appartient à Marineland.»
Marineland n'a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires, mais a maintenu qu'il traitait ses baleines conformément à la loi.
Doug Ford déçu
Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, s'est dit déçu que le gouvernement fédéral n'ait pas approuvé le transfert des animaux.
«Vous savez, je suis un amoureux des animaux et c'est une situation vraiment triste, a-t-il affirmé à Queen's Park, à Toronto. J'encourage vivement le gouvernement fédéral à nous permettre de veiller à ce que ces baleines survivent dans un environnement exceptionnel ou dans un nouveau foyer.»
Il a ajouté que la province contribuerait à trouver d'autres solutions pour les baleines de Marineland.
«Nous n'avons pas besoin de déplacer les 30 baleines d'un coup, quelques-unes par-ci, quelques-unes par-là, a avancé M. Ford. Nous voulons qu'elles survivent, et si ce n'est pas le cas, le gouvernement fédéral devra en répondre.»
Expédier les baleines hors du pays est probablement la seule option, a déclaré M. Ford.
«Nous avons besoin d'un foyer digne de ce nom, c'est aussi simple que ça, a-t-il ajouté. Nous devons sauver les baleines.»
Marineland a annoncé sa mise en vente début 2023. Le parc a ouvert cet été-là, mais avait fermé quelques attractions. Puis il a fermé au public à la fin de l'été 2024 et n'a pas rouvert. Il n'a pas ouvert cette année, car la société envisage de vendre le parc et le vaste terrain qu'elle possède près des chutes Horseshoe. Aucune vente n'a encore été annoncée.
Quatre dauphins, quelques phoques et otaries, ainsi qu'un contingent d'ours et de cerfs vivent encore à Marineland.
La loi interdisant la captivité des baleines ne s'appliquait pas à la population existante de baleines captives à Marineland, mais le parc devait se conformer à une autre partie de la loi interdisant la reproduction.
La loi interdisait également l'importation et l'exportation de baleines, bien qu'il existe des exceptions pour la recherche scientifique ou «si cela est dans l'intérêt supérieur» de l'animal, le pouvoir discrétionnaire étant laissé au ministre.
Pêches et Océans Canada a déclaré être également au courant du projet de sanctuaire de baleines en Nouvelle-Écosse, mais a précisé qu'il n'était «pas opérationnel».
Ce projet de 20 millions $ est retardé depuis des années. Des documents obtenus par La Presse Canadienne plus tôt cette année grâce aux lois sur l'accès à l'information indiquent qu'un groupe américain ne se verra pas accorder de bail de la Couronne pour 81 hectares de terres et d'eaux près de Wine Harbour, en Nouvelle-Écosse, sans le consentement unanime des propriétaires fonciers.
Des animaux en détresse
L'Ontario est responsable de l'application des lois sur le bien-être animal et mène une vaste enquête sur Marineland depuis 2020. Les inspecteurs ont visité le parc plus de 200 fois et délivré 33 ordonnances de mise en conformité.
La province a toujours quatre ordonnances en suspens à long terme contre Marineland. Celles-ci portent sur la qualité de l'eau, l'entretien et la réparation du réseau d'eau, la tenue de registres adéquats pour les baleines et les dauphins, ainsi que l'état des enclos et le niveau d'enrichissement pour les dauphins, les phoques et les otaries, a indiqué le ministère du Solliciteur général.
En 2021, la province a déclaré tous les mammifères marins de Marineland en détresse, invoquant la mauvaise qualité de l'eau. Marineland a contesté cette décision, interjeté appel de l'ordonnance, puis a abandonné son appel.
Marineland a affirmé que la qualité de l'eau n'avait joué aucun rôle dans la mort des bélugas et que cela faisait partie du cycle naturel de la vie.
Un jeune béluga est mort en février, tandis qu'un autre béluga et un phoque commun sont morts dans le parc à la mi-août.
Phil Demers, ancien entraîneur de baleines de Marineland devenu critique virulent, a déclaré qu'il était toujours préoccupé par le sort des bélugas, mais qu'il gardait espoir qu'une solution rapide soit trouvée.
«Cela réduit les options pour les bélugas, ce qui, au moins, élimine cette possibilité spécifique», a-t-il dit à propos du parc chinois.
«Et ainsi, on espère que cela ouvrira de nouvelles perspectives: lorsqu'une porte se ferme, on espère qu'une autre s'ouvre.»
Refuser le transfert est la bonne décision, a soutenu Camille Labchuk d'Animal Justice.
«Nous saluons le gouvernement fédéral d'avoir donné la priorité aux intérêts de ces animaux incroyables et intelligents», s'est-elle réjouie, ajoutant que le parc Chimelong possède un programme de reproduction actif et que ses baleines participent à des spectacles publics.
Mme Labchuck a défendu l'idée de les envoyer dans un sanctuaire.
La Protection mondiale des animaux a estimé que Doug Ford devrait prendre l'initiative de contribuer à la mise en œuvre du projet de sanctuaire de baleines en Nouvelle-Écosse.
«Les exporter vers la Chine n'est pas la solution», a déclaré Melissa Matlow, directrice de campagne.
«(Doug) Ford a l'occasion de faire preuve d'un véritable leadership en collaborant avec Ottawa et la Nouvelle-Écosse pour enfin faire décoller le sanctuaire de baleines et créer un environnement océanique naturel et sécuritaire où elles pourront prospérer. Avec la volonté politique nécessaire, c'est possible.»
– Avec des informations de Kyle Duggan, à Ottawa

